Aujourd’hui, je chronique le nouvel album jeunesse du duo auteur-illustratrice Ludovic Flamant et Sara Gréselle. Je connais bien Sara, avec qui j’ai partagé un chouette atelier d’artistes, fenêtre sur toits, pendant près de trois ans. Je l’ai vue travailler sur quatre albums (Les lundis de Camille, Le sourire d’Yvon Quokka, Ismolene et Chipolata et La balade du panda), tous sensibles, poétiques et agrémentés de petites touches d’humour. Quelle joie, donc, de lire ce livre et d’en écrire la critique !
La balade du panda raconte une page après l’autre les pérégrinations d’un panda : il prend le train, fait la sieste, va au parc, au cinéma, dans un magasin de chaussures, à la piscine, à la bibliothèque, au zoo, au supermarché…
C’est un procédé amusant qu’on retrouve fréquemment dans la littérature jeunesse : on suit un personnage non humain s’adonner aux activités quotidiennes humaines que l’on connaît bien. Ici, le point de vue du panda, ursidé patapouf qui adore faire la sieste et manger du bambou, crée un décalage rigolo et donne une autre dimension à ces situations banales pour nous. On assiste alors à des scènes loufoques, comme lorsque le panda chausse de magnifiques santiags roses, qu’il lit un livre sur la disparition de son espèce à la bibliothèque ou bien qu’il cherche du bambou dans les rayons d’un supermarché.
Ce qui rend ce récit plus profond, mystérieux et presque malaisant c’est la toile de fond de cette journée dans la vie du panda. En effet, pour illustrer le texte pétillant, les dessins suggèrent une ambiance apocalyptique humaine : sur son chemin, le panda croise une foule en panique qui monte à bord de trains, il erre dans une ville déserte tandis qu’au loin un gros nuage de fumée monte dans le ciel, et quand il va au parc, à la piscine ou entre dans un magasin, il ne rencontre pas une âme dans ces lieux typiques de la vie humaine. On ne sait pas trop ce qu’il s’est passé, mais les humains brillent par leur absence. Le sous-texte (ou dans ce cas-ci, le sous-dessin) indique que les humains ont fui une catastrophe terrible. Il ne reste que les animaux du zoo, que le panda libère.
Les illustrations sont belles, détaillées et finement hachurées, ce qui renforce l’ambiance parfois pesante de l’album que les couleurs viennent réhausser de tons chaleureux et crépusculaires. J’ai beaucoup aimé la première illustration (le panda s’apprête à monter dans le train, assis dans une minuscule gare, entourée d’une végétation luxuriante tel un Totoro) et la dernière (à la tombée de la nuit bleue, le panda retourne dans sa forêt, avec un invité surprise).
Le contraste entre le texte mignon et les images subtilement inquiétantes traduit à la fois une angoisse pour un futur désastre humain, et une vision poétique et enchantée du monde tel qu’il est. Le protagoniste panda, une anomalie dans ce décor urbain, donne à penser que certaines espèces non humaines (même celles en voie de disparition) nous survivront peut-être. Un sujet délicat à aborder avec les enfants, auquel l’auteur et l’illustratrice font allusion mine de rien.
Les deux univers de Ludovic Flamant et Sara Gréselle fusionnent pour créer cet album original, drôle et troublant à la fois, dont je vous conseille la lecture.
Nausicaa Gournay