Thomas BRAUN

PRÉSENTATION
Poète, patriarche - 13 enfants, soixante petits-enfants - bâtonnier de l'Ordre des avocats de Bruxelles, Thomas Braun était de souche rhénane (d'où son patronyme allemand) et ardennaise.Né en 1876, fils et père d'avocats et amateurs d'art, il fut à la fois un avocat célèbre, un exemple charmant de notable à l'ancienne et un poète franciscain de l'Ardenne de ses vacances. De son ascendance allemande proviennent sans doute, comme chez César Franck, autre Wallon de souche germanique, un mélange de candeur et de gravité familièrement mystique, et un éloignement pour les jeux formels gratuits. Le ton de l'inspiration religieuse de Thomas Braun reflète cet héritage. Familial aussi était son attachement foncier à l'Ardenne, patrie de sa mère, Stéphanie Marcq, de Bagimont, près de Sugny et Pussemange, tout près d'une France naturellement ressentie comme amicale. Les amitiés françaises, littéraires ou stimulées par la guerre de 1914-18 tiendront d'ailleurs une grande place dans la vie de Thomas Braun. Très tôt le terroir maternel inspira ses débuts.En Ardenne, publié à 17 ans, est un alerte et sentimental carnet de vacances. Cinq ans plus tard, s'annonce déjà le poète de la nature vécue et observée quotidiennement avecL'An, un calendrier en 16 poèmes : un par mois, entrecoupés par l'évocation de chaque saison. La poétique de l'observation concrète, et le goût de célébrer, comme en litanie les thyms, les serpolets, les menthes, les lavandes s'affirment dès ce petit recueil où, sur les bandes de terre grasse verdissent les trèfles parfumés. Pas de vague à l'âme post-romantique (en 1898, il sévissait encore). Le symbolisme, ici est déjà dépassé au bénéfice d'une vigueur aux pieds sur terre, d'une santé de plein air. En jaillira, religieuse et rustique à la fois, une piété simple et tonique. Elle s'accorde à une observation précise et discrètement émue du paysage ardennais, de son humanité villageoise, sa flore et sa faune ) vue par un chasseur autant que par un inlassable promeneur. Cette santé, ce salubre enracinement rendront Thomas Braun célèbre, à 24 ans, avec son deuxième recueil : seize poèmes de religion incarnée : Le Livre des Bénédictions. Heureuse époque : ce bref chef d'oeuvre paru en 1900, plusieurs fois réédité, devait, durant toute sa vie, marquer la célébrité du poète. Serein, ignorant les drames intérieurs qui les animent, il n'écrivit ni roman ni théâtre. Très caractéristique du rituel poétique savoureux et dru des Bénédictions, une fraîcheur vigoureuse, planétaire issue de la Genèse, fait jaillir celle des humbles herbes. La nature y est vivante dans sa providentielle utilité, le travail des champs, la nourriture et la médecine populaire autant que par le charme de son spectacle. En alexandrins musclés, les semences, les oiseaux, les abeilles, la bière, seront ainsi bénis dans leur existence quotidienne, signes d'une bonté universelle. Rats, mulots et campagnols feront, eux, l'objet d'une bénédiction déprécatoire.Thomas Braun publia relativement peu. Mais il écrivit avec un charme, une fraîcheur et un sens aigu de l'observation de la nature, qui annonçait, avec plus d'un demi-siècle d'avance, les écologistes.Vivant à Bruxelles, il passait ses vacances familiales en Ardenne, où il acquit, en 1905, à Maissin, un pavillon qu'il agrandit selon la croissance de sa tribu : chaque enfant avait une chambre portant le numéro de sa naissance. En 1928, le treizième et dernier enfant (d'un second mariage, car la première épouse était morte en 1919) fut salué, sur la terrasse de Maissin par un cadran solaire d'ardoise portant le vers de Nerval : "la 13 ème revient, c'est toujours la première".Durant la guerre 1914-1918, Thomas Braun qui connaissait parfaitement l'allemand, fut un des avocats belges qui défendirent les patriotes devant les Conseils de guerre allemands. Après la victoire, comme les morts français de Maissin étaient tous bretons, Thomas Braun obtint le transfert au cimetière militaire de son village d'un authentique calvaire breton, qu'il salua dans un discours célèbre.La grande amitié littéraire de Thomas Braun fut Francis Jammes. Jusqu'à la mort de Jammes, en 1938, les deux auteurs échangèrent une correspondance chaleureuse et confiante, qui fut publiée plus tard par les soins de l'écrivain Benoît Braun, un des fils du poète. Sa profession, où il fit une carrière brillante (il était spécialiste des droits intellectuels d'auteur, marques de fabrique, etc...) ne laissa pas à Thomas Braun le loisir d'écrire beaucoup de livres. A part les divertissements sur les timbres-poste de Philatélie, l'essentiel de ses poèmes est inspiré par l'amitié : A des absents, la terre ancestrale et une piété simple qui parcourt toute l'oeuvre depuis Le livre des bénédictions. Région, nature, guerre et religion se retrouvent aussi dans le recueil de proses de circonstance : Amour de l'Ardenne paru avant la guerre de 1940 et réédité en 1949 avec quelques ajouts sous le titre Passion de l'Ardenne. Aimant la nature mais grand chasseur, homme paisible, heureux et bon, comblé par sa vie de famille, son métier et son renom littéraire, Thomas Braun était, depuis des années, seulement un poète dans sa vie lorsqu'il mourut en 1961.A consulter :
  • Carlo Bronne, Notice sur Thomas Braun, Éd. Palais des Académies, Bruxelles, 1967. Repris dans Bleu d'Ardenne, Éd. P. Legrain, Bruxelles, 1984.

  • Francis Jammes et Thomas Braun : Correspondance (1898-1937). Texte établi et présenté par Daniel Laroche. Introduction de Benoît Braun, Éd. Palais des Académies, Bruxelles, 1972.

  • Pierre Henri, Grands avocats de Belgique, Éd. J.-M. Collet, Bruxelles, 1984.


  • BIBLIOGRAPHIE