Dans une caserne d’un autre temps, dans la cantine des cantines, Marcel Schmitz achève son déjeuner. Après cet essentiel moment de pause, il retourne à la mère de ses obsessions : une cité céleste descendue sur terre, formée de morceaux de carton dessinés et de bouts de scotch qui s’assemblent sous ses doigts. Cette ville mythique et magique, c’est FranDisco.
Grâce à la haute précision des stylos de Thierry Van Hasselt, nous allons pouvoir nous y aventurer pour la première fois. Comme les victimes d’une hallucination collective, illuminés par une utopie intime, nous serons enfants de chœur, madone éclectique ou démiurge trisomique. Nous ferons l’expérience totale
d’une ville fictive et l’expérience fictive d’une ville totale. Nous vivrons à FranDisco.
FranDisco est une réalité urbaine qui se nourrit déjà de sa légende, et réciproquement. FranDisco existe, on l’a vue. Au Théâtre du forum Meyrin à Genève, chez Agnès b. à Paris, à la Médiathèque de Charleville-Mezières dans le cadre des Nuits blanches… Mais avant tout à la « S » Grand atelier où elle est née. Située à Vielsalm dans les Ardennes belges et dirigée par Anne-Françoise Rouche, la « S » Grand atelier accueille des artistes porteurs d’un handicap. Depuis la fructueuse résidence qui donna lieu à l’ouvrage Match de Catch à Vielsalm, Thierry Van Hasselt n’a jamais perdu l’occasion de se rendre à la « S ». Un jour il découvre que Marcel Schmitz, cet artiste trisomique qui a longtemps dessiné des villes abyssales aux innombrables fenêtres, vient de passer à l’urbanisme en trois dimensions, avec force scotch et carton. La ville de FranDisco avait commencé à s’édifier et à s’étendre, et plus rien n’arrêterait cette urbanisation galopante. Thierry Van Hasselt allait être le premier avalé. Durant des années, il va dessiner d’après nature la ville de Marcel, en constante évolution, il va écouter l’histoire de ses habitants à qui seule la voix de Marcel permet d’exister… Il va immortaliser Marcel Schmitz le bâtisseur, faisant peu à peu de lui le personnage principal d’une histoire qui n’aura plus pour seules limites que celles de leurs imaginations mêlées. Dans cette histoire, Marcel vit bien sûr à FranDisco.
Mais cette vie fictive est nourrie des moments bien réels où FranDisco voyage, emportant son bâtisseur et son chroniqueur. À chaque résidence commune, Marcel et Thierry ont poursuivi la construction de la ville et de la bande dessinée. Ces moments ont permis à Marcel de s’émanciper de sa condition, d’être reconnu en tant qu’artiste, de découvrir le monde et de l’intégrer à sa construction utopique… Cette émancipation, c’est aussi ce que raconte Vivre à FranDisco. Ce qui anime la ville, ce sont ces moments de bonheur que les artistes ont vécus ensemble. Au cours de ces aventures, Marcel a pris le stylo pour s’inviter dans le récit du reporter qui a dû, lui aussi, se faire
ouvrier de FranDisco. Comme dans tout bon projet Knock Out de la « S » et du Frémok, il y a eu contamination : KO partagé. Thierry et Marcel se sont contaminés, et nous voilà à notre tour touchés. Emportés par une aventure aussi folle que généreuse. Libérés par un flot narratif émancipateur. Le Major fatal de Moebius peut remballer son garage hermétique, Cloclo peut ranger ses Claudettes, voilà Marcel Schmitz et sa FranDisco. Thierry Van Hasselt prévient déjà : “Il est à craindre que tout comme l’expansion urbaine de FranDisco, le récit de sa traversée n’aura jamais de fin…”
Bienvenue à FranDisco : vous allez faire un fabuleux voyage.
Vienne, 1907. Le peintre Gustav Klimt rend visite aux époux Bloch-Bauer. Ferdinand demande alors à Gustav de réaliser le portrait de sa femme, Adèle ; requête entraînant un flashback. Six ans auparavant, alors que Klimt essuyait des critiques acerbes au sujet de son œuvre La Médecine , il a rencontré ce couple, admirateur de son génie et dont la femme l’a prié de lui ouvrir les portes de son atelier. Au même moment, l’artiste recevait en rêve l’inspiration pour son prochain tableau. C’est par ce prisme que l’on entre dans l’univers de l’artiste : son atelier, ses modèles, sa mère, sa compagne, Émilie, mais aussi ses rêves, ses angoisses, ses sources d’inspiration en somme. L’histoire narrée en bande dessinée par Cornette et Marc-Renier est une tranche de vie, prétexte à l’évocation du peintre, de son style, de son époque et de l’avant-gardisme dont il y faisait preuve. L’idée est en effet plus de mettre en avant ses particularités que de réaliser sa biographie. Le récit est assez simple et aurait peu d’intérêt sans l’aspect « inspiré de faits réels », mais n’en est pas moins cohérent et bien rythmé.Les dessins sont soigneusement détaillés. Le rendu est classique, avec un crayonné assez fort accentuant les sujets principaux. Les travaux de Klimt évoqués sont réinterprétés plutôt que cités et le résultat est réussi et efficace : le redesign des œuvres permet une intégration fluide dans les cases tout en invitant à les découvrir sous un angle neuf.Le récit principal est suivi d’un court cahier didactique sur Gustav Klimt. Il complète la bande dessinée en développant quelques sujets qu’elle évoque. On y voit notamment des reproductions des œuvres évoquées dans l’album. Ainsi, le lecteur a à portée de main de quoi satisfaire sa curiosité, titillée par l’histoire racontée en images et phylactères.La bande dessinée Klimt est une introduction sympathique à l’œuvre de l’artiste. Les connaisseurs n’apprendront probablement pas grand-chose, là où les néophytes apprécieront l’accessibilité du propos et les informations proposées en fin d’ouvrage. Les visuels soignés plairont aux amateurs de bande dessinée traditionnelle, alors que l’histoire…