Notre critique de Mémoire en eaux troubles


Quand la maladie est dépeinte avec minutie…





Partagée entre l’écriture et l’enseignement, Joëlle Van Hee nous avait jusqu’alors habitués aux contes et nouvelles, qu’elle nous narre avec brio. Elle nous propose ici un roman pour adolescents et adultes, où la relation à l’autre, celui qui oublie, qui nous quitte doucement, et qui pourtant nous guide, reste prédominante.





Le monde d’Antonin s’effondre lorsqu’il apprend que son grand-père est atteint de la maladie d’Alzheimer. Le voilà contraint de rencontrer son Papy dans une institution hospitalière où les compagnons d’infortune du grand-père évoluent, comme ils peuvent. L’adolescent assiste impuissant à la lente et inéluctable dégradation de son grand-père : la perte de ses facultés, de la parole, de son autonomie… ironie du sort que cette dégradation pour un commandant retraité de l’armée.





“Un vieux Capitaine Crochet… avec le regard de Peter Pan.”





Si Joëlle Van Hee dépeint avec véracité tant le lieu, que les odeurs, que l’évolution perfide de la maladie,  elle manifeste au travers d’Antonin une profonde humanité par un attachement croissant aux “schmouls”, ces vieux malades stagnant dans un microcosme aussi dur que touchant.





Assez rapidement dans le récit, un accès de lucidité du grand-père d’Antonin nous lance sur une énigme que tentera de résoudre le jeune homme : un secret de guerre, perdu dans la mémoire du vieux militaire, et qui semble ronger ce grand-père affaibli…





Si le moment de l’au-revoir entre les deux hommes nous a arraché une larme, Joëlle Van Hee ne tombe jamais dans le pathos, et teinte son récit de touches d’humour avec beaucoup d’intelligence et de poésie.





“Mais nous, on en parle, parce qu’on se rend compte que si le pire arrivait à Papy, on voudrait avoir le temps de lui dire au revoir. C’est important de saluer ceux qui s’en vont pour toujours. Il ne faut jamais oublier de glisser un mot gentil dans leur sac à dos, au cas où ils auraient un coup de mou au moment du départ.”





De nombreux dialogues rendent vivantes et légères les situations pourtant difficiles qui sont exposées. Des questions nous viennent cependant quant à Antonin, un adolescent dont nous effleurons à peine l’univers quotidien, tant il est absorbé par son entreprise. Une amoureuse est là, dévouée et à l’écoute, très peu d’amis dans le voisinage du jeune homme qui semble bien seul, et des échanges très posés avec une famille compréhensive… un entourage dont nous rêverions tous pour traverser ce genre d’épreuve et qui contrebalance quelque peu l’authenticité des descriptions relatives à la maladie. Néanmoins, Mémoire en eaux troubles est de ces livres qui font du bien, qui touchent, et font réfléchir. (Natacha Wallez) (article précédemment publié sur le blog du Carnet et les instants )