Image de l'oeuvre - Alexandre sur les flots

Notre critique de Alexandre sur les flots

Le ton, l’écriture, l’amour de ses personnages. Et l’aventure ! Cuvellier fait l’aventure ! Et, on adore ça. Le crayonné de Guillaume Bianco, les illustrations telles des gravures et les mots grands de Cuvellier nous embarquent avec Alexandre.

Emportée précédemment par les tribulations d’Élisabeth, de la Bretagne à Paris, on suit maintenant avec curiosité les aventures d’Alexandre. C’est là un roman historique, dont l’action se passe dans les années 20. Alexandre a 11 ans et en a franchement soupé de son travail aux Abattoirs de Paris. Basta ! Il décide de partir à l’aventure et d’aller découvrir New York. Déjà, à l’époque, c’était « In New York, Concrete jungle where dreams are made of[1]».

Tout ce qui est espéré d’un solide roman d’aventures dans lequel on se plonge à fond, avec impatience, y est. Des héros à la volonté farouche, attachants, pour lesquels on développe de l’affection, de la solidarité, des méchants dont il faut déjouer les plans diaboliques, des personnages hauts en couleur. Et ici, un côté historique très bien amené par Cuvellier qui n’hésite d’ailleurs pas à apparaitre au détour d’une page pour résumer, replacer le contexte, donner d’autres informations. Il est vrai qu’entre le travail, que dis-je, l’exploitation des enfants après la Première Guerre mondiale, dénoncée ici, et les péripéties historiques, il fallait faire un point informatif pour nos loustics. Pas simple de comprendre la résistance des Russes blancs face au bolchevisme ou ce qu’a représenté le corridor de Dantzig après la Première Guerre mondiale. Cependant, les enfants n’auront par contre aucun mal à saisir la nécessité de la Déclaration des enfants de 1924 et surtout, surtout, le désir, l’aspiration d’Alexandre à une vie meilleure. Un futur gonflé de liberté.

Impossible aussi de passer à côté des sentiments des personnages. Le courage d’Alexandre sur les routes ou face à l’odieuse Comtesse Katiouchka, celui d’Élisabeth engueulant un vieux Russe blanc capable de jouer les tueurs à gages. Et les Schmolls ? Abominables créatures que rencontre notre jeune héros, mais qui ne le touchent pas particulièrement. Il les voit, mais n’est pas attaqué. Ces Schmolls se repaissent du désespoir, du découragement, de la tristesse, de la solitude. En effet, lorsqu’on observe bien, Alexandre est tout saut seul, solitaire peut-être, mais pas seul. Malgré les Schmolls, on fera ce qu’on voudra ! Et on s’y tient ! C’est une ribambelle d’individus cocasses, fiers, fascinants et surtout, surtout SOLIDAIRES ! Parce qu’il est aussi question de solidarité ici. De Marcel, qui même après la mort ne laisse pas tomber son copain, d’Élisabeth qui ne laissera personne tuer un gamin, d’un p’tit et d’un grand Clem’, d’une bande veilleurs brestois aux pompons rouges qui s’attachent ensemble à protéger le minot au fond de la cale, de de Gaulle, lui-même qui fait passer le mot : aider Alexandre. C’est l’univers qui s’emballe pour soutenir Alexandre jusqu’au bout car peut-être que les astres s’alignent pour les conquérants. Finalement on retient aussi que partir à l’aventure, à la rencontre des autres, c’est se fondre dans le monde et accueillir l’amitié.

Hélène Théroux

 

[1] Alicia Keys, Empire State of Mind (Part Two) in The Element of Freedom, (2009)