Image de l'oeuvre - Lointains mes mots

Notre critique de Lointains mes mots

Pour ma première critique à paraître sur Objectif plumes, j’ai reçu dans ma boîte aux lettres Lointains mes mots, une bande dessinée de Sandrine Revel (dessin) et Anaële Hermans (scénario) publiée chez Dargaud en 2024.

C’est l’histoire de Claire, une femme française installée à Madrid, traductrice de poésie et professeure. Un jour, elle est victime d’un AVC qui lui laisse des lésions au cerveau. Depuis lors, elle souffre d’anomie, c’est-à-dire de la difficulté à trouver ses mots. Pour Claire, dont la vie et le travail tournent autour du langage, ces séquelles sont terribles.

Que faire quand les mots vous désertent ?

Le récit s’ouvre sur la période de transition qui suit l’accident, alors que Claire peine encore à en accepter les conséquences. Elle a besoin de prendre l’air, de s’occuper l’esprit, de s’engager. Elle part alors aider au nettoyage de plages souillées par une marée noire provoquée par le naufrage d’un bateau près des côtes galiciennes.

Là-bas, elle se sent bien, mieux en tous cas. Elle prend du recul. Elle trouve en la compagnie des habitants locaux, de la mer et même d’un rocher, un réconfort et un soutien qui lui font reconsidérer sa vie post-AVC. Peut-être est-il temps de “réinventer sa normalité”, de s’adapter, de s’apaiser.

Lointains mes mots raconte deux naufrages et leurs répercussions : celui du bateau qui asphyxie à la fois le monde humain et sous-marin, symbole d’un capitalisme en roue libre, et celui de Claire et du chemin qu’elle doit suivre pour apprendre à vivre avec son trouble. Si le point de départ de ces deux histoires est dramatique, il est aussi question d’espoir, de résilience et de force trouvée dans l’action collective et au sein de relations bienveillantes.

C’est une bande dessinée douce, avec des ambiances lumineuses soignées et un jeu graphique de textures intéressant. Il y a une attention aux détails qui donnent du sel au propos. Les scènes à la mer sont particulièrement réussies : on sent le vent dans le mouvement gracieux des cheveux des personnages soufflés par l’air marin. Les dessins de plongée sous l’eau sont magnifiques et accompagnés d’anecdotes scientifiques bienvenues sur le monde marin. Les autrices ont aussi veillé à ce qu’une belle place soit faite au monde vivant et aux relations inter espèces.

Une lecture généreuse, agréable et touchante qui aborde des sujets difficiles avec tendresse et humanité.

Nausicaa Gournay