“Guerre et Térébenthine”, un livre magistral de Stefan Hertmans

L’écrivain flamand Stefan Hertmans (né en 1951) avait en sa possession depuis plus de trente ans des cahiers remplis par son grand-père, avant d’oser prendre connaissance de leur contenu.
C’est ce que nous explique l’auteur dans les premières pages de Guerre et Térébenthine (Gallimard, 2015), tout de suite après avoir évoqué ses souvenirs les plus anciens de cet homme énigmatique mais aussi secret qui avait survécu aux horreurs vécues dans les tranchées pendant la Première Guerre mondiale, qui fut mis à la retraite pour cause d’invalidité de guerre à l’âge de 45 ans et se concentra par la suite sur ce qui était devenu pour lui plus qu’un violon d’Ingres: la peinture – il avait obtenu un  » brevet de capacité en peinture et dessin anatomique « .

Hertmans découvre et nous livre graduellement, par étapes, la poignante réalité de ce « plus ».

Résister pendant trente ans à la tentation de lire ces cahiers pourrait sembler pathétique, une forme de Wichtigtuerei,…

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Le pari de créer en dialogue : De part et d’autre / Over en weer

On peut créer à deux langues et à quatre mains : c’est ce qu’ont fait Marc Dugardin et Marleen de Crée dans l’ouvrage De part et d’autre/Over en weer, paru en 2011 aux éditions P où, partant d’une lecture de Kertész et, à travers lui, de Celan, le poète francophone et la poétesse néerlandophone se sont mis en dialogue pour écrire un livre qui se constitue par ricochets, l’un répondant à l’autre, chacun écrivant dans sa langue. Le traducteur Stefaan van den Bremt sert de passeur pour les lecteurs à venir, et Goedele Peeters ajoute à cet espace d’échange le langage du visuel par des gravures empreintes de leur propre poésie. Rarement la création hétérolingue a été aussi loin et donné lieu à un ensemble aussi abouti. Le 15 octobre 2015, l’Association Charles Plisnier proposait, en collaboration avec Passa Porta, une soirée consacrée à ce moment de grâce d’échange intercommunautaire qui souligne ce qui est la fonction première de la culture : penser plus haut que l’horizon et unir les hommes, tant dans leurs douleurs que dans leurs rêves communs. Le livre s’ouvre sur cette double adresse au lecteur : Au lecteur Un premier poème, écho d’une lecture d’imre Kertész et, à travers lui, de la « Fugue de la mort » de Paul Celan. Puis, dans la quête de notre propre chant, une lutte avec l’ombre, l’écoute de l’autre, la confrontation parfois, la confiance qui se tisse peu à peu. Une sorte de contrepoint, entre tension et apaisement. Deux langues, deux voix poétiques, puis une troisième qui, d’un geste, vient jeter une passerelle vers le lecteur. À lui, à présent, de se saisir du thème, d’en donner à entendre une autre part. Lees maar een eerste gedicht, waarin de stem van imre Kertész naklinkt en, via hem, Paul Celans ‘todesfuge’. Daarbij, bij het zoeken naar ons eigen lied, een partijtje schaduwboksen, luisteren naar de ander en, in confrontatie soms, elkaars vertrouwen winnen. een soort contrapunct, tussn spanning en rust. twee talen, twee poëtische stemmen, daarna nog een derde die, beeldend, een brug slaat naar de lezer toe. aan hem nu om zich het thema toe te eigenen en nog een partij te laten meeklinken.                                                                       * Le projet témoigne à la fois d’ambition et de modestie : il met en œuvre une polyphonie qui fait fi des bornes linguistiques, tout en interrogeant les limites du verbal. Il emmène vers l’est de l’Europe durant la seconde Guerre Mondiale, vers ce moment sombre de l’Histoire qu’est la Shoah, pour questionner la puissance évocatoire du poétique, tenter de voir ce que lui apportent le plurilinguisme et le dialogue des arts. En guise de réponse, le recueil souligne ce qui, tel un négatif photographique, se révèle lorsque plusieurs modes langagiers s’entrelacent pour approcher de l’indicible. Le texte poétique démontre à quel point la langue, lorsqu’elle prétend traduire une certaine réalité, met surtout en évidence le gouffre qui la sépare de cette réalité. Avec humilité, les mots ne peuvent témoigner que d’un échec descriptif. Le souvenir de Kertész et de Celan hante ce recueil. Celui-ci écrivit sa Fugue de mort (Todesfüge) dès la fin des années 1940. Au fil du temps, ce texte a pris un statut de symbole: celui de la survivance du chant poétique face à la terreur des camps de concentration. Ce poème témoigne du fait que quelque chose résiste, qu’aucune langue ne parviendra jamais à « (r)attraper ». Parallèlement, quelque chose reste aussi au-delà de ce qui fait que deux langues diffèreront toujours, en dépit des influences et des échanges. Vu sous cet angle, le duo de Marc Dugardin et Marleen de Crée (tout en minuscules et dépourvu de toute ponctuation) parle de ce qui demeure à jamais perdu, autant que de ce qui, paradoxalement, s’épanouit dans le dire poétique et dans l’échange. Si la poésie est, comme le pensait Verlaine, « de la musique avant toute chose », la polyphonie conscientise ici le lecteur-auditeur de ce qu’au plus profond de lui résidera toujours un espace ouvert à ce qui se fait percevoir dans son altérité. Telle est l’invitation formulée dans le poème de clôture : quoi en nous d’inexplicable où quelqu’un n’en finit pas d’écouter? wát aan ondoorgrondelijks in ons waar iemand eindeloos luistert? Pour rendre leur propos sensible, Marleen de Crée et Marc Dugardin se sont livrés à Passa Porta à la lecture de leurs textes, leur donnant souffle, rythme, intonation, ainsi que la singularité de leurs voix. Ils se sont aussi prêtés aux questions pour éclairer leur projet si peu ordinaire. On a ainsi appris que le projet est né de l’intérêt de la dessinatrice Goedele Peeters – complice éditoriale de Marleen de Crée depuis plusieurs années – pour l’art poétique de Marc Dugardin. Que la poétesse flamande interpelle l’écrivain namurois, et que celui-ci propose le thème de l’échange. Que chacun ne peut, durant l’élaboration du recueil qui dure un an et demi, entreprendre aucun autre travail, car il les requiert totalement. Que Goedele Peters n’entend pas illustrer le propos du livre, mais seulement rendre visible par des images de ponts et de miroitements, des jeux d’ombres et de lumières, sa perception personnelle de l’art poétique. Que le traducteur Stefaan van den Bremt travaille au fur et à mesure de l’élaboration, opérant des choix qui exigent une sensibilité poétique aiguisée à faire jouer du français vers le néerlandais et réciproquement, ce qui est particulièrement rare et remarquable. Chacun est revenu sur ce que ce projet si peu commun lui avait apporté. Il est frappant que les poètes aient signalé qu’ils n’auraient pas pu entreprendre un travail sur un sujet si ardu s’ils ne l’avaient pas réalisé dans le cadre de cet échange, qui s’est avéré stimulant de part en part, même s’il a comporté des difficultés. En particulier, chacun a approfondi sa propre expérience poétique de par sa mise à l’écoute de la poéticité de la langue de l’autre. Ce projet a été une interpellation à aller plus loin que soi, à se mettre en état de totale disponibilité, condition première de l’avènement poétique. « Le rapport que l’on a avec une œuvre dépend de ce que l’on dégage dans sa vie pour l’accueillir ; et de la manière dont on s’engage dans ce rapport: c’est le début de la vie poétique », écrit Yannick Haenel (À mon seul désir, 2005). Pari tenu que de se mettre ici en disposition d’écoute pour entendre ce qui, au-delà des mots et des langues, fait signe poétiquement. Pari à relever ensuite par nous, lecteurs : bonté qui ricoche vers la rive de l’autre         goedheid kiskassend naar de oever van de ander. © Matthieu Sergier,…

Lès bolèdjîs Pètcheûr do Bork. (Dès djins èt dès mèstîs d’ ayîr.)

(En wallon de Saint-Hubert) Prumîre jènèrâcion Mu grand pére , Félicyin Josèf Pètcheûr, è vnu ô monde lu 5 do mwès d’ mê an 1845. Sès parints èstint Jean Josèf Alècsis (03.06.1798) èt Marie Thérèse Beaupré (15.01.1807). Duvè sès dîj ans, il alèt a scole pa l’ roûwe d’ Hamêde. Lu frére du s’ mére Nicolas Josèf Beaupré (30.01.1821) èt s’ fème, Marie Léyopoldine Jacques (25.03.1825), èstint cinsîs èt i dmorint o numèro 33 èt leûs stôles o numèro 35 du ç’ voye la ; asteûre c’ èst l’ mutuèle catolike. Lu 16 do mwès d’ mârs an 1856, sa tante Marie Léyopoldine Jacques donèt l’ djoû a one pètite bwêçale : Marie Augustine Beaupré. An alant ou an rvènant du scole, mu grand pére alèt bèrcè su ptite couzine. Sovint, i dmandèt : « vos m’ l’ ordrez, ma tante ? » Couzin èt couzine ont créchi asson.ne, i djouwint asson.ne, il ont stî o bal asson.ne… Èlle a cand min.me oyu l’ tins d’alè a scole jusk’ a sêze ans. Lî a t’ on ordè ? Ou putônt, s’ ont-i vèyu volti ? Cand il a oyu trante ans èt lèye dîj noûf, i s’ont mariè lu 16 do mwès d’ jun an 1875. Il ont oyu catônrze èfants inture 1876 èt 1902. Sèt’ valèts èt sèt’ bwêçales, totes lès bwêçales ont stî costîres et tos lès valèts ont passè o for po-z-aprinde lu mustî. Dj’ ê atindu on djoû mon.nonke Jules dîre a m’ pére : ─ C’ èst nin po ça sés’, mês nosse mére, èlle èstèt todi ôtrumint ! Félicyin, mu grand pére, èstèt cinsî. Lu façade dol cinse su stindèt do numèro swaçante sèt’ o numèro sèptante sèt’ al roûwe do Mont. Inture lu numèro swaçante noûf èt l’ numèro sèptante èt yonk, i gn-avèt on passadje ki minèt al coûr padrî avou lès stôles, one pètite grègne, lès gurnis èt l’ ancènî. Lès couchèts èt lès bièsses a plumes (pouyes, canards…) dol cinse s’ î porminint a l’ lache. Come dins totes lès cinses du ç’ tins la, o drî dol môjon sèptante sèt’, i gn-avèt on gros forni. Mu grand mére î cujèt l’ pwin. Lès famîyes Pètcheûr, Beaupré, Félix èt aparintéyes avint chacune dupus d’ dîj èfants. Ptit a ptit mu grand mére a cû l’ pwin po totes cès famîyes la èt po lès cis ki vlint do pwin da Marie Féliciyin k’ èstèt si bon. Al comune, èlle èstèt min.me ransègnéye come « boulangère ». Do ç’ tins la, lès fors èstint dès fors a bwès. Po-z-alumè l’ feû, i s’ sièrvèt d’ fagots bin sètchs fêts avou dès coches du sapin. Dès bwès d’ cwade findus tènes èt bin sètchs ossi, dès chunes, brûlint a fére on feû du tos lès djâles. Cand i n’ dumorèt pus k’ dès sanes èt dès ptites bréjes, lu bolèdjî rutirèt totes cès sanes èt cès ptites bréjes la avou on grand rôve du fyinr. I lès rôvlèt dins on grand batch dumi rond k’ on lumèt l’ ètoufwâr. Lu for èstant bin tchônd, on plèt afornè lès pwins. Po fêre lès fagots èt lès cwades du bwès, lu bolèdjî fèt martchî avou on bokion sins ovrâdje. I payèt mitan an sous èt mitan avou dès pwins d’ deûs kilos. Onk dès bokions èstèt on pôn tourciveûs èt il avèt l’ toûr d’ amantchè lès chunes du crèsse po fére dès vûdes inture zèles ; insi, i falèt mwins’ du chunes èt mwins’ du tins po fére one cwade. I gangnèt dès deûs costès. Mu grand pére, ki n’ èstèt nin pus bièsse ku l’ bokion, lî dit on djoû : ─ I m’ son.ne la Lèyon, ku t’ fês bramint dès trôns dins tès cwades ! ─ Bin choûte bin la Féliciyin, i m’ son.ne ku t’ fês bramint dès trons dins tès pwins ossi, sés’ ! On ptit vwèsin, Lèyon, vlèt duvnu bolèdjî ossi. Il avèt vnu trovu m’ grand pére : ─ Dju vourè bin travayè o for avou vos, Félicyin, po-z-aprinde lu mèstî. ─ Tu n’ vous pus ‘nn-alè a scole ? ─ Nèni hin ! Dj’ è sé ddja dpus k’ lès mêsses ! Dju l’s-ènn-î aprindrè bin ! Dupouy çu djoû la, il èstèt o for dol pikète do djoû jusk’ al nwâre nut’. Mês mu grand pére nu l’ lèyèt nin alè ôtoû dès pôsses. Pocwè ? Pace ku chake cônp k’ on dzèt a Lèyon d’ alè s’ lavè, i rèspondèt : ─ I gn-a k’ lès niches ki s’ lavant ! On djoû k’ Lèyon fèt co s’ tièsse du vèrbok èt n’ vlèt nin s’ runètchè, mu grand pére lî dit : ─ T’ ès cand min.me on singulier, sés’, Lèyon ! ─ Ây, èt vos, on plurièl, Félicyin ! Deûzime jènèrâcion Cand l’ pus vî dès-èfants, Josèf (19.07.1876) a oyu doze/trêze ans, lu mére l’ a voyè come mitron amon Buck, bolèdjî so l’ place do Martchî. O cminçmint, il a surtout sièrvu a chovè l’ atelier mês ptit a ptit, come il èstèt malignant èt fwârt, il a vitmint apris l’ mèsti èt sès finèsses. A kinze ans, il a rintrè al môjon èt c’ èst li k’ a fêt rotè l’ bolèdjrîe an êdant Marie. Il ont agrandi l’ forni èt drovu on magazin. Lu pére a achtè on ptit tchfô èt one camionète cand Josèf a oyu l’ âdje du fére dès tournéyes dins lès viyâdjes. Ça duvnèt one vrê bolèdjrîe, çu n’ èstèt pus on forni po cûre pou leû famîye èt lès parints. A pôrti du ç’ momint la, mu grand pére a pris s’ pôrt dins l’ bolèdjrîe, surtout tins d’ l’ iviyinr. Lès djon.nes djins ont cmincè a su rtrovu o for al cîze po î djouwè ôs côtes ou fére dès toûrs du fwace ku mon.nonke Josèf gangnèt todi vu k’ il èstèt l’ pus fwârt. Sayez du v’ coûtchè so on satch du farine du çant kilos èt du v’ rulèvè avou ! Josèf èstèt l’ seûl al rèyussi. Du ç’tins la, cand l’ arméye fèt lès maneûves, lès djins duvint, dins totes lès mojons, vûdè lu prumîre place ki donèt so l’ voye èt î stinde one coûtche du paye po lodjè lès sôndârds èt l’ vaye, duvèt nouri tos lès omes. Come mu grand mére èstèt bolèdjîre so lès lisses dol comune, èle duvèt forni ostant d’ pwins. On houkèt m’ pére ki ruvnè êdè Josèf tote lu duréye dès maneûves. Il a dmorè o for jusk’ an mile noûf çant sèt’, cand li ossi s’ a mariè. Dj’ î rvinrans ! Lu deûzime èfant èstèt one bwêçale : Irma Marie Lèyopoldine Constantine (12.02.1878). Su vîe a stî coûte mês fwart eûreûse lès vint’ chî prumîres anéyes tins k’ èle vikèt avoû ses parints mês su mariâdje a sti on calvêre k’ a durèt onze ans. Èlle avèt tumè so on mèchant ome ki l’ batèt, èle a stî ancinte cink côps mês n’ a oyu k’ deûs èfants vicants télmint ku l’ fôn Emile Bènwèt, s’n-ome, lu fèt sofru. Po bin v’ mostrè k’ il avèt oyu on cônp d’ martê d’ trop èt ki n’ èstèt nin come on-ônte, cwabjî d’ mèstî, il avèt fêt deûs êles an cûr, su lès avèt amantchè so l’ dos, pus avèt stî lès sayè al sucayîre an sôntant do dzeû dol carîre. Tumè come one masse jusk’ o fond, i s’ ènn-avèt tirè avou mwintes cwaches èt one djambe casséye. On lî avèt ramantchè avou deûs tènes plantchètes fwart sèréyes avou one bande. Il a chalè tote su vîe èt rotè avou one cane ki s’ avèt ctayè dins one brantche du bèyônle. Ça n’ l’a nin aspètchè du bate sa fème, tante Irma. Èlle è ratindu famîye po l’ prumî cônp avant l’ mariyâdje. Du ç’ tins la, c’ èstèt one târe, èlle alèt èsse mostréye do dègt tote su vîe èt l’ èfant srè trêtè d’ bastârdè pus tôrd, dins l’ coûr dol sucole. Lès seûrs Bènwèt, k’ èstint dol « Ligue dès fèmes », ont sayè du sôvè l’ oneûr. Èles ont amènadjè Emile èt Irma dins one môjon a Bressoux. La, è vnu ô monde one pètite Juliène ki n’ a vikè ku deûs ans. Après twas/catre ans, il ont ruvnu o Bork. I dmorint o numèro sèptant twas dol roûwe do Mont. On djoû, mu pére passe duvant l’ môjon avou lu tchfô èt l’ bagnon, il atind ma tante Irma ki crîe o scoûrs, il arète lu tchfô èt mousse al môjon po foute one dèguèzine a Bènwèt. O prumî cônp d’ pougne, il sutint. Mês Bènwèt su rlève avou on bokèt d’ jate casséye dins l’…