Avec sa formation d’ingénieur, ses missions sur des chantiers navals et des bateaux, peu de choses prédestinaient Johan Massez à devenir auteur de bande dessinée. Après avoir fait ses armes sur le site Grand Papier et une participation aux 24 heures de la bande dessinée, il publie pour la première fois aux éditions Sarbacane. Il nous propose ici la première partie d’un diptyque intitulée « Alerte ».
Dans une banlieue confortable d’une ville ordinaire, une soirée bat son plein dans une belle maison. Cathy est la star de l’événement qui s’y tient. Elle y est venue accompagnée de son mari et de son fils Adri. Pharmacom, l’entreprise qui emploie Cathy, a quelque chose à fêter.
La CEO, madame Borel, veut féliciter la mère de famille devant tous ses actionnaires pour avoir effectué les recherches ayant mené à la fabrication d’un antipsychotique révolutionnaire le Zandler. Pour Cathy, c’est une victoire personnelle. Après cinq ans de recherches, le nouveau traitement sauvera certainement des vies. La victoire est double : le médicament aidera Adri à retrouver un quotidien plus serein. Alors que la fête suit son cours et que Cathy est amenée à faire un discours, un homme entre dans la pièce. Il tremble. A son poing, un revolver laisse présager un homme désœuvré. Milan Slojick pointe son arme sur la chercheuse avant de changer de cible. Il enfonce l’arme dans son menton et tire. Le suicide de cet homme chamboule dramatiquement la scientifique, mise à l’honneur ce soir-là.
Toute ses conceptions volent en éclat. Ses nuits seront tourmentées et ses journées pleines de doutes. Qu’a pu amener cet homme à se suicider devant l’assemblée ? Les tremblements de la victime au moment de tirer peuvent-ils s’expliquer ?
Quelques jours après l’événement, Jean-François, un chercheur universitaire, ancien camarade de promo de Cathy, prend contact avec celle-ci. Certains éléments de recherches de la société pharmaceutique Pharmacom, qui a mené les recherches sur le Zandler, lui semble nébuleux. Il veut rencontrer la chercheuse. Il s’avère que Milan Slojick était un des cobayes volontaires de l’étude de conformité du médicament. D’après Jean-François, Milan ne serait pas un cas isolé.
Se sentant responsable, en partie, de ce suicide, Cathy se lance donc dans une enquête afin de mieux comprendre ce qui s’est passé.
Dans ce thriller sur fond de scandale pharmaceutique, on se plait à suivre un personnage féminin fort et intelligent. La position de cette héroïne dans un monde hyper masculin est une singularité. Le personnage de la scientifique est inattendu pour mener l’enquête. Elle n’est ni enquêtrice, ni juge, elle porte donc un regard différent sur les événements en cour. Le personnage principal donne donc une couleur particulière au récit. Loin des clichés que l’on pourrait attendre du thriller psychologique classique.
Dans le même ordre d’idées, baser un récit sur le milieu des big pharma est à la fois audacieux et relève du jeu d’équilibriste pour ne pas sombrer dans les théories du complot. L’auteur s’en sort au mieux pour poser un cadre inquiétant tout en restant vraisemblable.
En tant que lecteur, on prend du plaisir à se plonger dans une aventure efficace, avec une psychologie des personnages travaillée et une histoire fluide. On tourne les pages sans se prendre la tête et on passe un bon moment.
Avec un graphisme épuré et des couleurs ultra lisibles, on prend un sérieux plaisir de lecture. Le trait y est clair et précis et permet une lecture efficace. Le récit est donc d’une grande accessibilité pour un public amateur. Si le récit est simple d’accès, il plaira cependant plus à de grands ados ou à des adultes qu’à un trop jeune public.
Clément Fourrey