Que faire après avoir écrit un best-seller ?
C’est la question qu’on pourrait poser à Maud Ankaoua. Elle s’empresserait sans doute de dire qu’on décroche son téléphone et qu’on appelle Mathilde Ducrest. Voici un peu la fiction que je m’imagine à la lecture de cet album. Ce n’est sans doute pas aussi simple, mais j’aime l’image.
On a entendu le nom de Maud Ankaoua un peu partout, grâce à son livre évidemment, mais aussi à la radio, dans la presse papier, en conférence et en podcast. Ce n’est pas pour rien : Kilomètre Zéro a été un succès public et de librairie. Un de ces succès qui nous proposent des leçons de vie : changer de manière de voir le monde, vivre avec plus de détachement, se départir du regard de l’autre.
Comme l’autrice le dit sur son site web : « J’avais besoin d’un changement radical, d’apprendre à vivre autrement (…) j’avais trop peur de tomber (…) C’était une question de survie (…) Je sentais que je n’étais plus en résonnance avec mes priorités… » Elle décide donc de bouleverser son regard, de vivre une révolution personnelle.
Pour nous parler de tout cela, elle crée le personnage de Maëlle, qui va voir sa vie de directrice de start-up transformée par un voyage. Forcée par une amie à monter dans un avion pour récupérer le document d’une méthode de bien-être, elle se retrouve au Népal, au pied des montagnes. Monter les sommets de l’Annapurna sera, pour elle, une quête initiatique. Par ce voyage, elle se recentrera sur ses valeurs mais surtout sur le sens véritable de la vie. Au contact de l’univers et de nouvelles rencontres, elle abat le château des cartes mental dans lequel elle vit et se reconstruit. Quand on est tous les jours dans la routine, on ne voit plus les travers de notre monde.
Ça paraît un peu romantique dit comme cela et ça l’est sans doute un peu ! Car l’histoire est chargée d’une belle dose de feel good et d’un brin de romantisme. Mais on est charmés par ce regard bienveillant sur la vie.
Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici est l’adaptation de ce succès par Mathilde Ducrest.
On se souvient de l’autrice, qui en 2024, nous avait enchantés avec Fragile paru aux éditions Casterman. On avait été séduits par son trait et on est ravis de la voir revenir avec une nouveauté. L’illustratrice persiste, signe et confirme un sens profond de la narration graphique. Si le thème des romans de développement personnel ne vous charme pas – vous en avez le droit – vous ne sortirez cependant pas inchangés de cet album. On y retrouve un trait faussement simple et naïf, qui cache une recherche créative profonde. Une lisibilité du dessin, qui nous emmène dans son propos. Mais ce qui est époustouflant dans le travail de Mathilde Ducrest sur cet album, c’est la recherche d’évocations non figuratives pour transporter les lecteurs dans l’univers de Maud Ankaoua et dans un voyage qui est aussi intérieur. Il a fallu trouver de quoi illustrer ces bouleversements. Ce qui est fait avec intelligence et inventivité. Ainsi on découvre, dans le récit, de très bonnes surprises graphiques, presque abstraites, qui émaillent l’histoire.
En outre, et c’est l’autre singularité de cet album, Mathilde Ducrest a travaillé sur les couleurs, leurs sens et leur utilité pour raconter autre chose que ce que le texte amène. De ce festival de lumières et de teintes, on tire un récit augmenté. La narration n’est plus uniquement portée par l’image et le texte, comme la bande dessinée le suppose, elle est aussi soutenue par les couleurs. Celles-ci sont narratives, racontent les émotions et le vécu des personnages. Une troisième voie s’ouvre pour comprendre le récit.
Si donc, comme moi, vous n’êtes pas férus de développement personnel, mais bien passionnés par le dessin et l’illustration, vous trouverez totalement votre bonheur auprès de Mathilde Ducrest et Maud Ankaoua. Ce n’est pas seulement une adaptation, c’est une œuvre graphique en soi.
Clément Fourrey