Vital LAHAYE

PRÉSENTATION
Vital Lahaye naît le 17 janvier 1937 à Chassepierre, petit village au bord d'un des méandres de la Semois; c'est encore la Gaume, mais l'Ardenne n'est pas loin. Il est le cinquième d'une famille de sept enfants. Sa mère s'occupe de sa famille et, en outre, tient l'épicerie du village; son père, d'origine liégeoise, est peintre en bâtiments.La première impression qui marquera durablement la sensibilité de l'enfant est celle de la campagne et de la liberté de promenade et de vagabondage qu'elle autorise, ainsi que celle de la forêt qui commence à quelques centaines de mètres de l'école primaire, située au lieu- dit Le Breux, un peu à l'extérieur du village. «Mon coeur paysan», écrira- t- il dans son premier recueil, Le Fil d'Ariane.Début d'études secondaires au collège Saint- Remacle, à Stavelot, puis, les quatre dernières années, au collège Saint- Joseph, à Virton. Une formation surtout centrée sur les études littéraires (avec des exercices de mémorisation quasi quotidiens) ouvre son esprit et alimente une grande curiosité envers les idées. Comme plusieurs de ses camarades, il rêve de rencontrer Georges Bouillon, professeur à l'Athénée Royal de la ville - l'enseignement officiel! - brasseur et remueur d'idées et, surtout, animateur de La Dryade. Les tensions entre les deux grands réseaux d'enseignement sont fortes alors, on en trouvera des traces tout au long de la vie professionnelle du poète.Le spectacle du monde l'interpelle. Il prend conscience de l'exploitation de l'homme par l'homme; les inégalités sociales, qui entraînent fréquemment des inégalités devant la justice et les possibilités d'avenir, le révoltent.Il poursuit ses études à l'Université de Liège (1956- 1960) où, à la Faculté de Philosophie et Lettres, il obtient le diplôme de licencié en philologie romane.Pendant ces années, il s'interroge sur le communisme. Beaucoup font comme lui, qui refusent le manichéisme courant depuis les années 60. La Seconde Guerre mondiale s'est terminée depuis un peu plus de dix ans, l'URSS a douloureusement résisté à l'envahisseur nazi avant de le vaincre en collaboration avec les pays alliés. Les communistes d'Europe de l'Ouest ont payé un lourd tribut en combattant dans la Résistance, une fois dénoncé le pacte germano- soviétique et l'URSS attaquée par Hitler : au lendemain de la guerre, le communisme dispose donc d'un grand capital de sympathie et apparaît comme la voie d'une libération de l'homme (ses excès sont encore mal connus), ce qui, depuis les années 30 déjà, a entraîné dans son sillage de nombreux intellectuels qui se sont ralliés à son idéologie ou sont demeurés des «compagnons de route». Les partis communistes des années 60 ont encore un imposant électorat, malgré la Guerre Froide, et la propagande fomentée par les États- Unis qui les rend suspects aux yeux de beaucoup.C'est dans ce contexte idéologique que se place l'intérêt que porte Vital Lahaye au communisme. Beaucoup d'événements l'interpellent : la fin de la colonisation belge au Congo, la guerre d'Algérie et la dénonciation des tortures dans La question d'Henri Alleg, la révolution hongroise et les réactions que sa répression entraîne à Liège même (saccage de la librairie Romain- Rolland par l'extrême- droite, universitaire notamment). Il rencontre plusieurs leaders communistes liégeois, dont le député Terfve, personnage bien connu.Mais, ses études terminées, il devient professeur dans l'enseignement libre. Il a été bien recommandé... «Force récupératrice du milieu», dit- il. Il devient professeur de français à l'ISMA (Institut Sainte- Marie d'Arlon), à la section normale primaire puis à la section normale secondaire (Guy Goffette et André Schmitz figureront parmi ses élèves). Il reste là de 1960 à 1970.Entre-temps sont survenus les évé-nements de Mai 68. Vital Lahaye s'interroge dès lors sur la place de l'enseignant dans le «système». Il veut aller à la rencontre de la vie, celle qui ne fait pas de concessions, qui fatigue le corps et abrutit. Il songe à devenir ouvrier. Il quitte l'enseignement et, pendant deux ans (1970- 1971), devient un manuel : il travaille d'abord chez un horticulteur de Florenville, puis dans une scierie («coltiner des planches»), enfin, à Bruxelles, dans une brasserie. Travail pénible (surtout quand on n'y a pas été préparé) qui lui permet de nouer des relations différentes avec des êtres que, normalement, sa profession d'enseignant ne lui aurait pas permis de rencontrer. C'est l'époque où paraît Élise ou la vraie vie, de Claire Etcherelli.À Bruxelles, il lit une annonce : l'Algérie demande des enseignants. En septembre 1971 il part pour ce pays et travaille jusqu'en 1973 au lycée de Sour- El- Ghozlane, à quelque cent trente kilomètres au sud d'Alger. Cette même année, il a un fils, Ugo.L'expérience algérienne se termine. Vital Lahaye désire revenir en Belgique et entrer, cette fois, dans l'enseignement officiel. Ce ne sera pas chose aisée : certains le considèrent, un peu comme un transfuge du libre. (État des mentalités). Néanmoins, de 1973 à 1993, il enseigne successivement à Libramont, à Bastogne et, le plus longtemps, à l'Athénée Royal de Bertrix.Il prend sa retraite en 1993. Il quitte alors le sud du pays pour aller vivre à Liège avec son fils. Il s'installe rue Bonne- Nouvelle, où une population mélangée, turque, espagnole, italienne, arabe, africaine, slave, fait du quartier de Coronmeuse un microcosme dont un des points de résonance culturelle est le Carlo- Lévi, un bistrot artistique. Chaque dimanche matin, un poète est mis à l'honneur. Jacques Izoard présente poètes connus et inconnus, de langue française ou non. Il y a des lectures, des discussions avec le public. (Un jour d'octobre 1996, Izoard consacre sa présentation à Mon secours est dans leurs noms qui vient de paraître.) Vital Lahaye et son fils Ugo aiment assister à ces rencontres dominicales, comme ils aiment ce quartier.En 1995, la tragédie le frappe de plein fouet. Un week- end de juin, le même où disparaissent de la région liégeoise Julie et Mélissa, Ugo revient à Florenville pour la Fête de la Musique. De nuit, il va, à pieds, de Jamoigne à Florenville. Il n'arrivera jamais chez sa mère. Il meurt, fauché par un automobiliste qui s'enfuit. C'est tout un pan de la vie de Vital Lahaye qui s'écroule; la douleur marque durablement et profondément les parents, avivée par les circonstances qui entourent cette disparition.En 2002, il revient se fixer à Florenville, par amitié pour Michèle Laveaux, la mère d'Ugo, peintre et bouquiniste.Cet itinéraire, avec ses engagements, est celui d'un homme qui, tout en menant une vie en retrait, se sent relié aux hommes et veut les connaître et les défendre. C'est celui d'un homme également qui entend mettre sa vie en conformité avec ses idées et, par là, lui donner un sens.Il n'a cessé d'écrire et de lire (Sartre, Ponge, Michaux, Deguy), mais éditer? C'eût été attendre quelque chose d'une société qui attend des artistes qu'ils la justifient, ce qu'ils font -lui semble-t-il - même quand ils la contestent.

BIBLIOGRAPHIE