En 1941, le jeune psychiatre Alan Cole s'engage dans l'armée américaine, fortement encouragé par son futur beau-père, ancien militaire. Son statut de médecin lui permet d'éviter de rejoindre les rangs des jeunes gens qui partiront, sous peu, se battre et mourir sous les balles japonaises ; il sera le référent psychiatrique de la base. Sa toute première mission : éliminer les candidats étant inaptes à intégrer l'armée ou menaçant la cohésion des troupes. Parmi la liste des refus catégorique se retrouvent les mythomanes, les alcooliques, les cleptomanes mais aussi les homosexuels. Si le jeune psychiatre s'étonne du rejet automatique des candidatures de ces derniers, il prend à cœur sa mission et examine la psyché de ces hommes venus de différents milieux.
Suivant les nouvelles recrues dans leur entrainement au camps militaire, le jeune Alan Cole accueille les peines des anciens combattants traumatisés comme celles des nouveaux qui tremblent d'aller au front. Au fil des jours, une affinité se tisse avec Merle Gore, un jeune militaire aux cheveux d'anges et au sourire charmeur dont l'homosexualité laisse peu de doute. Tiraillé par sa conscience, pris en étaux entre son mariage, son emploi et ses sentiments nouveaux pour Merle Gore, Alan fait pourtant le pari de se lancer dans une histoire d'amour interdite en plein cœur de l'armée américaine.
C'est un sujet peu abordé, d'autant plus dans la BD, sur lequel Alcante se penche. L'homosexualité, longtemps considérée comme un crime puis comme une maladie, a été la bête noire de l'armée américaine pendant plusieurs décennies. Dans G.I Gay, l'auteur n'épargne aucune des violences qu'ont pu rencontrer ces hommes qui se devaient de raser les murs et vivre clandestinement. Des insultes aux meurtres en passant par les passages à tabac et les viols, le conservatisme et la violence des mœurs de 1940 se retrouvent condensés dans ce camps militaire où la virilité et les blagues potaches sont à l'honneur. Loin d'un manifeste politique, Alcante et Munoz nous offrent une histoire d'amour interdite et passionnelle sur fond d'homophobie et d'intolérance. Notre héros, Alan se devra de faire un choix : retourner vers sa fiancée et voir sa vie s'étioler dans le mensonge et la simplicité ou s'afficher ouvertement au bras de Merle et être mis au ban de la société, considéré comme un criminel et risquer l'emprisonnement. La menace de la mort imminente, des combats et la promiscuité des lieux renforcent l'urgence de la situation, quitte à mourir demain, comment passer ses dernières heures ?
Si Alcante a décidé d'aborder ce sujet méconnu, c'est parce qu'il reste malgré tout terriblement contemporain. En effet, jusque 1994 les homosexuels sont interdits dans les rangs militaires américains. Après cette date, la politique de Don't ask, don't tell s'applique aux marines : l'homosexualité n'est plus interdite tant qu'elle est cachée. Toute personne démontrant une intention de s'engager dans des actes avec un partenaire du même sexe se voyait donc mise à la porte. Cette situation durera près de 20 ans puisqu'il fallut attendre 2011 pour voir ce système prendre fin lors du mandat d'Obama. Découvrant cette injustice dans le cadre de cette dernière décision, Alcante s'est abreuvé d'informations sur ces hommes, ennemis de leur propre armée. Les années 40 marquant l'apogée des violences et des pressions subies par cette minorité silencieuse, il en fait le cadre de G.I Gay et de cette belle histoire d'amour.
Julie Leclerc