Auteur de Sapiens (tome 3) : Les maîtres de l’Histoire
David Vandermeulen a la particularité d’être à la fois un auteur complet et un scénariste pour d’autres dessinateurs. Issu du fanzinat où il fut particulièrement actif, il a émergé au début des années deux mille en publiant Littérature pour tous (Six Pieds Sous Terre) puis, une œuvre forte, engagée, érudite et monumentale : Fritz Haber (Delcourt). Cette biographie du chimiste juif allemand qui reçut le prix Nobel en 1918 fera mille pages. Elle en est à son troisième volume. Mi-historien mi-biographe, Vandermeulen apparaît avant tout comme un brillant passeur de mémoire. (T.B.)
Autodidacte (plus haut diplôme décroché à l’âge de 11 ans), David Vandermeulen poursuit ses études jusqu’à l’âge de 21 ans en tant qu’élève libre à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles puis à l’École du Louvre. Fondateur en 1997 du café-concert bruxellois Le Galactica, il organise de nombreuses manifestations évoluant autour de la scène underground belge (fanzinat BD, théâtre, cinéma, rock). Il se fait avant tout connaître en France grâce à ses contributions dans le monde de la bande dessinée, en créant dans un premier temps sa propre structure éditoriale, Clandestine Books, avec laquelle il publie ses premiers récits et ceux de ses amis José Parrondo, Jean Bourguignon, Jampur Fraize, Pic Pic André, etc., puis en collaborant régulièrement en tant qu’auteur de bande dessinée aux magazines français Jade et Ferraille. Il se distingue en 2005 avec la sortie du premier tome d’une imposante biographie en couleurs directes du chimiste juif-allemand Fritz Haber, titre qui reçut un accueil très remarqué, tant dans les milieux de la bande dessinée (nominé au Festival International de la Bande dessinée d’Angoulême, dans la catégorie du meilleur album de l’année 2005, nommé encore en 2011, Prix de la BD historique à Blois en 2008), que dans les milieux universitaires.
Dès 1999, il s’immisce dans le littéraire en créant le personnage de Monsieur Vandermeulen, un vieux pédagogue Vieille-France, avatar avec lequel il écrit de nombreux ouvrages destinés à la « jeunesse perdue », comme le manuel scolaire Littérature Pour Tous paru aux Éditions 6 Pieds sous Terre, Le Cid, version 6.0, un digest iconoclaste du célèbre succès de Pierre Corneille, ou encore, Initiation à l’ontologie de Jean-Claude Van Damme ou Le concept aware, la pensée en mouvement, un véritable essai de philosophie consacré à la pensée du célèbre karatéka (dont de larges extraits furent publiés dans la revue littéraire parisienne Teckel, féroce pastiche de Tel Quel, dirigé par Jean-Bernard Pouy). On lui doit également une collaboration fidèle au journal Le Tigre, pour lequel il rédige depuis le premier numéro des articles historiques farfelus mais exigeants, prochainement publiés chez l’éditeur Monsieur Toussaint Louverture.
Lauréat de la bourse de congé sabbatique 2011-2012
Troisième tome d’un projet audacieux d’adaptation en bande dessinée du best-seller Sapiens. Une brève histoire de l’humanité de l’historien Yuval Noah Harari, Les maîtres de l’Histoire nous propose une réinvention alerte, sertie dans un puissant imaginaire narratif et graphique. Après les deux premiers tomes relatant l’évolution de l’Homo Sapiens depuis le Pléistocène supérieur au 21ème siècle (Sapiens. La naissance de l’humanité et Sapiens. Les piliers de la civilisation), David Vandermeulen (scénario), Daniel Casanave (dessin) et Claire Champion (couleurs) nous livrent l’avant-dernier tome d’une série qui, après la révolution cognitive aux alentours de 70.000 ans avant notre…
Une aventure de Blake et Mortimer : Le dernier pharaon
Avec Le Dernier pharaon, Autour de Blake & Mortimer , t. 11, le quartet composé de François Schuiten (dessin et scénario), Jaco Van Dormael (scénario), Thomas Gunzig (scénario), Laurent Durieux (couleur) met génialement ses pas dans ceux d’Edgar P. Jacobs, créateur de la série Black & Mortimer. L’album décline combien prolonger une œuvre, c’est la révéler à elle-même, la poursuivre en l’actualisant. Marquée par l’imaginaire et la puissance graphique de François Schuiten, la revisitation de l’univers d’Edgar P. Jacobs renoue avec Le mystère de la grande pyramide (1954). L’album s’ouvre sur la pyramide de Khéops. Blake et Mortimer se réveillent dans la chambre de la reine, frappés d’amnésie. Des années plus tard, appelé à Bruxelles afin d’étudier l’étrange rayonnement électromagnétique qui, émanant du Palais de Justice, a la propriété de rendre inopérants les appareils électriques, le professeur Mortimer découvre un mur d’hiéroglyphes, des représentations de Seth et autres divinités dont, féru d’égyptologie, Joseph Poelaert a truffé son colosse de pierre. Tandis que Mortimer et Henri, le seigneur des lieux, avancent vers le Graal, le lieu secret d’où provient le phénomène d’irradiation, une déflagration lumineuse embrase le Palais, déferle dans les rues de Bruxelles. Sur ordre de l’armée, les habitants sont évacués et désertent la capitale. Une cage de Faraday enserre l’édifice afin de contenir son magnétisme. Une enceinte mure la ville qui, au fil des mois, se mue en une ville fantôme où la nature reprend ses droits, où les animaux sauvages ont établi leurs quartiers. Refusant de quitter le périmètre interdit, des citoyens désireux d’inventer un autre monde — un monde aux antipodes du consumérisme actuel et du productivisme mortifère — mettent tous leurs espoirs dans les vertus salvatrices du rayonnement. Afin de déclencher ce dernier, ils mettent au point une opération. Bien qu’elle échoue, le mystérieux animal de pierre se remet à cracher sa lumière verte. Black-out généralisé. Les machines, les avions, les ordinateurs du monde entier s’arrêtent, « adieu les banques, adieu la dette du Tiers-Monde ». Le printemps de la révolution mondiale a pour levier le mastodonte de Poelaert, lequel, en libérant sa colossale énergie cosmotellurique, signe le coup d’arrêt de la technologie. Le sommeil des habitants est contaminé par des cauchemars provoqués par le rayonnement. Face à l’arrêt définitif et irréversible de l’électronique mondiale — panne qui signe la fin du néolibéralisme, du prométhéisme technologique —, le pouvoir international réagit, l’armée décide de lancer sur le Palais de Justice des missiles chargés de le détruire. Mettant au point un remède pire que le mal, ordonnatrice de l’inhumain, l’armée menace d’entraîner la fin du monde sous couvert de tenter de le sauver. La solution est frappée par la folie dès lors qu’elle crée le risque d’une réaction en chaîne. Haut gradé de l’armée britannique, Blake mettra tout en œuvre pour écarter cette décision. Alors qu’ils se sont perdus de vue depuis des années, il charge Mortimer de sauver la donne, de retourner dans le ventre du Palais afin de mettre fin au rayonnement. Nous ne révélerons pas les retournements et climax d’une intrigue menée de main de maître.D’une écriture à la fois incisive et onirique, le scénario remarquablement efficace, riche en rebondissements, campe un monde où s’affrontent la folie et la sagesse, le risque d’apocalypse et le sauvetage de l’univers.Si le dernier pharaon n’est autre que Mortimer comme le révèle le personnage de Lisa, l’ultime pharaon, c’est aussi François Schuiten qui promène sa lanterne magique sur les lieux telluriques. Dernier initié formé par l’esprit errant de Poelaert, Schuiten boucle l’énigme jacobsienne de la pyramide de Khéops qui hante Mortimer depuis des années. Il la referme en lui donnant comme résolution l’architecture du Palais de Justice.Sans didactisme aucun, l’album enserre le récit dans l’évocation des défis majeurs de notre temps, dangers de la technologie, dérives d’un monde enfermé dans une logique high tech et totalitaire. Sous la fable fantastique, court un rayon d’un autre type, qui nous dit qu’un autre monde est possible. Refusant le système actuel, une partie des humains met sur pied une société renouant avec la nature. Saluons l’actualité brûlante de l’album à l’heure où, percuté par la débâcle environnementale, par le réchauffement climatique, le monde court vers sa perte. Dans la ville de Bruxelles dévastée, les altermondialistes, les êtres en rupture de ban, récusant la loi du marché, les réfugiés vont assurer la relance d’un monde digne de ce nom. Face aux forces de mort que le pouvoir militaire s’apprête à déclencher se dressent les forces de vie portées essentiellement par des de femmes et des enfants.Sans adopter l’esthétique de la ligne claire, l’album prolonge l’esprit d’Edgar P. Jacobs, ses hantises, ses obsessions. On notera la présence des chats attirés par les lignes telluriques sur lesquelles l’édifice de Poelaert est bâti, le vertige des éblouissants dessins de François Schuiten qui réexplore un des hauts lieux mythiques des Cités obscures , de Brüsel, le Palais de Justice. Les pierres, les édifices sont habités par une âme secrète, une âme minérale. Comme les gargouilles de Notre-Dame-de-Paris, celles qui ornent le Palais de Justice sont les dépositaires de savoirs ésotériques que les bâtisseurs de cathédrales et Poelaert ont emportés dans leurs tombes. Une sagesse perdue que Mortimer/Schuiten, Van Dormael, Günzig et Durieux ramènent à la lumière.En libérant le rayonnement enfoui à la base de la pyramide inversée placée sous le Palais de Justice, Mortimer prend la décision que l’humanité n’a pas pu ni voulu adopter : changer radicalement de manière de vivre, de penser. Dans cette nouvelle vie donnée à Blake et Mortimer, ce dernier apparaît comme un anti-Prométhée grâce à qui s’ouvre une nouvelle Arcadie, une société contrainte de faire le deuil de son hypermodernisme, de sa course à la technologie. Tissé de signes, le monde attend son Champollion, ici Mortimer. Qu’il soit architectural, graphique, littéraire, musical, l’art, aux yeux de Schuiten, ne se transcende dans le sublime que s’il est branché sur l’inconscient, l’ésotérique, le paranormal. Tout art est initiatique.Les quatre créateurs livrent ici un livre-événement. L’album s’élève comme une pyramide où les dessins et le verbe tiennent lieu de pierre. Il compose la dernière pyramide pour le pharaon à venir… Pour notre plus grand regret, François Schuiten annonce qu’il arrête la BD. Signant son adieu au 9ème art, Le dernier pharaon serait alors l’ultime pierre de sa cathédrale. Soulignons les couleurs magistrales, les saisissants effets de clair-obscur de Laurent Durieux qui rehaussent les sublimes planches de François Schuiten. Magie des scènes de la ville de Bruxelles plongée sous les eaux ou dans des paysages hivernaux. Dans son dieu de pierre, Poelaert a enfoui les enseignements des Égyptiens, leurs secrets relatifs à la pyramide inversée sous la mer brusselienne. Gageons que le quatuor de créateurs…
Signé par le paléoanthropologue et chercheur au CNRS Antoine Balzeau et le dessinateur Pierre Bailly (créateur notamment de Petit Poilu ), le nouvel opus de la petite bédéthèque des savoirs, intitulé Homo sapiens, retrace l’évolution de la paléontologie et condense les questionnements actuels sur les origines de l’espèce humaine. L’histoire de l’humanité fait l’objet de trois chapitres — les théories, les temps préhistoriques et l’articulation de notre présent et de notre futur — et procède par problématisations qui mettent au jour les a priori, les idées préconçues relatifs à l’évolution. Dans sa préface, David Vandermeulen revient sur l’incompatibilité entre la Bible et les découvertes de Buffon, de Cuvier. Les secondes font état d’une apparition de l’homme avant le déluge, ce qui contredit l’enseignement de l’Église. Afin de ne remettre en cause la théologie, des scientifiques tels que Cuvier ou Buckland concilieront preuves géologiques et récit biblique. Lire aussi : La petite bédéthèque des savoirs, un travail d’experts ( C.I. 198) Sous une forme narrative que dynamise le dessin, l’ouvrage évoque les nouvelles connaissances sur l’évolution élaborées depuis le coup de tonnerre darwinien ( De l’origine des espèces , 1852). Antoine Balzeau fait un sort à deux idées hégémoniques passées dans la doxa : 1° l’homme actuel est le fruit d’une adaptation à l’environnement, 2° seuls survivent les plus forts. Les acquis scientifiques montrent combien ces deux crédos sont caricaturaux. L’apparition de l’homme est l’effet du hasard, non d’une finalité. Dans la diversité de la vie, aucune forme de vie, aucune espèce ne peut être dite plus évoluée que les autres. Analyse des mécanismes de spéciation, conflits, controverses entre paléoanthropologues autour de l’ancêtre de l’ homo sapiens (pour certains, il s’agit de l’ homo erectus , pour d’autres de l’ homo heidelbergensis ou de l’ homo rhodensiensis ), existence du menton chez l’espèce humaine seule (et chez l’éléphant)… Homo sapiens détruit des clichés relatifs aux déductions des modes de structuration sociale en vigueur dans la préhistoire. Rien ne peut étayer l’idée reçue selon laquelle existait chez nos ancêtres une répartition sexuée des tâches (l’homme chasseur, la femme se vouant à la cueillette et au foyer).En paléoanthropologie, nombre de questions restent en suspens. Si l’on sait, grâce aux fossiles et à la paléogénétique, que l’ homo sapiens est certainement apparu en Afrique il y a trois cent, deux cent mille ans avant de migrer sur toute la planète, l’on ne peut dire où avec exactitude ni déterminer comment il a étendu ses zones de vie. Déclinant les croisements entre l’homme de Néandertal (qui disparaît en Europe quand l’ homo sapiens apparaît) et l’ homo sapiens , montrant la communauté de leur patrimoine génétique (99% de gènes communs), l’essai graphique arpente autant les aspects biologiques, anatomiques que l’évolution des comportements au fil du temps. Des découvertes des premiers outils fabriqués par les Australopithèques il y a trois millions d’années à l’invention du feu (il y a cinq cent mille ans), de l’élevage, de l’agriculture, de la roue, de l’écriture, on assiste à une « complexification des actions humaines ».Une complexification qu’il faut reconnaître tout en faisant tomber l’homme de son piédestal : d’un point de vue biologique, nous dit Antoine Balzeau, l’ homo sapiens est une espèce comme les autres, à ceci près que, par sa présence, ses choix de vie, il a bouleversé, puis peu à peu saccagé son environnement.La troisième partie de l’ouvrage dresse un bilan de notre responsabilité face au désastre écologique actuel, de notre devoir de changer radicalement de modes de vivre, de penser, de produire et de consommer si nous voulons préserver ce qui peut encore l’être au niveau de la biodiversité, des populations animales, végétales. « Nos actions bouleversent biodiversité et environnement. Le risque est de rendre les conditions difficilement vivables. Même pour nous ». À l’heure où les scientifiques ne cessent de tirer la sonnette d’alarme, à l’heure où ils somment les politiques, les gouvernants et la société civile de modifier les manières d’habiter la Terre afin de freiner la sixième extinction massive des espèces animales (un million d’espèces est menacé d’extinction) et végétales, rien de plus salutaire que cet essai. Puisse-t-il, relayé par les lanceurs d’alerte scientifiques, par les mobilisations citoyennes, faire bouger la ligne d’inertie assassine des climato-négationnistes.…
Les aventures de Tintin : Objectif lune (tome 16)
À l’occasion du cinquantième anniversaire des premiers pas…