« Ce livre est né d’une complicité, de l’amour commun des tableaux, de quelques contraintes amicalement choisies et de l’irrésistible envie de rendre le sérieux ludique. Jacques écrirait une fiction sur la peinture au début du XXIe siècle.
Quel autre écrivain aurait pu se mouvoir avec tant de facilité et de souplesse dans l’univers quasi secret des galeries et des ateliers d’artiste ? Sous son regard assuré d’observateur, ce fils de peintre a inclus dans un récit aussi précis que passionnant une tranche de vie complète de l’époque : les personnes qui travaillent pour qu’une galerie « tourne », les comportements parfois étranges des collectionneurs, les commerces avoisinants avec leurs vitrines et leurs secrets avouables et inavouables. Au cinéma, nous imaginerions l’auteur en photographe joué par James Stewart dans Fenêtres sur cour. Mais il ne s’est pas arrêté là.
Par une provocation habile, il m’a amenée, quelques années plus tard, à mettre son récit en images. En fin connaisseur, il savait parfaitement comment parler à l’illustratrice que je suis. Nous avons ainsi joué à un jeu vertigineux : prendre la peinture, la transformer en verbe pour retransformer celui-ci en images…
Hélas, le décès inopiné de Jacques est survenu avant la parution de ce livre.
Puisse Suzanne à la pomme offrir au lecteur le même plaisir que celui que nous avions à évoquer si souvent ce petit monde insolite et tellement humain. »
Maja Polackova
Le plus chouette dans ce travail, c’est l’horaire. (…) c’est cool (…) Le quartier du Sablon est sympa aussi, il y a plein de boutiques dans les environs (…).
Dès la première page, Jacques De Decker adopte un langage simple, familier, et nous projette dans un monologue intérieur, qui s’étendra jusqu’au terme du micro-roman : une jeune femme nous raconte une tranche de vie, elle semble se construire, se reconstruire, autour de son nouveau travail, la surveillance d’une galerie d’art.
Surgissent d’emblée une série d’invariants dedeckeriens. La capacité à faire vivre des femmes (évidente dans ses six pièces de théâtre). Le désir de fuir l’intellectualisme (lui qui fut un grand intellectuel) ou l’académisme…
L’art contemporain et les questions qu’il suscite se confondent dans le micro-roman de Jacques De Decker, Suzanne à la pomme, qui nous parle de la vie, du quotidien et du petit monde du quartier des Sablons.
Décédé peu avant la parution de son ouvrage aux éditions Maelström ReEvolution, Jacques de Decker choisit une plume d’une simplicité surprenante dans Suzanne à la pomme. On tente d’y mettre en exergue les aspects essentiels à la survie de l’homme : la culture, le partage et les relations. Suzanne, personnage principale de ce récit, y est décrite comme une femme belle et intelligente avec un soupçon de naïveté accompagné d’un bon manque d’expérience en matière d’art.
« J’étais une gamine, et je savais ce que je voulais…
Evelyne se perd dans le dédale des archives du palais de justice. Charmés par leurs échanges virtuels,…
Stagiaire au spatioport Omega 3000 : et autres joyeusetés que nous réserve le futur
Avant d’être nouvelliste, Ploum , alias Lionel Dricot, est blogueur. Celles et ceux qui le suivent sur ploum.net y découvrent régulièrement, en français et en anglais, des réflexions sur les logiciels libres, sur les monopoles des GAFAM ou sur notre dépendance aux médias sociaux. C’est que l’impact des technologies sur l’humain préoccupe Lionel Dricot, qui est ingénieur de profession. Sur son blog, il raconte son départ des réseaux, puis, à partir de janvier 2022, son expérience de déconnexion totale, lors de laquelle il ne s’est plus autorisé que quelques minutes quotidiennes d’accès au web. Ses billets, volontiers didactiques, nourris d’expériences personnelles ou professionnelles, sont ponctuellement prolongés par des textes de fiction, récits d’anticipation ou uchronies. On ne s’étonnera donc pas que Ploum signe cet ouvrage de science-fiction, paru dans la collection sous licence libre de l’éditeur suisse PVH.Comme tous les premiers recueils d’écrivains travaillés par la fiction depuis l’adolescence, Stagiaire au spatioport Omega 3000 … présente une certaine hétérogénéité, heureusement amoindrie par l’omniprésence d’un humour tantôt absurde, tantôt sardonique. On y trouve des nouvelles de dimensions diverses, écrites de 1999 à 2022. La huitième, « Le mur du cimetière », est une microfiction de cinq lignes ! La majorité des autres se séparent en deux catégories : des écrits plus anciens, souvent inspirés de rêves et qui regardent vers l’âge d’or de la science-fiction, et des écrits récents qui s’inscrivent dans le champ de l’anticipation et empruntent certains codes du cyberpunk. Au fil de notre lecture, nous passons dès lors d’Isaac Asimov à David Graeber.Le livre lui-même semble vouloir s’inscrire dans une tradition : sa couverture monochrome, qui mélange aplats et points de trame, rappelle l’époque de la sérigraphie. Quant au choix du papier, il évoque nécessairement les pulp magazines . La posture de blogueur ressurgit aussi à chaque détour, car Ploum fait suivre ses nouvelles d’un encart explicatif, où il décrit son objectif ou ses inspirations. Notons en outre le procédé original du « titre caché » : une nouvelle non renseignée au sommaire est insérée tête-bêche à la fin du recueil, à la manière des chansons bonus rencontrées dans certains albums de musique.En deux-cents pages à peine, Ploum couvre un large panel de thèmes : l’aliénation par le travail vide de sens, l’absurdité administrative, l’escalade sécuritaire, les arnaques marketing, le danger du tabagisme… Je ne sais si je redoutais le plus de prendre la parole ou de devoir écouter les longues jérémiades de ces inconnus persuadés de pouvoir apprendre quelque chose en racontant leur vie et dormant quelques heures sur une chaise. J’avais assez d’expérience professionnelle pour savoir que toute compétence durable ne s’apprenait qu’à travers un processus long et laborieux, que le terme « formateur » n’était qu’un pudique néologisme pour « assistant social en charge des employés qui gagnent leur vie, mais qui s’emmerdent ». Il existe, le long de tels fils rouge, quelques méchantes ornières : en premier lieu, le cynisme et la démagogie. Ploum s’en garde généralement, mais glisse parfois dans certaines facilités, telles les poncifs des « irresponsables politiques » ou des « cancers causés par les fumées de cannabis ». C’est surtout dans quelques nouvelles de la veine anticipative que tout son talent se révèle. Deux d’entre elles, en particulier, sont issues des « lettres du futur » qu’il publiait sur son blog. Dans « La nuit où la transparence se fit » (encore un clin d’œil à Asimov), il évoque les transports du futur, la recherche d’emploi via algorithme, la finance décentralisée et la fuite générale de données personnelles. Ce récit, d’une actualité brulante, vise juste et rappelle que la science-fiction touche au politique. Le technocapitalisme est magique : les pauvres ne peuvent pas le remettre en question. Les riches ne veulent pas le remettre en question. L’ultime nouvelle, rédigée lors du festival des Imaginales 2022, évoque les univers de William Gibson. On achève donc sa lecture avec de l’appétit pour un second recueil, qui serait entièrement consacré à la « nouvelle matière » de l’auteur, centrée sur notre rapport aux technologies du quotidien et aux multinationales qui nous les imposent.Un bémol quand même : tout est contemporain ou innovant sous la plume de Ploum — jusqu’à la publication sous licence libre —, mais il y a une exception : l’orthographe, qui est restée bloquée avant 1990. Pour un prochain recueil, il ne serait pas insensé d’appliquer la réforme. Julien Noël Plus d’information Pourriez-vous devenir le premier Madame pipi mâle de la station spatiale Omega 3000? Ou optimiser le rendement des mines de chocolat de la Lune? La vie privée étant abolie, percerez-vous l'identité secrète de l'homme le plus riche du monde? Comment lutter contre les monopoles informatiques si, lassée de vous voir taper à la machine, votre famille vous inscrit à une initiation aux ordinateurs? Jouerez-vous un rôle majeur dans le destin de la galaxie ou resterez-vous…