Image de l'oeuvre - Hey Djo !

Notre critique de Hey Djo !

Nous partons en vacances avec un jeune garçon de 13 ans, Djo, embarqué pour dix jours avec son père, André, camionneur de profession. Dans les lueurs violettes du petit matin, « les premiers réveillés. Avant les boulangers, les éboueurs. Même les oiseaux. » nous quittons la Belgique confortablement assis à bord d’un gros camion. Ce road trip aux couleurs chaleureuses d’un été entre la France et la Belgique, nous conduit dans un monde à part, dans l’univers des routiers dont le travail acharné et essentiel permet l’acheminement de nos marchandises et le maintien de notre monde en mouvement.

Marzena Sowa (scénariste) et Geoffrey Delinte (dessinateur) prennent le temps de peindre le quotidien de ces hommes (et parfois femmes) qui vivent la majorité de leur vie sur les routes. Des cantines un peu vieillottes où l’on échange des blagues parfois sexistes aux aires de repos où chacun refait le monde autour d’une saucisse et d’un verre, c’est tout un univers qui se dévoile. La route, loin des espaces touristiques, est un lieu vivant, avec ses rituels, ses codes, ses âmes errantes et ses surprises.

Ce voyage n’est pas seulement géographique, il est également intime. Djo, qui ne connaît finalement que peu son père, va le rencontrer à travers les moments passés ensemble dans l’habitacle du camion. Cette proximité forcée permet à l’un comme à l’autre de se dévoiler. Le personnage de Djo, initialement réticent à l’idée de cette escapade, va évoluer tout au long de l’histoire. On le voit au début sceptique, puis peu à peu séduit par ces petites rencontres anodines : une mouette agressive, une grand-mère bienveillante, un auto-stoppeur philosophe, des camionneurs hauts en couleur comme Marjo, Marcel l’heureux, Mireille le chanteur, Joseph le cinéphile... Ces personnages secondaires enrichissent le récit de moments authentiques et souvent drôles, tout en montrant la diversité et la solidarité de cette communauté de routiers.

Le carnet que tient Djo tout au long du voyage est un autre élément central de la narration. Il sert à la fois de journal intime et de lieu de collecte de souvenirs. Ce carnet montre la sensibilité du jeune garçon, sa curiosité pour le monde qui l’entoure, et sa capacité à transformer les moments ordinaires en petits trésors de vie. Ce journal de bord permet également au lecteur de ressentir l’évolution de Djo, à mesure qu’il s’imprègne des leçons de la route et des échanges qu’il fait. Si le voyage était déjà riche en rencontres et découvertes, c’est la rencontre avec Hortense qui marque un tournant dans l’initiation de Djo. Ce personnage, qui semble captiver le jeune garçon, est celui qui va probablement laisser la plus grande empreinte dans sa mémoire. Cette rencontre marquera non seulement la fin de l’enfance, le basculement dans le tumulte des émotions adolescentes mais aussi le début d’une forme de prise de conscience et d’ouverture au monde pour Djo.

Hey Djo ! est une bande dessinée qui allie à la fois humour, tendresse, et réalisme. En nous immergeant dans l’univers des routiers, elle nous invite à découvrir un monde souvent méconnu, tout en nous touchant par la simplicité et la sincérité des relations humaines qui s’y tissent. Ce voyage sur les routes de France devient une belle leçon de vie pour Djo, mais aussi pour le lecteur, avec le sentiment d’avoir partagé un bout de chemin avec ces personnages attachants.

Éléonore Scardoni