Amicie Pétrement nous livre Chips aux oignons, sa première bande dessinée éditée aux éditions lapin : 112 pages de strips humoristiques composant un autoportrait cynique, coloré et humain.
On commence d’emblée avec une présentation des 2 personnages : Amicie et Happy. L’autrice et son chien, entouré·e·s de flèches pointant leurs différents caractères : stressée, émotionnelle, timide, chiante face à hyper relax, sarcastique, insolent.
Et cette mise en scène s’active avec une première bulle de Happy : « T’en a des défauts dis donc ! », donnant le ton du reste de la bande dessinée.
Amicie doit trouver sa place en ce monde et ça n’est pas facile. Dès la naissance on l’affuble d’un stress pour tout et pour rien qui sera le moteur de toutes ses interactions. Chaque page présente une situation du quotidien tordue par l’angoisse, dont le décalage cynique prête à rire et à apprécier la situation différemment.
Ce décalage est amené de plusieurs manières ; par Happy, réconfortant ou narquois selon son bon vouloir ; par l’auto-dérision d’Amicie, avec sa vision décalée des interactions sociales et enfin par l’introduction d’un personnage très bien trouvé : le stress lui-même.
Figuré par un ver-concombre à mille-pattes qui vampirise Amicie, sa simple présence déclenche une sur-réaction créant le ressort comique. Mais cette apparition permet aussi d’amener la complexité du réel et de souligner les véritables maux que le stress est capable de causer.
Tout ce travail est composé avec des aplats colorés entourés d’une fine ligne noire. Cette ligne manuelle, vibrante, contraste avec les couleurs et le style graphique sobre et donne une vraie force au livre. Si la forme du strip ne permet pas la plus grande liberté de structure, Chips aux oignons évite la monotonie en variant les compositions de pages (avec ou sans cases, de une à douze vignettes, un ou plusieurs personnages) et en alternant entre le point de vue d’Amicie et de Happy. Je salue aussi le choix éditorial d’un papier texturé et légèrement coloré sans lequel l’objet serait beaucoup plus lisse et perdrait de sa pertinence.
Enfin si le format strip composé d’humains et d’animaux qui parlent, interagissent avec leurs auteurs et leurs lecteurs a connu de nombreuses variantes (on pense à « Calvin et Hobbes », « Garfield », ou « Snoopy » voire « Gai-Luron »), Chips aux oignons, qui se trouve dans cette catégorie, propose son propre style et ses ressorts comiques singuliers, pour une version contemporaine de cette forme.
Antoine Carcano