Notre critique de Moi et la fille qui pêchait des sardines


Le thème de l'entrée en matière est fréquent dans l'édition jeunesse : Félix – 11 ans – passe des vacances au Portugal chez sa grand-mère qui vient d'acheter une toute petite maison au bord de l'Océan, à l'écart des lieux touristiques. L'histoire se corse un brin quand, suite à une confusion à l'aéroport, le garçon se retrouve avec une valise qui n'est pas la sienne. Qu'à cela ne tienne, c'est l'occasion de faire connaissance avec Amor une jeune voisine dotée d'un solide caractère. Mais très vite, le lecteur est intrigué. En effet, non seulement il apprend que, dans la famille de Félix, « on se fabrique en double » : son père, sa mère, sa grand-mère ont un jumeau ou une jumelle monozygote. Mais de petites phrases habilement introduites au sein du récit lui font comprendre que Félix ne fait pas exception à la règle, qu'il avait un frère jumeau, qu'il est mort et qu'il s'appelait Victor. C'est alors qu'une question posée par Amor fait basculer le récit dans une réflexion existentielle, qui tiendra le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page: « Comment tu sais que c'est toi Félix? Et que tu n'es pas Victor? ».





On apprécie le choix des points de vue. On ne peut qu'être sensible au rythme impulsé par l'alternance du récit et des dialogues. On goûte le choix des mots. On applaudit à la dernière page car même la « chute » est une réussite. Un beau texte donc, qui – par la voix de Félix – dit plein de choses sur le monde tel qu'il va, des choses que le garçon observe ou des choses que les adultes lui ont expliqué et qu'il retransmet avec ses mots et sa logique. A relever aussi l'omniprésence de l'eau. Cette eau qui fut à l'origine d'un drame mais qui est aussi source de vie pour Amor et sa famille de pêcheurs et source de bonheur pour Félix : « Je suis celui qui est heureux dans l'eau ».





Depuis quelques années, les éditeurs jeunesse s'intéressent de près aux jeunes adolescents. A leur intention, les titres, et avant tout les séries et les collections, se multiplient. Mais sans vouloir être pédant, la littérature y est peu présente. Des livres comme celui-ci en deviennent d'autant plus précieux. Et on forme le vœu qu'Eva Kavian nous en offre d'autres, elle qui s'adresse d'habitude à un lectorat plus « âgé ». (Maggy Rayet)