Un Art en expansion propose un retour sur un demi-siècle de création en bandes dessinées, une période qui a vu le « neuvième art » se diversifier considérablement, aborder de nouveaux domaines, inventer de nouvelles formes, se métisser avec d’autres arts et s’émanciper du format de l’album traditionnel.
Dix œuvres-phares de la modernité sont passées au crible d’une relecture attentive qui en détaille les enjeux et en fait ressortir le caractère novateur. Dix jalons essentiels dans l’expansion d’un art qui a progressivement pris conscience de lui-même et de ses potentialités.
Dans l’ordre chronologique de parution, ce sont La Ballade de la mer salée de Hugo Pratt, Le Garage hermétique de Jerry Cornelius de Moebius, Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, L’Ascension du Haut Mal de David B., Fun Home d’Alison Bechdel, Faire semblant c’est mentir de Dominique Goblet, Là où vont nos pères de Shaun Tan, Habibi de Craig Thompson, Building Stories de Chris Ware, Alpha… directions et Beta… civilisations de Jens Harder.
S’appuyant sur sa connaissance intime de la bande dessinée, Thierry Groensteen les décortique avec gourmandise, cueillant les détails significatifs et les mettant en réseau pour déployer tout l’éventail des significations et des résonances culturelles.
Le 9e art explore sans cesse de nouveaux territoires. Il apparaît en constante évolution, ou plutôt en expansion, selon le terme choisi par Thierry Groensteen, l’un des spécialistes les plus renommés de la bande dessinée. Ses potentialités graphiques et narratives semblent s’étendre à l’infini et il génère des ouvrages de plus en plus amples. Si l’album standard de 44 pages cartonné reste dominant sur le marché, on trouve en effet aujourd’hui des nombreuses œuvres qui tant au niveau de la forme que du sujet se démarquent des conventions. Publié aux Impressions Nouvelles, de même que quelques-uns des nombreux ouvrages de Groensteen, comme La Bande dessinée mode d’emploi (2008), Un art en expansion analyse dix albums…
Dictionnaire des écrivains gastronomes : De Apollinaire à Zola
Jean-Baptiste Baronian est un écrivain prolixe. Et, dans sa bibliographie, on compte plusieurs dictionnaires, dont le Dictionnaire Rimbaud (Bouquins, Laffont, 2014) et le formidable Dictionnaire amoureux de la Belgique (Plon, 2015). À travers ses essais, biographies et anthologies, il a côtoyé bien des écrivains et partagé son admiration pour leur travail. Il a développé une connaissance bien souvent intime de ces auteurs, offrant des perspectives inédites sur leurs œuvres. C’est encore le cas avec ce beau volume, joliment pensé par l’éditeur en lui prêtant une facture bibliophilique à la jolie tranche orangée. À sa lecture, on imagine également que la gastronomie figure parmi les plaisirs incontournables de Baronian. Bonne chère et bons vins riment ici avec culture et érudition. Jean-Baptiste Baronian s’est déjà invité à la table des écrivains en détaillant les découvertes culinaires, notamment belges, de Baudelaire dans un ouvrage collectif, La cuisine de nos écrivains , publié cette année par l’Académie royale de langue et littérature françaises de Belgique (ARLLFB) dont Baronian est sociétaire. Cet ouvrage reprend les actes du colloque organisé en octobre 2021 par la vénérable institution à l’occasion de son centenaire. En 2019, c’est un Dictionnaire de la gastronomie et de la cuisine belges que Baronian proposait aux éditions du Rouergue.Dans son introduction au Dictionnaire des écrivains gastronomes , Baronian précise y avoir réuni « à un degré ou à un autre, des culinographes ou des gastrologues (…) qui se sont intéressés de près à la bonne chère ou à la dive bouteille, ou qui ont publié des œuvres possédant de profondes affinités avec la gastronomie et l’œnophilie. » On y ajoutera la zythologie, puisque nous sommes en Belgique. De quoi nous mettre l’eau à la bouche. On pourra d’ailleurs déguster l’ensemble en suivant le menu concocté par l’auteur ou picorer comme bon nous semble au buffet dressé par lui.Parmi les auteurs et autrices (plus rares) d’expression française ou traduits en français conviés à ce banquet aussi baronianesque que gargantuesque figurent des grands noms comme Apollinaire, Baudelaire, Balzac, Colette, Dumas, Érasme, Flaubert, Giono, Michel Thomas alias Houellebecq, Huysmans, Proust, Rabelais, George Sand, Stendhal ou Zola mais aussi, comme Baronian les qualifie lui-même, « des seconds couteaux » ou « des inconnus, des oubliés, des dédaignés, des abandonnés sur le bord des chemins si empruntés et si encombrés de l’histoire littéraire ». De Marc-Antoine Désaugiers le goguettier, Jean Grand, Charles Moncet, Joseph de Pesquidoux, Horace-Napoléon Raisson, Jean Richepin, Marcel Rouff, auteur du plus grand roman gastronomique, Maurice Rollinat, Laurent Tailhade, Baronian suit ici ses affinités littéraires, manifestant un goût prononcé pour les marges et les petits maîtres du 19e siècle. Et parmi les écrivains célèbres, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir un auteur comme Murakami. Baronian s’appuie aussi sur ses connaissances de la littérature policière et épingle les goûts culinaires ou pour la dive bouteille de quelques Américains. On s’en voudrait de ne pas mentionner, en se limitant à leur nom qui est déjà tout un programme, les deux premiers culinographes français, Joseph de Berchoux et Charles Louis Cadet de Gassicourt ! Plus proche de nous, on croisera le médiatique Jean-Pierre Coffe. Carnet et les Instants oblige, nous mentionnerons nos compatriotes. Baronian évoque ainsi Jean Claude Bologne, romancier et auteur de multiples essais, dont une Histoire des cafés et des cafetiers , Louis Delattre, qui fut membre de notre Académie et signa des livres comme L’art de manger , Marie Delcourt, à qui l’on doit une Méthode de cuisine à l’usage des personnes intelligentes , Christopher Gérard, gourmet piéton dans Aux Armes de Bruxelles , Robert Goffin et ses Routes de la gourmandise , le secrétaire perpétuel de l’ARLLFB et poète Yves Namur et ses expériences gustatives réelles poétisées dans La petite cuisine bleue agrémentée de tout un jeu de métaphores autour de plats divers, Maurice des Ombiaux, le plus sensuel de tous les chantres du vin et des arts de la table selon notre chroniqueur, qu’il considère comme un des maîtres de l’histoire moderne de la gastronomie et qui failli être prince des gastronomes en France, la plume regrettée de Jean-Claude Pirotte, dont Les contes bleus du vin restent « des bijoux d’œnophilie sentimentale », sans oublier son Expédition nocturne autour de ma cave , et enfin Simenon (incontournable sous la plume de Baronian) où l’on découvre un commissaire Maigret absorbant moult quantité d’alcools dont un étonnant mandarin-curaçao ou d’aussi étonnantes « imitations d’absinthe », en apéritif à des plats traditionnels.Jean-Baptiste Baronian s’est fixé pour objectif de nous montrer que « Le plaisir de manger et de boire passe par l’esprit et par l’imaginaire. Et aussi par les mots. La magie des mots. » Son pari est amplement réussi. On s’en voudrait de conclure sans mentionner l’illustratrice, Gabrielle Lavoir , aka Lulu d’Ardis, autrice du blog Mondanités et fumisteries publié par LeMonde.fr, qui apporte une touche très 19e à l’ouvrage à travers ses caricatures d’écrivains qui ne manquent pas de sel comme le montre déjà la couverture. Michel Torrekens Plus d’information On mange et on boit, parfois beaucoup, dans les romans, mais surtout, la façon dont les personnages s’y restaurent n’est en rien le fruit du hasard. Dans un livre à l’érudition réjouissante, Jean-Baptiste Baronian nous invite à nous mettre à table avec les héros de nos auteurs préférés et à en découvrir bien d’autres. L’occasion d’apprécier différemment les classiques des géants des lettres comme les œuvres savoureuses d’écrivains parfois oubliés, le tout sous la forme commode d’un dictionnaire qui fait résonner l’histoire de la littérature avec celle de la gastronomie. 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Les influences anglo-saxonnes sur les lettres françaises de 1850 à 1880
À propos du livre Cette étude voudrait retracer l'action générale des influences anglo-saxonnes sur nos Lettres françaises de Belgique, de 1850 à 1880. L'Angleterre victorienne resplendit alors; les États-Unis conquièrent leur rang, imposent leur génie ; notre littérature, elle, malgré Van Hasselt, de Coster, Pirmez, semble marquer à peine sur la carte du Réalisme international. Il semble même que des temps ingrats soient revenus pour l'art, après ces années de 1815 à 1850, dont M. Gustave Chartier, dans Le Mouvement romantique en Belgique, a entrepris de révéler tout l'intérêt, montrant le dynamisme des influences étrangères et, parmi elles, des anglo-saxonnes. C'est le destin de ces dernières que nous suivons au cours des trois décades qui nous séparent encore de la Jeune-Belgique. Nous tenterons de dire leur sens dans sa plénitude, tel que nous le démêlons de l'écheveau cosmopolite et comme nous l'a livré l'analyse d'une vie intellectuelle, où littérature, philosophie et politique…