Image de l'oeuvre - Moheeb sur le parking

Notre critique de Moheeb sur le parking

Moheeb a 16 ans, comme tous les ados de son âge, il partage son temps entre le foot, ses amis et... l'école ? Non, pas l'école, car Moheeb est un MENA (mineur étranger non accompagné). Venu seul d'Afghanistan, il passe ses journées à attendre des nouvelles de sa demande de régularisation. Accompagné par son ami Qaïs, il traîne sur le parking, tape dans son ballon de foot et regarde le temps passer en fumant des cigarettes. Sans domicile, sans famille, sans école ou travail, la vie de Moheeb se cantonne à ces quelques mètres carrés de bitume d'où il observe le monde. Malgré le flou total pesant sur son avenir, Moheeb se construit une routine comme il peut. Parmi les visages familiers qu'il côtoie, celui d'Hugo sort du lot. Adolescent typique, Hugo est belge et vit avec sa famille dans une petite ville près de Bruxelles. En désaccord avec son père, il rêve de fuir et considère Moheeb comme un héros, lui qui a quitté si jeune son pays. Alors qu'il vient régulièrement jouer au foot avec lui, un jour Hugo ne reparaît plus. C'est sa mère, Sandrine, qui vient à la rencontre du jeune Moheeb. Décontenancée et inquiète, elle l'informe de la disparition d'Hugo. Au fil des jours et des semaines, un lien se crée entre Sandrine et Moheeb; mais lorsqu'on a dans sa vie qu'un banc sur un parking, un lien, une sympathie, une marque d'affection représentent le bout du tunnel. Mais c'est aussi un espoir brisé quand ce lien s'avère défaillant.

Dans cette deuxième BD, Clara Lodewick s'attaque à un sujet peu abordé : les conditions de vie des MENA une fois arrivés en Belgique. Ayant elle-même côtoyé des mineurs étrangers non accompagnés dans son adolescence, elle aborde le sujet avec beaucoup de justesse. Sans tomber dans les clichés, elle nous propose un portrait de cette jeunesse qu’on ne voit pas. À la rue toute la journée, hébergés la nuit par des bonnes âmes qui se relaient pour leur éviter les dangers nocturnes ; après des mois de pérégrination à être dans l'action de leur exode, ces jeunes se retrouvent dans l'attente de papiers. Et c'est pendant ces mois, voire ces années, d'attente que le mal-être surgit. Après une errance anxiogène, en contact permanent avec la violence, ces jeunes adolescents se retrouvent livrés à eux-mêmes physiquement et mentalement. Constamment en fuite, cherchant à éviter la police, à se faire petit lorsque des bandes viennent traîner sur le parking Moheeb en est l'exemple. La détresse et la peur qu'il ne dit pas parlent à travers lui : maux de ventre, insomnies, maux de tête... Son mal-être grandit et Moheeb commence à se dissocier, il ne sent plus les orties qui le piquent, alors il se pince, constamment. Dans cette grande traversée du désert, l'arrivée de Sandrine, une figure maternelle, est aussi salvatrice qu'elle est dangereuse. Mère sans fils tant qu'Hugo est absent, Moheeb reçoit toute l'attention que Sandrine ne peut plus donner à son enfant. Jusqu'au jour où elle lui propose d'emménager chez elle, dans la chambre d'Hugo. Une chambre à soi, un endroit où dormir stable et sûr, c'est une proposition tombée du ciel pour le jeune Moheeb. Malgré son jeune âge, il sait cependant une chose : il faut toujours se protéger des belles promesses. Car si Sandrine a bon cœur et agit sans penser à mal, ces jeunes sans famille et sans repères ne tiennent plus qu'à l'espoir qu'on fait grandir dans leurs yeux.