Image de l'oeuvre - Quelques battements d'ailes

Notre critique de Quelques battements d'ailes

Ophélie, 19 ans, rejoint l'Institut royal des sciences naturelles pour la courte période de 2 semaines. Sans aucun attrait pour la faune ou la flore, la voilà pourtant au cœur du département d’entomologie. Ce domaine d'étude zoologique peu connu du public se concentre sur nos voisins les plus méconnus : les insectes. Invisibles, souvent rebutants, ils nous rendent pourtant de fiers services : la valeur annuelle des aides qu'ils apportent aux USA est estimée à près de 60 milliards d'euros ! Malgré toute la bonne volonté de Nida, sa responsable et de Rudy, le stagiaire, Ophélie n'accroche pas : ni les chiffres éloquents concernant l'aide qu'ils représentent, ni les anecdotes de Nida ne font mouche. Et pour cause, Ophélie n'est pas là pour un stage ou un job étudiant, elle purge une peine de travail d’intérêt général. Pour cette jeune étudiante un peu perdue, épingler des mouches sur de la frigolite s'avère un travail ennuyant et dégoûtant. Pourtant, au fil des histoires contées par Nida sur ces curieux compagnons, Ophélie ne peut s’empêcher de comparer le comportement de ces petites bestioles à celui de ses proches. Son compagnon, foncièrement toxique, n'a-t-il pas, comme les drosophiles, ses neurones de l'agressivité situés au même endroit que ceux de la sexualité ? Sa meilleure amie Clémence, à l'instar du criquet solitaire, ne change t-elle pas de tempérament en un claquement de doigt ? Ophélie, danseuse talentueuse, a vu ses espoirs de carrière s'envoler à cause de problème de santé. Loin de ses amis, entourée d'animaux aux tempéraments si similaires à ceux des humains, elle fait un point sur sa vie. Après ses deux semaines à l'Institut, deux choses sont certaines : l'entomologie ne fera pas partie de son avenir et, contrairement aux fourmis qui s'engagent dans une spirale de la mort lorsqu'elles perdent leur trace, Ophélie sort de sa chrysalide pour embrasser une nouvelle version d'elle-même.

Dans ce court voyage initiatique de deux semaines, Anaële Hermans nous ramène à cette période qui marque le début de la vie adulte où l'avenir est fait de choix et d'inconnu. Ce moment clivant où chaque décision compte, où les amies sont le principal pilier et où on ne sait pas encore s'affirmer et poser ses limites. Loin des clichés, Ophélie est cette amie qu'on a toutes eue, un peu paumée dans sa vie, un peu timide mais toujours présente pour celles et ceux qui comptent à ses yeux. Celle qu'on ne remarque pas car elle s'efface à côté de LA copine qui a toujours une longueur d'avance sur tout. Ophélie c'est cette fille qui un jour pète un câble pour se sentir exister. Dans cette BD, Anaële Hermans saisit bien le portrait de cette camarade de classe qu'on a tous et toutes côtoyée un jour, sans en faire trop et sans la caricaturer. Sublimé par le pinceau de Tiffanie Vande Ghinste, cet opus aux couleurs pastel si douces est un vrai plaisir à lire. L'utilisation de l'aquarelle dans ces planches apporte beaucoup de poésie à l’histoire et la marque d'une véritable signature graphique. On appréciera le détail des insectes qu'on retrouve page après page dans ce récit aux couleurs de printemps.

Julie Leclerc