Image de l'oeuvre - L'orangeraie

Notre critique de L'orangeraie

Aziz a 20 ans et est le héros d'une pièce de théâtre, Cantate de guerre. En pleine répétition et à quelques jours du spectacle, il craque et ne veut plus incarner Sonny, cet enfant qui meurt dans le dernier acte. Son metteur en scène tente de le persuader de revenir, lui motive ses choix, mais Aziz a une bonne raison de marquer son refus : il ne s'appelle pas Aziz mais Ahmed, et son histoire personnelle est bien trop proche de celle de Cantate de guerre. Dans un pays indéterminé du Proche-Orient, Ahmed et Aziz sont des frères jumeaux de 7 ans qui voient leur quotidien bouleversé par la mort de leurs grands-parents lors d'un bombardement. Profondément choquée et en deuil dans sa petite maison au milieu d'un désert rocailleux, la famille reçoit la visite de Soulayed et Halim. Ce premier a rejoint le combat armé pour défendre sa terre face à l'ennemi, et s'il est accompagné d'Halim ce n'est pas un hasard. Plus âgé que les jumeaux, Halim a partagé les bancs scolaires de la même école qu'Ahmed et Aziz. Désormais jeune adulte, il a décidé de se sacrifier pour sa cause : dans quelques jours, il se fera exploser dans un bus. Accompagné de son père, il tente de convaincre le père d'Ahmed et Aziz de sacrifier un de ses fils pour venger la mort de ses parents. Le cœur en colère depuis le bombardement et la peine adoucie par la promesse d'un fils martyr, érigé en héros, il s'engage à faire un choix pour envoyer un des garçons en attentat-suicide. Aziz est atteint d'une maladie incurable et tout porte à croire qu'il sera choisi ; contre toute attente, c'est pourtant Ahmed que son père décide d'envoyer auprès de Soulayed pour que Dieu mesure l'ampleur du sacrifice. Désespérée à l'idée de perdre ses deux fils, la mère prévient Ahmed des plans de son père et lui demande d'échanger sa place avec Aziz, celui-ci étant condamné à une mort douloureuse à cause de sa maladie. Les deux jumeaux doivent désormais prendre la décision d'une vie, au sens propre : qui portera la ceinture explosive et ira mourir pour sa Patrie et son Dieu ?

Avec une couverture si colorée où deux enfants courent, on s'attend à une BD joyeuse, estivale, éventuellement jeunesse ; loin de cela, ce sont des thèmes durs et intenses qu'abordent Larry Tremblay et Pierre Lecrenier. D'abord publié au format de roman, L'orangeraie lui fait traverser les frontières et permet sa traduction en 23 langues. Adapté au théâtre par Claude Poissant et à l'opéra par Pauline Vaillancourt, c'est désormais Pierre Lecrenier qui se lance dans la lourde tâche de transposer ce best-seller en BD. Ce n'est pas la première fois que celui-ci travaille sur un roman de Larry Tremblay. En effet, en 2020, il publiait Le garçon au visage disparu, abordant la thématique de l'adolescence et du lien père-fils. On reconnaît immédiatement son trait caractéristique et sa création d'ambiance par le choix de palettes de couleurs. Les dessins et l'histoire nous happent et, si on sait d'office qu'Aziz a remplacé Ahmed, une question nous brûle les doigts : comment s'est déroulé l'échange ?

Julie Leclerc