Image de l'oeuvre - Gare à toi Pépé Crochet

Notre critique de Gare à toi Pépé Crochet

Jujules a pour habitude de flâner autour d’un étang durant son temps libre. Un jour, lorsqu’il cueille des fleurs, une main squelettique sort de l’eau, comme pour l’attraper. De retour chez lui, il raconte sa mésaventure à sa Nanie, qui ne peut s’empêcher de lui conter l’histoire du Pépé crochet.

Gare à toi Pépé Crochet est le troisième tome de la collection « Spitant » aux éditions du Musée de la Parole en Ardenne. Cet album jeunesse en français saupoudré de wallon, destiné à l’éveil à la langue régionale et à la transmission des légendes ardennaises est signé Gauthier Dosimont (dessin) et Joël Thiry (texte). Il s’adresse aux 4 à 104 ans.

Dans ce récit, c’est la grand-mère du protagoniste qui parle en wallon (ses interventions sont dactylographiées en italique). Ses remarques sont reprises ensuite en français ou s’éclairent par le contexte. Ce procédé de gymnastique linguistique ingénieux amène progressivement les lecteurs vers des expressions et des mots choisis, au fur et à mesure que l’histoire avance. Et pour lire le wallon, aucun problème : il suffit de prononcer chaque lettre comme elle est écrite (hormis les consonnes finales muettes en français) et d’allonger les voyelles surmontées d’un accent circonflexe.

Au cœur du récit, Pépé Crochet, un croquemitaine aux mains crochues qui se cache sous l’eau et attrape les enfants s’approchant trop près de la rivière. Voilà une légende bien wallonne, plus bienveillante que réellement effrayante, qui se transmet de génération en génération afin d’éloigner les petits des cours d’eau et ainsi d’éviter les noyades. À travers cette histoire, c’est donc autant la culture régionale que la langue qui sont mises en valeur.

En trente pages à peine, de nombreux aspects sont ainsi abordés, de façon explicite, ou implicite. Par exemple, le dialogue suivant en dit long sur les mœurs : « — N’ allez nin co djouwer addé l’ êwe ! ajoute Nanie. — Oui, ne va pas jouer au bord de l’eau ! répète Maman. » Dans cet extrait, la grand-mère vouvoie Jujules, tandis que sa Maman le tutoie. C’est un procédé de langage habituel en wallon, qui proscrit le tutoiement, jugé grossier.

De même, le récit aborde à plusieurs endroits le vocabulaire de la faune et de la flore, ce qui permet aux jeunes lecteurs d’accompagner Julules, son ami Gaspard et le chien Nougat à la rencontre des rin.nes (grenouilles), des chites di canari (cardamines), des djonkês (joncs)… En dernière page, un mini-jeu articulé autour d’un bestiaire permet d’approfondir ces découvertes.

Les illustrations de Gauthier Dosimont font la part belle à cet univers naturel. Alliant aquarelle et ligne claire, elles font vivre sur le papier les paysages familiers de la campagne wallonne. Particulièrement lisibles, elles se prêtent à la lecture autonome des plus jeunes.

Gwenaëlle Cappellin