Sphère

À PROPOS DE L'AUTEUR
Jacques Crickillon

Auteur de Sphère

Jacques Crickillon naît à Bruxelles, le 13 septembre 1940. La date a, déjà, quelque chose de fatidique : né en pleine tourmente, le poète sera marqué à jamais par le sentiment tragique de l'existence. Il puisera dans cette expérience une révolte inextinguible, doublée d'une inlassable soif d'harmonie dont il comprendra qu'elle n'est accessible qu'au prix du courage intellectuel et de la volonté visionnaire. Il est, dès l'enfance, fasciné par l'aventure et par le voyage, et ce qu'il ne pourra longtemps assouvir que dans les livres, il le concrétisera à l'âge adulte. L'apprentissage de Crickillon est double, en effet. Il poursuit de longues études, se prépare d'abord au métier d'instituteur, puis accomplit le cycle de philologie romane à l'Université libre de Bruxelles. Très tôt, les lointains l'attirent, et différentes missions lui permettent de parcourir, parfois au cours de séjours prolongés, la planète. Peu d'écrivains ont pu accumuler aussi vite les expériences les plus diverses, qui l'auront mené en Afrique, d'Égypte au Zaïre, de l'Ouganda au Rwanda et au Burundi, et en Asie, notamment au Cambodge et au Népal. Un réservoir de choses vues va se constituer ainsi, à son insu peut-être, mais qui alimentera durablement son écriture. D'un côté, l'examen des textes, une étude approfondie de l'œuvre de Michaux notamment, tout ce que son bagage universitaire lui aura apporté (et qui lui permettra d'enseigner à l'Athénée de Schaerbeek, ainsi qu'au Conservatoire de Bruxelles); de l'autre des périples fondateurs : tout est en place pour qu'un écrivain prenne figure. Il y a aussi une rencontre décisive : celle de Ferry, sa femme, qui aura elle aussi mesuré les longues distances, puisque entre le moment où il la rencontre dans les auditoires de Faculté et celui où il l'épousera, en 1965, elle aura séjourné en Australie. L'éloignement forcé que cette séparation impose a plus que probablement été le déclencheur du processus d'écriture : le thème de la femme éloignée, interdite, de La Défendue comme l'indique le titre du premier recueil paru en 1968, fournit aux premiers textes du poète leur motif principal. Albert Ayguesparse avait accueilli ces poèmes initiaux dans la revue Marginales : ils s'imposèrent d'emblée par leur puissance d'inspiration, leur originalité de forme et leur intensité à l'attention des observateurs de la vie littéraire. Et la parution de La Défendue fut perçue comme la révélation éclatante d'un écrivain, surgi tout armé du silence, fort d'une thématique éminemment personnelle, d'une science de l'écriture forgée au voisinage des plus grands, et d'une perception du monde et de l'inscription de l'humain dans ce monde, d'entrée de jeu cosmique. Les lecteurs de ces pages, pour peu qu'il fussent attentifs, ont pu y percevoir, en filigrane parfois, ce que la vaste œuvre de Crickillon leur Trois recueils suivraient, à un rythme soutenu, portés par une même fièvre lyrique, mais aussi contrôlés par une égale maîtrise : L'Ombre du prince (1971), La Barrière blanche (1974) et La Guerre sainte (1975). Une tétralogie impressionnante, où l'imagerie luxuriante se déploie selon une prosodie ample et symphonique, aux rebours de l'écriture de plus en plus aphasique qui sévit dans ces années-là, impose Crickillon comme un auteur majeur, que couronne d'ailleurs en 1977 le Prix triennal de littérature réservé à la poésie. On assiste alors à une nouvelle orientation de l'imaginaire du poète (dans la mesure où il est permis de déterminer des époques dans un flux poétique qui se marque par sa continuité et sa constante pulsion). Une colère monte en lui, qui dépasse les questions individuelles de la solitude et de la fusion désirée pour englober une étrange prescience des menaces qui pèsent sur l'espace vital et sur le corps social. Ces inquiétudes sont perceptibles dans les textes de Région interdite et de Régions insoumises, tous deux de 1978, et culmineront dans Colonie de la mémoire (1979), dont on a pu dire à juste titre qu'il s'agissait d'un recueil-pivot, parce que l'arsenal du poète s'y enrichit d'une réflexion élargie sur l'entropie qui emporte le monde et l'humanité, et d'un regard critique sur les pouvoirs et les possibles de l'écriture. C'est le moment où Crickillon aborde aux rivages de la prose : cette incursion nouvelle, dont le premier exemple est constitué par les nouvelles de Supra-Coronada, lui vaut d'emblée le prix Rossel, qui lui est décerné en 1980. D'autres ensembles de récits virulents suivront, où l'auteur exalte, en l'élevant au niveau du lyrisme, un univers dont il a puisé les sources dans le roman noir et la littérature d'anticipation, deux domaines qu'il n'a jamais méprisés, et dont il mesure les pouvoirs d'élucidation du présent et de l'avenir. Cette pratique de la narration, qui ne trahit jamais les pouvoirs de la poésie, développe chez Crickillon une forme d'écriture duelle, dont témoignent aussi bien L'Indien de la gare du Nord (1985), imprécation dans les murs de la ville, que son roman Le Tueur birman (1987), où l'argument fictionnel est renforcé par la dynamique d'une langue sans cesse rechargée d'énergie. Depuis Grand Paradis et Sphère (1993), suivis de Neuf royaumes, Vide et voyageur, Ténébrées, Talisman, et jusqu'à ses superbes Élégies d'Évolène, l'ensemble constituant le cycle du Cercle que rien n'encercle, la poésie de Crickillon a pris une tournure plus radicalement philosophique. La fréquentation des penseurs orientaux, la recherche constante de l'élévation (qui se marque aussi par la passion qu'éprouve le poète pour la montagne et son inlassable exploration) confèrent à ses livres les plus récents une hauteur de vue, une pénétration lucide des mystères, un sens du sacré qui les dotent d'une réelle dimension initiatique. Ils marquent le provisoire aboutissement d'un itinéraire qui n'a jamais douté des moyens infinis de l'écriture inspirée. Jacques Crickillon a été élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 17 avril 1993. Jacques Crickillon est décédé en 2021.

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Le livre des possibles

En janvier 1943, Justine, étudiante en physique à Grenoble, rentre pour le weekend chez ses parents. Dans le train qui l’y emmène, les claquements de la porte du cabinet de toilette la poussent à quitter son compartiment et à s’enhardir vers le lieu ; elle y découvre un bébé. Elle cherche une explication dans la cabine, puis à l’intérieur du couffin, soulève prudemment la couverture et trouve une paire de chaussons d’un blanc immaculé, un biberon en verre surmonté d’une tête en caoutchouc de bonne qualité et, dépassant légèrement de sous l’oreiller sur lequel repose la tête de l’enfant, un livre à la couverture en cuir marron clair. Elle écourtera son voyage, débarquant en urgence pour les soins du bambin dans un bar d’Aix-les-Bains et, tout en même temps, dans la vie de Leonardo Minelli. Lui, elle et la petite Blanche, le trio qui permettra le couple quelques années durant et qui volera ensuite avec fracas tant le rôle de figurant paternel ne correspond pas au roman familial idéal du père adoptif. Les lectures se multiplient, le romanesque des vies se saisit, Blanche rencontre Émile, son Gatsby le magnifique mais lui, «  il ne lit pas, est-ce clair ?  ». Les évènements se cumulent, Cécile voit le jour, ensuite Jean. Le livre se transmet, se classe parmi les contes. Jean, le désormais Savoyard à Paris, devient «  la bonne raison  » d’Alice. Les possibles du livre familial se restaurent, prennent des allures nouvelles, une valeur inestimable. Léa et Sasha s’ajoutent à cette fable. Les pages de Blanche d’alors révèleront des possibles romanesques dont chaque lecteur est le détenteur des secrets.Une fresque sur quatre générations, une histoire de transmission, d’horizons, de rôle actif du lecteur, ce « créateur » du texte par son interprétation, ses connaissances propres et la conscience de lui-même. Des histoires évènementielles narrées où le «  livre des possibles  » se fait objet itératif, lui qui n’aura de cesse de s’écrire à mesure que la lecture se poursuit. Ce livre se réserve le droit de changer de contenu, de se contredire, d’être incomplet, de ne pas terminer ses phrases, de se moquer de tout, de changer de titre, d’auteur, de maison d’édition, de nombre de pages, de format, de couverture, d’illustrations et de tout ce qu’il jugera bon de modifier. Il décline toute responsabilité en cas d’inconfort du lecteur, d’inadéquation à ses attentes, de préjudice fait à sa sensibilité ou de malaise cardiaque. Dans ce Livre des possibles , l’autrice use de la personnification, dans le style et le contenu, ses procédés stylistiques donnent vie aux motifs de la famille, des liens, des attendus et des rôles assumés ou non. Avec une plume réaliste teintée d’un fantastique insolite, la romancière Véronique Sels offre, avec sensibilité et pointe d’humour, un récit qui célèbre l’acte créatif qu’est la lecture.…

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