Image de l'oeuvre - Après l'orage

Notre critique de Après l'orage

C’est un des jeunes talents belges qui nous revient pour un troisième album. Le Liégeois, Jean Cremers a été formé sur les bancs de Saint-Luc, en cité ardente. L’auteur avait été repéré, tout comme son amie Alix Garin un peu plus tôt, par le grand prix Jeunes Talents du festival Quai des Bulles à Saint-Malo.  

Suite à cette distinction, il a fait paraître le très remarqué et remarquable Vague de Froid aux éditions du Lombard (en 2023), puis Le Grand Large chez Glénat (en 2024). Son premier ouvrage avait notamment été distingué par le Prix Fnac et le Prix Rossel de la bande dessinée. Par ailleurs, l’auteur collabore à la Revue Dessinée (Casterman).  

Jean Cremers poursuit, avec Après l’Orage, ce que l’on peut appeler « Le Cycle de l’eau » avec un troisième album. En effet, c’est une sorte de fil rouge qui relie les différents récits qu’il nous propose. L’eau est au centre de ses ouvrages. Passé par le grand nord des fjords, au grand large et aux eaux claires, il pouvait sembler logique de clore ce triptyque dans des eaux beaucoup plus troubles. Ces eaux boueuses, sales, des inondations, qui avaient d’ailleurs frappé la région liégeoise, faisaient sens.  

 En 2021, l’Europe et la Belgique sont frappées par d’importantes intempéries, qui détruisent les habitats et traumatisent les populations. La reconstruction est toujours en cours et les mémoires sont encore aujourd’hui marquées par ces événements.  

L’auteur Jean Cremers en fait le cadre de son troisième album mais il n’en fait pas le sujet de son histoire pour autant. Les inondations deviennent le contexte qui permet le récit. Après l’Orage se penche sur la vie d’Hélène, une femme dans la cinquantaine. Elle se rend tous les samedis chez ses parents. Sa mère Jacqueline est atteinte de la maladie d’Alzheimer, son père Fernand a le corps fatigué. Le vieux couple voit son quotidien avec philosophie, malgré les difficultés. Entre les failles des corps et celle de la mémoire, ils n’en remarquent pas moins la détresse de leur fille. Ses visites sont l’occasion d’une bulle d’air dans une vie faite de violence. Sous les manches de ses vêtements, la jeune femme est couverte de bleus. Elle se nourrit peu et ne semble pas exactement savoir que faire de son compagnon, qui lui envoie sans cesse des messages. L’eau qui monte donne le cadre a un huis clos intime. Les discussions avec ses proches la sorte du silence. Daniel, son compagnon, est un harceleur violent. Dans l’enfermement des inondations, elle conscientise son enfermement intime. Elle va au fur et à mesure des pages détricoter sa vie et décider que cette épreuve la changera plus qu’attendu. 

 Jean Cremers est décidément doué pour les récits intimes. Mais il interroge aussi en filigrane le bouleversement du monde, la catastrophe écologique en court. De l’intime au sociétal, le liégeois tisse un lien, qui renforce la portée de son récit. Jean Cremers est de cette nouvelle génération, qui fait du bien à lire. Il jongle entre une image précise extrêmement lisible et un propos ciselé où les silences en disent autant que le texte.  

 C’est encore une fois avec la larme à l’œil et le cœur bouleversé qu’on sort de la lecture de son livre. Jean Cremers entre à peine dans la trentaine et pourtant on est déjà prêt à le suivre pour de longues années.  

 Clément Fourrey