Michel del Castillo

PRÉSENTATION


L'année de naissance de Michel del Castillo, 1933, le détermine fatalement. Père français qui bientôt quitte l'Espagne, mère espagnole (dont l'écrivain gardera le nom) qui rejoint le Front Populaire. Une dénonciation paternelle lui vaut d'être interné dans un camp vichyste. Peu après, la mère le laisse déporter en Allemagne, tout en se désolant de la disparition de cet enfant de neuf ans. Après guerre, il sera réfugié à Barcelone, puis, jusqu'en 1952, recueilli par des jésuites en Andalousie. Avant que l'oncle paternel et son épouse allemande d'origine ne le prennent en charge.

En 1957, par l'écriture, viendra une forme d'issue. Pierre Mertens lui dira, l'accueillant à l'Académie : «Vous avez choisi d'apercevoir dans le refus essentiel que vous avez essuyé une situation emblématique.» Et lui-même écrira, en préfaçant en 1997 une réédition de Tanguy, le grand roman qui l'a révélé quarante ans auparavant : «Je suis un enfant des livres, qui m'ont engendré, élevé, maintenu en vie.» La même année, il publie La Guitare, récit plus implacable où un nain s'efforce d'amadouer son entourage à son égard en lui dédiant sa musique : il n'en sera pas moins lapidé. François Mauriac détecte le surgissement d'un écrivain important…

L'Espagne sert de cadre aussi aux romans qui suivent : ils sont décapés de tout pittoresque, centrés sur l'expiation des crimes des pères. Mais d'autres romans se situent en France comme Le Vent de la nuit et Le Silence des pierres, ou ailleurs : Les Cyprès meurent en Italie.

Le prix Renaudot couronne La Nuit du décret en 1981, où deux policiers, au lendemain de la mort de Franco, enquêtent sur le passé de l'autre. La hantise de la mère va inspirer ensuite une vaste trilogie romanesque qui est inaugurée par La Gloire de Dina en 1984. La quête est-elle concluante? «La littérature ne prouve rien, elle n'aide même pas à vivre : elle ne réussit qu'à contenir la folie en donnant une forme au chaos», se contente-t-il de constater. Le premier volet se déroule en Sicile, le second entre Marseille et Barcelone, le dernier à Paris, avec pour protagoniste le modèle tel qu'en lui-même, cette mère qui tant de fois le renia et prétendait autour d'elle ne pas pouvoir se consoler de lui. Comme se l'est demandé Pierre Mertens : «Est-elle achevable, l'épopée de l'amour filial inassouvi?»

Un maître plane sur cette œuvre, c'est Dostoïevski. Del Castillo lui rend hommage dans Mon frère, l'idiot (1995), tout en reconnaissant ses limites : populisme, panslavisme, idéalisme fumeux. Jamais de manichéisme chez Del Castillo, mais, selon Pierre Mertens, un «élan miséricordieux qui porte à comprendre parfois même l'innommable», une «prose que se disputent le sentiment tragique de la vie, la rage de survivre, la jubilation d'exister, un irréductible amour de la fragilité humaine».