Hubert Krains   1862 - 1934

PRÉSENTATION
Les premières années (1862-1879) Hubert Krains est né en 1862 à Les Waleffes, typique village hesbignon. La vie dure d'ouvriers agricoles que menaient ses parents lui permit de connaître très tôt, par l'observation directe, l'existence paysanne. Simultanément s'émouvait sa sensibilité aux choses, aux êtres et aux paysages de son terroir. Après l'école primaire à Les Waleffes, il fréquenta durant trois ans, de 1875 à 1878, le collège Saint-Louis de Waremme où se manifesta déjà dans ses travaux de composition française un certain don pour la description de la nature. Le trajet pédestre de Les Waleffes à Waremme et vice-versa (environ quatorze kilomètres au total), les jours d'école, permit à cet adolescent attentif, sensible et doué, de sentir la nudité du paysage hesbignon en même temps que son agreste beauté, matrices de l'oeuvre de ce frère de sa campagne natale. Des difficultés financières l'empêchant de poursuivre ses études secondaires, il quitte le collège pour aider son père aux travaux des champs. Il s'attache ainsi de plus en plus à la Hesbaye et à ses habitants, toujours à la tâche pour subvenir aux besoins des leurs. La carrière à la Poste - Les rencontres littéraires Son père, conscient de ses qualités intellectuelles, l'oriente vers une carrière administrative, à défaut de lui permettre d'étudier l'art vétérinaire. A seize ans, l'adolescent réussit un examen d'aide télégraphiste, poste qu'il occupera d'abord à Morlanwelz, ensuite à sa grande joie à Fallais-sur-Méhaigne, près de Les Waleffes, de 1880 à 1882. En mai 1882, il est nommé commis de troisième classe à l'administration centrale des postes à Bruxelles et quitte, le cœur sans doute un peu serré, sa chère Hesbaye. Hubert Krains était animé d'une incessante volonté de perfectionnement, tant dans son métier où il gravira tous les échelons que dans l'art littéraire où ses recherches seront constantes et fructueuses, puisqu'elles aboutiront à une oeuvre en tous points digne d'intérêt. Cette harmonieuse et double progression est bien soulignée par Gaston-Denys Périer, auteur d'un excellent essai sur l'écrivain hesbignon : "Sans défaillance, Krains gravit la double voie tracée par son destin. Le littérateur, loin de retarder le fonctionnaire, le soutient". En 1895, il a trente-trois ans, il est nommé à Berne, secrétaire du Bureau International de l'Union Postale; il y restera jusqu'en 1911. Durant sa "période bruxelloise", c'est-à-dire de 1882 à 1895, il avait rencontré Hubert Stiernet, professeur à Schaerbeek. Ils firent souvent les trajets en train de Bruxelles à la Hesbaye et vice-versa, débuts d'une indéfectible amitié, comme me l'a confirmé lors d'une interview Madame Léa Chotte-Krains. Le mouvement littéraire vers 1880 - Les influences Les années quatre-vingt sont considérées "par beaucoup d'historiens comme le véritable éveil de la littérature belge". Deux revues s'imposent : l'une, La Jeune Belgique, fondée en 1881 par Albert Bauwens et rachetée peu après par Max Waller, entre à bride abattue en lice comme championne de "l'Art pour l'Art", cette doctrine de l'impersonnalité due à Théophile Gautier. Par contre, La Wallonie, fondée en 1886 par Xavier Neujean et Albert Mockel, le seul grand symboliste belge d'origine wallonne, fut dès le début la tribune du symbolisme. Hubert Krains s'était mis à taquiner la muse et avait envoyé ses vers à Max Waller qui les rejetta parce que "trop baudelairiques (sic)". C'est pour cette raison que, dépité, Krains se rapprocha du groupe d'Albert Mockel et put y rencontrer ceux qui influencèrent son oeuvre, notamment l'avocat Eugène Demolder, féru d'art et de lettres et, détail intéressant pour cerner le milieu où évolua Krains à ce moment, futur époux de la fille de Félicien Rops. Demolder lui donna des leçons de latin, l'ouvrit à la poésie des vieilles choses en même temps qu'à un certain panthéisme. S'accomplit la prévisible rupture entre Symbolistes et Parnassiens : les premiers, dont Georges Eekhoud, Emile Verhaeren et Hubert Krains, quittèrent La Jeune Belgique pour fonder Le coq rouge. Georges Eekhoud orienta notre auteur vers les auteurs russes, anglo-saxons et scandinaves : Ibsen, Tourguenieff, Dostoievski, Tolstoi... il se nourrit de ces œuvres et opte alors pour la prose. Son premier texte, Croquis nocturne, paraît le 15 septembre 1887 dans La Wallonie; en décembre est publié La maîtresse du paysan; en 1888 sont livrés au public Le joueur d'orgue et Maisons borgnes. Il écrit aussi dans de nombreuses revues littéraires des articles de critique et des récits dont la plupart seront réunis en deux volumes, Les bons parents (1891) et Histoires lunatiques (1895). En 1894, il épouse Juliette Thibaut, née à Grand-Hallet, près de Les Waleffes. Ils n'auront pas d'enfants. Un fructueux exil (1895-1911) Le séjour à Berne (1895-1911) lui permet d'approfondir son oeuvre. De ces années de solitude forcée naîtra l'évocation des habitants et des mœurs de sa Hesbaye dans Amours rustiques (1899), Le pain noir (1904) et Figures du pays (1908). L'élaboration de ces œuvres sublime son sentiment de nostalgie. Porté au pinacle par la critique et le public, il reçoit en 1908 la croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold et, l'année suivante, le prix littéraire de la province de Brabant. En 1941, il rentre en Belgique avec son épouse, pour raison de santé. Un Wallon authentique, un Belge A partir de 1912, il s'attelle à la suite de son oeuvre, c'est la gestation patiente de Au cœur des blés et de Mes amis. Durant la guerre de 1914-1918, il refuse de participer à une tentative de scission administrative du pays, en s'affirmant Wallon, mais tenant de l'unité nationale. Poursuite de sa carrière administrative : en 1917, il est inspecteur de direction et en 1920, directeur d'administration. 1925 à 1927 (date de sa retraite), il sera directeur général des postes belges. Elu président de l'A.E.B., il participa à de nombreuses activités culturelles et c'est en 1920 que le roi Albert le choisit avec treize autres écrivains pour former le noyau de notre Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique, créée à l'instigation de Jules Destrée. Envoyé à l'étranger comme représentant de notre pays à des congrès de l'Union Postale Universelle, il séjourne à Washington, Rome, Madrid, La Haye, Londres et Stockholm. En 1921, il obtient le prix triennal de littérature qui vient couronner Mes amis, recueil de nouvelles auquel il a travaillé treize ans. Il faut ajouter que Le pain noir a été traduit en néerlandais par la sœur de Vincent Van Gogh; en wallon, pour la scène, Joseph Durbuy s'est inspiré de textes de Krains pour Li phosphate, pièce créée en 1928. En juillet 1926, ses pairs, les écrivains, lui offrent en hommage une plaque de bronze due au ciseau du sculpteur Brouns où l'artiste figure deux adolescents donnant Le pain noir à l'immortalité. Elle est apposée aujourd'hui sur le mur du cimetière de Les Waleffes où repose Krains. Krains s'adonne ensuite à des études critiques sur la littérature belge d'expression française et les réunit en 1930 dans Portraits d'écrivains belges. Le dix mai 1934, il tombe du train en gare de Bruxelles-Nord. Broyé sous les roues, comme Jean Leduc, tragique héros qu'il a laissé à la postérité, protagoniste du Pain noir.

BIBLIOGRAPHIE