Une cathédrale de sensations

Le lecteur qui s’engage dans les travées de la Recherche, ou bien qui considère la masse impressionnante de l’œuvre, a effectivement cette impression d’entrer dans une cathédrale. De son côté, l’auteur lui-même se réfère assez souvent à l’art gothique, évoque l’une ou l’autre église au passage, qu’il s’agisse d’ailleurs d’une cathédrale ou d’une modeste église de village. Cependant, il ne semble pas qu’il ait été un esprit particulièrement religieux. Entre un père laïc, médecin très connu spécialisé dans les questions d’hygiène – il prendra part à de nombreux congrès à l’étranger, s’intéressera beaucoup notamment à la prophylaxie – et une mère juive, mais qui n’était pas d’une famille particulièrement pratiquante, Proust n’aura sous les yeux, en tant que personnes religieuses, que le milieu de Combray, avec la tante Léonie. Donc, la relation à la cathédrale n’est pas chez lui, comme chez Huysmans…

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Regarder la société par le prisme de la citoyenneté

Laurence Van Goethem :  Pour toi, Sam, qu’évoque le mot diversité ? Sam Touzani : Je n’ai pas choisi la diversité, c’est la diversité qui m’a choisi. Il faut dépasser le cadre politique pour véritablement parler de la diversité. Au risque de choquer, à la diversité je préfère l’égalité. C’est parce que nous sommes égaux en droits et devoirs, parce que nous sommes citoyens que vous pouvez me parler de votre différence et que moi je peux vous parler de la mienne. S’il n’y a pas ce postulat de base, on ne peut pas fonctionner et on devient toujours l’objet d’études ou l’enjeu d’un tiers. Je constate ça depuis un quart de siècle. Comme je dis, la diversité m’a mal choisi. J’ai été le premier jeune issu de l’immigration marocaine à faire de la télévision, donc à être visible à la fois sur les antennes du service public et sur les scènes de théâtre au nord comme au sud du pays. Il y avait des dizaines de Marocains et de Turcs d’origine, mais après 17h, qui venaient nettoyer les bureaux. Il n’y avait personne devant la caméra. Il y avait des émissions destinées à la communauté maghrébine sur la RTBF au début des années 1970, style Mille et une cultures, Sinbad. Mais elles étaient pensées par le prisme ethnicoreligieux du communautarisme et souvent, et c’est là le gros problème qui est très tabou en Belgique, par le prisme des pays d’origine, soit la Turquie, soit la dictature marocaine. Il est temps de quitter la posture victimaire, soyons clairs. En fait, je suis assez en colère sur ce qu’il se passe depuis 25 ans parce que nous collaborons clairement avec des dictatures que ce soit l’Arabie Saoudite ou le Maroc, les Émirats... et nous laissons délibérément pourrir certains quartiers, mais ce que nous oublions, c’est que la diversité va dans les deux sens. Nous devrions regarder la société par le prisme de la citoyenneté. Si nous sommes citoyens, alors nous sommes à parts égales. À force de revendiquer des particularismes effrénés, il me semble que ça remet en cause le principe même d’égalité. Plus vous dites « je suis différent », plus votre différence devient un handicap et non une richesse. En revanche, elle n’est pas intégrée, il faut le reconnaître, sur les scènes de théâtre ni à la télévision ni au cinéma. C’est très simple, j’ai commencé à tourner des films et téléfilms dés 1992, mes rôles toujours le même, le mec des ghettos qui vole, viole, et violente tout sur son passage. Bref, je jouais à l’Arabe de service avec casquette, baskets et pas grand-chose dans la tête. Après cette expérience, j’ai dit non à ce type de rôle par choix. C’était en 1992, nous sommes en 2017 et bien, je ne tourne presque plus. Malheureusement, encore aujourd’hui et l’actualité n’arrange rien, ce qu’on me propose majoritairement, c’est de jouer le djihadiste ou les petites frappes. Une fois, ça va, deux fois ça va, mais après, je n’en peux plus, car c’est réduire une personne à un cliché et l’on sait que l’essentialisation est dangereuse, car elle catégorise et vous assigne à résidence culturelle ou, pire, « religieuse ». Ce qui est tout de même un peu stupide lorsque l’on sait que le principe même d’un acteur c’est de jouer à être quelqu’un d’autre et non pas le même rôle à chaque fois ! LVG : Et pour en revenir aux origines, à la télévision, pourquoi avais-tu été choisi justement, à ce moment-là ? ST : Alors, c’est ça qui est intéressant. Je n’ai pas été choisi pour mes origines « difficiles » (rire), j’ai été choisi pour mes capacités à présenter une émission destinée à la jeunesse. Donc, ça fait quand même une différence. On ne parlait pas du tout à l’époque de diversité. La production RTBF a fait un casting, j’ai passé toutes les épreuves et j’ai été sélectionné sur 150 candidats. Il faut tout de même reconnaître qu’avec le recul, je pense que j’ai aussi été sélectionné parce que le concepteur de l’émission (Yves Crasson) était à l’écoute de cette diversité, mais c’était intuitif, ça ne portait pas ce nom-là. D’abord parce que lui-même souffrait d’une minorité, provenant de la minorité homosexuelle, donc il comprenait déjà bien les dégâts d’un système basé sur l’exclusion. Il a été sensible également à un jeune Bruxellois d’origine marocaine et qui, pour la première fois, s’adressait à tout le monde sur une chaine publique. Nous sommes en 1992, je vous rappelle, et je venais juste de faire une émission sur Arte qui s’appelait « Étranges étrangers », qui parlait justement de cette thématique-là ; je constate 25 ans après que peu de choses ont changé. Je parlais de cela à l’époque sur Arte, du manque de représentations, du cas des réfugiés, du petit château, du manque de parité homme / femme et de la difficulté que rencontrent les artistes belges à émerger en dehors des grands théâtres subventionnés. Un quart de siècle après, oui il y a certes eu des efforts, j’en veux pour preuve un programme comme Vogelpik que produit Safia Kessas, auquel j’ai participé. Je me suis retrouvé en totale immersion pendant une semaine, avec ma gueule de bronzé, chez un nationaliste Flamand, pêcheur de crevettes de son état. Néanmoins, ce type de projet basé sur la force de l’échange est rare, ou alors, ils sont malencontreusement guidés par des politiques qui caressent dans le sens électoral du poil, en subventionnant des projets communautaristes, parfois en désaccord total avec nos valeurs progressistes et laïques. Je suis issu d’une famille d’opposants politiques marocains, j’observe en tant que citoyen et artiste belge le rapport très délicat et ambigu que nous avons avec les pays du Sud. Et puis, nous sommes dans une culture bourgeoise, alors j’aime bien les bourgeois parce qu’ils ont fait toutes les révolutions quelque part (rire), mais c’était sans compter les islamo-gauchistes, indigénistes, populistes et autres antiracistes racistes, eh oui, ça existe ! Qui n’ont de cesse de polluer le débat, de « racialiser » et de catégoriser la société. Ces nouveaux intellectuels compassionnels et anciens politiques boulimiques de pouvoir nous annoncent haut et fort qu’ils souhaitent lutter contre les préjugés et les discriminations, alors qu’en réalité, ils ne font que les réorganiser avant les prochaines élections. Alors, vous comprenez que dans tout ce tourbillon identitaire, pour ma part il reste difficile de prôner une vision universaliste du monde et sans doute encore plus complexe d’inviter à un métissage des corps et des idées. LVG : Peut-on encourager et améliorer le fameux concept du vivre ensemble à travers la pratique théâtrale ou littéraire ? ST : Pour qu’il y ait un vivre ensemble, il faut qu’il y ait un libre ensemble. Si nous ne sommes pas libres, nous, dans notre manière de fonctionner, dans notre manière de penser, notre manière de faire, dans notre vision du monde... Le théâtre, c’est une vision du monde, la scène, c’est la scène du monde, on est là à passer à la loupe ce qu’il y a de meilleur, ce qu’il y a de pire dans la condition humaine. Si nous ne sommes pas capables, de nommer les choses... Albert Camus, disait « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », ce qui veut peut-être dire par extension que bien nommer les choses peut peut-être ajouter au bonheur du monde. LVG : Tu as fait aussi de la musique. Là, ce n’est pas tout à fait la même chose, les artistes sont plus variés et il y a une diversité plus grande qui ne pose généralement pas de problème. Tu penses que c’est dû à quoi ? ST : En effet, j’ai produit, j’ai monté des studios, des labels, des boites de prod, j’ai travaillé…

Joris Terlinck, bourgmestre de Furnes

Dans la plupart des romans de Simenon, le personnage…

De l’écrit à la scène. La réécriture dans la dramaturgie belge francophone

1 « Que périssent tous ceux qui se permettent de réécrire ce qui était écrit ! Qu’ils soient châtrés et qu’on leur coupe les oreilles ! » XX En mettant ces paroles dans la bouche de Jacques le Fataliste, Diderot nous rappelle combien la réécriture suscite depuis longtemps des débats passionnés, entre apologie de la nouveauté et exploration du texte traversé. La question de la réécriture n’est pas neuve ; elle ne l’était pas plus au XVIIIᵉ siècle. Les tableaux théâtraux médiévaux mettaient en scène des passages de la Bible, tandis que le théâtre classique français – Britannicus de Racine ou Horace de Corneille par exemple – puise son propos dramaturgique dans les faits historiques de l’Antiquité romaine. La réécriture interroge par ailleurs l’autorité auctoriale depuis l’avènement de notre civilisation : Homère pourrait ne pas être un seul individu mais plutôt une identité collective construite ; les questionnements sur la paternité des œuvres de Shakespeare renvoient eux aussi à la valeur symbolique des appropriations, adaptations et autres emprunts. 2 Le xxᵉ siècle, dans son double mouvement rétrospectif et prospectif, appelle particulièrement l’exploration de la réécriture. Porter son regard sur les œuvres du passé constitue une démarche métathéâtrale qui apparaît comme nécessaire pour interroger et renouveler les codes spectaculaires. Benoît Barut souligne que « La forme du mot réécriture (préférée à récriture) fait état de cette espèce de bégaiement à l’œuvre, qui est appel à une pause et mise en évidence du redoublement hypertextuel : la réécriture déploie une poétique de l’hiatus. » XX 3 Depuis la fin du XXᵉ siècle, on a pu observer une mise en crise plus systématique du texte théâtral, voire de l’idée de répertoire tout court. Le texte a non seulement perdu sa position centrale en tant que yin et yang de la pratique culturelle qu’on appelle en Occident le « théâtre », mais, de plus en plus, les metteurs en scène et les auteurs semblent également ressentir la nécessité de (faire) réécrire les textes, qu’il s’agisse de romans, d’autres textes de théâtre ou, plus rarement, de poésie. Le théâtre postmoderne a introduit la mise en crise de l’idée même du récit tout en continuant à insister sur sa propre spécificité médiale. La pratique de la « réécriture » s’inscrit dans ce développement où l’adaptation ne se limite plus à la simple transposition de la structure narrative d’un médium (le texte) à un autre (la scène), mais où elle se veut un véritable travail de « re-création ». 4 Le présent volume de la revue Textyles entend explorer les pratiques de réécriture et stimuler la réflexion autour du statut du « répertoire » théâtral, en Belgique francophone en particulier. Ce dossier thématique combine une double approche : la réécriture y est abordée à la fois dans une acception étroite, comme un processus au cours duquel le texte source est véritablement réécrit, et dans une acception plus large, renvoyant aux procédés d’adaptation et d’appropriation scéniques de textes théâtraux, d’œuvres littéraires ou de productions cinématographiques. Par l’étude de techniques dramaturgiques variées, les 6 textes qui composent ce volume cristallisent l’enjeu qui semble réunir tous ces spectacles ; ils soulignent en effet particulièrement combien ces gestes de réécriture, totale ou partielle, fidèle ou en filigrane, interrogent l’acte d’écrire pour le théâtre aujourd’hui. La réécriture se pare donc d’une fonction métathéâtrale indéniable que ce numéro tente de mettre au jour. 5 Le premier article qui compose le volume est consacré à la réécriture de King Lear par Jean-Marie Piemme dans King Lear 2.0 Karel Vanhaesebrouck se fixe comme objectif d’explorer les stratégies dramaturgiques mise en place dans ce texte intermédiaire, au statut étrange et fondamentalement provisoire, sans finalité ou déterminisme établis. Pour l’auteur, la réécriture effectuée par Jean-Marie Piemme relève de la novellisation, à la fois en tant que genre littéraire particulier et que pratique culturelle de masse. Dans un deuxième temps, Karel Vanhaesebrouck analyse quelle vision du théâtre shakespearien se dégage de cette réécriture et comment le spectacle se situe par rapport à l’universalité souvent affirmée de Shakespeare. 6 Cette relation du présent avec les œuvres du passé est également centrale dans l’article rédigé par Pierre Piret et consacré à la pièce de Paul Pourveur, Des mondes meilleurs, alors en cours d’écriture. Cette pièce est basée sur Le Bréviaire des politiciens écrit par Mazarin. Si l’on peut s’étonner de ce recours au passé par un dramaturge qui s’oppose fréquemment à la notion de répertoire, l’auteur de l’article nous montre combien son rapport à cette notion n’est pas contradictoire ; Paul Pourveur vise plutôt à déconstruire un certain modèle du théâtre, dans lequel la relation au répertoire est empreinte de fascination pour des œuvres passées qui seraient toujours parlantes ou actualisables pour le public contemporain. La seconde partie de l’article pose la question de la capacité du théâtre, une fois délié du récit, à interroger la structuration politique du temps. 7 Le spectacle L’Amour, la guerre de Selma Alaoui est quant à lui un « spectacle-patchwork », qui puise ses matériaux textuels dans de nombreuses œuvres du répertoire. Dans le troisième article, Karolina Svobodova examine dans quelle mesure ce spectacle peut être qualifié de palimpseste et souligne l’usage utilitariste des emprunts, principalement exploités pour témoigner du rapport que Selma Alaoui entretient avec les œuvres shakespeariennes. Proposant un texte composé d’extraits shakespeariens et de commentaires sur ceux-ci, la réécriture explore particulièrement ses propres fonctions dialectique et métathéâtrale. 8 Claude Schmitz interroge lui aussi ces fonctions dramaturgiques, en recourant notamment à un procédé peu fréquent, à savoir le transfert de l’univers cinématographique – Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock – vers la scène. Catherine Bouko met en évidence comment, loin d’une quelconque fidélité à l’œuvre, le dramaturge bruxellois place l’exploration des codes théâtraux au cœur de son propos, dans un spectacle en forme de mise en abyme faisant la part belle aux rapports entre réalité et fiction. Loin d’être des extractions ponctuelles provenant du film hitchcockien devenu mythique, la réécriture prend ici la forme d’une ouverture sémantique des ready-mades et des mystères narratifs empruntés à l’œuvre phare. 9 Le rapport entre réel et fiction active des enjeux politiques dans les spectacles Africare de Lorent Wanson et Mission de David Van Reybrouck. Ces deux spectacles portant sur le Congo sont en effet constitués de témoignages de victimes dans le premier cas et de missionnaires dans le second. Dans le cinquième article, Maëline Le Lay analyse comment le recours à des témoins doit mener à une rupture énonciative qui saisit les spectateurs et dont la force d’impact dépend notamment des modalités de montage des différentes composantes dramaturgiques. La bonne distance d’écriture face à ce matériau authentique sensible devient un enjeu central de la réécriture. 10 Enfin, le volume se clôture par une proposition de Jean-Marie Piemme. Pour le dramaturge, la réécriture résulte de l’action de deux forces contraires, à savoir l’existence inévitable de textes préalables d’une part et notre approche systématiquement actualisée des pièces du passé, d’autre part. L’attribution de sens aux textes constitue un processus, toujours en mouvement, qui se refuse à toute fixité et auquel le spectateur participe activement. Si la réécriture cristallise ainsi le rejet de l’apologie de la nouveauté, Jean-Marie Piemme la conçoit…