De la seconde guerre mondiale, de nombreux témoignages ont été recueillis sur les camps d'internement et d'extermination nazis. La littérature abonde sur les lieux tristement célèbres où étaient parqués les déportés en tous genres : juifs, résistants ou prisonniers.En revanche, de la première guerre mondiale, on a surtout retenu les grandes batailles (l'Yser, Verdun) où des milliers de soldats des deux camps perdirent la vie. Et pourtant, des camps, il y en eut aussi en 14-18. Le Journal d'un déporté civil retrace l'aventure d'une de ces victimes collatérales de la Grande guerre.C'est en décembre 1916 que Victor Goffart, originaire d'Havelange et chômeur, est réquisitionné par l'occupant pour aller travailler en Allemagne. Après deux jours de voyage, il arrive au camp de Soltau, en Basse-Saxe. Dans un premier temps, les responsables du camp font appel à la bonne volonté des déportés. Puis, devant la résistance de ceux-ci, ils vont appliquer un système basé sur la faim. La nourriture de base est composée de pain, de soupe et de café, tous trois de qualité médiocre. Pour améliorer un peu cet ordinaire, il faut avoir le cur à l'ouvrage. De toutes manières, à ce régime, les forces déclinent et la maladie guette. Il faut encore y ajouter le froid et le manque d'hygiène.Le Journal de Victor Goffart relate au jour le jour les péripéties de cette captivité qui dura six mois. Il fut heureusement rapatrié en mai 1917, pour cause de maladie. Sans minimiser la dureté des conditions de captivité, observons tout de même que, en 1942 ou 1943, le régime nazi n'aura pas cette délicatesse de rapatrier les travailleurs malades.Une autre différence apparaît entre les deux guerres : en 1916, les camps étaient plutôt mal organisés, ce qui laissait aux déportés un champ ouvert à la débrouille ; notamment la possibilité de recevoir des colis ou d'acheter un supplément de nourriture pour ceux qui en avaient les moyens. Car certains étaient arrivés à Soltau avec des Marks qu'on ne leur avait pas confisqués. Pendant ses six mois de captivité, Victor Goffart perdit quelques uns de ses camarades, qu'il dut conduire au cimetière.Le récit de Victor Goffart a été retranscrit bien après la guerre, d'après ses souvenirs, recueillis par sa petite-fille Josiane. Il est d'une grande sobriété. La préface de Francis Balace souligne l'intérêt de ce « témoignage vrai et utile, comme un petit éclat de marbre, qui compose la mosaïque de l'histoire et lui donne son sens ».Jacques Goyens