Dans un lieu-dit anonyme, quelque part entre champs de monoculture et zones commerciales bétonnées : un cerf a été aperçu en forêt ; on a mis la misère au maire, au café du coin ; quelques échecs amoureux ; de la vodka et du jus d’orange ; des ados préparent une virée en discothèque ; des insultes écrites sur des fourgons de police… Parmi ces souvenirs et visions du futur, quelques éclaircies soudaines…
Que s’est-il passé pour que le narrateur ne réalise pas son souhait de jeunesse, «devenir le premier plombier à entrer dans l’histoire» ? La vie.
Tour à tour journal intime, parcours fictif et peinture sur le motif, Un et demi passe d’un sujet à l’autre sans prévenir. Les premières expériences de la vie peuvent être douloureuses, magnifiques, les deux à la fois, ou tout à fait insignifiantes, avec le recul des années. L’histoire monte en intensité, la confusion devient froide lucidité.
Dans Un et demi, les aquarelles de Valfret tendent franchement vers l’abstraction. Leur défilement figure les diapositives familiales devant lesquelles le narrateur parle librement. Souvenirs nets, avenir trouble… Questions existentielles, rage et désillusions, bastons et célébrations se bousculent et se répondent.
Qui parle ? Quel lien y a-t-il entre ces phrases ? Entre ces mots et ce paysage ? Que sont ces formes : arbres, collines, animaux, fesses ?
Le lecteur ne distingue plus s’il arpente le tumulte du monde, le sien ou celui de l’orateur. Êtres et paysages se substituent les uns aux autres. Les plages contemplatives, avec leurs opacités et leurs dilutions, offrent un espace intimiste unique, la traversée sensationnelle d’un désert de verdure, souvent orageux.
À y regarder de plus près, des milliers de liens existent. Nous voici ramenés au plus simple de l’existence : naviguer dans une jungle de sensations, avoir peu de mots pour les dire. Quelques espoirs prennent corps, beaucoup de craintes aussi. Le futur est arrivé bien vite. La vie.
Auteur de Un et demi
« Chaque couche d’impression reflète une variation dans la texture, la couleur ou la profondeur, évoquant les modulations d’un son à travers le temps et l’espace. Cette approche crée une analogie visuelle et sensible entre l’invisible du son et sa transcription graphique tangible. Ainsi, je transforme les sons, habituellement perçus comme immatériels et fugaces, en éléments concrets et perceptibles, traduisant l’évolution et les nuances d’un paysage sonore par un travail d’impression et de gravure. » Telle est la démarche adoptée par Éléonore Scardoni pour ses Fragments d’écoute offerts aux regards . Réalisées entre 2022 et 2024, les œuvres transcodent des perceptions auditives recueillies dans des jardins (celui d’Etterbeek, des éditions CotCotCot, de Camille Lemonnier), des parcs (de Forest, Léopold, Duden), du vallon du Meylemeersch, du marais Wiels, de l’avenue Wielemans Ceuppens et de la fenêtre de sa chambre. Ces lieux bruxellois en légère périphérie (Forest, Anderlecht, Uccle, Saint-Gilles, Etterbeek, Ixelles) recèlent une précieuse biodiversité, inspirante. Pluie qui tambourine, perruches veuves qui s’agitent, tourterelles turques et pigeons bisets qui dialoguent, mésange charbonnière qui salue le matin, grimpereaux des jardins qui cherchent leur nourriture, chardonnerets élégants qui s’enorgueillissent de leur beauté, ouettes d’Égypte qui se prélassent sur l’eau, corneilles qui battent le rythme des travaux du voisin, multitude d’oiseaux qui tiennent conférence, train qui passe. Autant d’atmosphères acoustiques d’écosystèmes urbains que Scardoni a sensiblement, consciencieusement, recensées dans des linogravures ondulantes et colorées, et deux dessins à la mine.Verlaine, dans son Art poétique , annonçait en incipit : « De la musique avant toute chose. » Carl Norac , incorporant cette affirmation, a pénétré les sonogrammes de Scardoni pour les accompagner de ses explorations poétiques. Sa composition suit une partition en moments : un début, sept entrées en musique, un milieu, sept entrées en paysage, une fin. Le mouvement s’esquisse linéairement dans sa progression (croissante puis décroissante), mais se dissout dans sa concrétisation : les temps marqués se distendent dans un non-espace-temps et apparaissent comme des touches couleur textuelle parfaisant les illustrations à l’honneur. Dans les notes de Norac, il est question, entre autres, de cellules, de vagues, de chemins, de nuages, d’élytres, de coton, de fleurs, de voiles, d’instruments, de danse, de cailloux, de lunes, de nénuphars, de flaques. De silence. D’horizons. Ce qui unit les deux artistes ici, c’est une manière d’être au monde. « Entrer dans », en conscience et humilité, en sensitivité et réceptivité ; s’affranchir des cadres attendus ; (s’) interroger, (se) rencontrer, (s’)absorber, (se) proposer. Avant toute chose . Samia Hammami Plus d’information a poésie, la gravure, deux pratiques artistiques se retrouvent dans ce carnet et creusent un sillon ensemble pour rejoindre la musique. Celle de L'Art poétique de Verlaine, celle des marais et des parcs, celle des oiseaux qui les habitent. Une exploration fascinante qui propose d’aborder l’existence par les sons et par les paysages qu’ils évoquent, en…