Couverture cartonnée aux bouts arrondis, titre en minuscules, animal croqué, la forme de ce livre l’indique : il s’agit d’un album destiné aux petits.
Au dos, le titre, Mon œil ! est écrit avec un o tout rond, tout noir; les auteurs sont Sylvain Alzialet et Loïc Gaume ; la maison d’édition Versant Sud, est identifiable à son logo en point-virgule .
En première de couverture, sous le nom des auteurs, un hippopotame beige, donc imaginaire occupe le centre de l’espace. Son œil droit prend la forme d’un gros point noir ; son autre œil se transforme en signe graphique et linguistique pour écrire le mot œil du titre. Avec un œilleton noir, cet œil évoque la cécité, ou l’aveuglement. Livre à plat, une ligne d’horizon divise les couvertures en blanc vs rose saumon ou blanc vs vert d’eau. L’association de ces deux couleurs évoque l’eau. En quatrième de couverture, gueule de face, yeux de profil, la tête d’un rhinocéros est d’esprit cubiste : plusieurs points de vue sont sans doute possibles pour comprendre le conte. Un code-barre zébré et arrondi semble disparaître au-delà de la couverture.
En début et en fin d’histoire, les enfants peuvent identifier les silhouettes d’animaux africains. Certains ont un œil dessiné, d’autres pas. Au milieu d’animaux assemblés comme des pays sur une carte, des points noirs sont éparpillés. S’agit-il d’un récit universel, comme tout conte digne de ce nom?
En pages de garde, le scénariste cite l’origine du récit, le graphiste adresse un premier clin d’œil langagier en dédicace. Le rhinocéros s’est éclipsé mais le titre rappelle l’œil en chute libre de la couverture. Quant au point-virgule de Versant Sud, il a perdu sa pupille !
Au fil du récit, les couleurs séparées par une ligne d’horizon fantaisiste traduisent les émotions du héros de façon symétrique de part et d’autre d’une page clé vert très foncé. Les caractères se lisent en différents formats ou impressions selon les paroles du conteur. Les dialogues, ou l’onomatopée ploc par exemple, sont en très grands et en très gros caractères. Le format ou l’intensité des caractères du texte ne sont pas constants : tout change dans l’eau du fleuve.
L’hippopotame est jeune, maladroit, impulsif à l’image des petits lecteurs. Les émotions du héros évoluent, comme l’indiquent les couleurs et leur intensité, ou le corps en mouvement de l’animal. Témoin des mésaventures du héros aveuglé, le lecteur s’amusera à pointer du doigt cet œil voyageur que son ami l’hippopotame ne voit pourtant pas.
Les protagonistes du récit prodiguent des conseils au petit hippopotame. En respirant calmement, le héros surmonte enfin ses peurs. Les eaux s’éclaircissent, l’animal retrouve son œil !
Un conte, des jeux d’expression tous azimuts, un peu de méditation,… cet album délivre un beau message pour nager dans la vie à tout âge. Un conte pour jouer dans tous les sens !
Martine Pirmez