Auteur de Regard sur Antipode
Jean-Paul Raemdonck - Bruxelles '37 -, de son vrai nom Jean-Paul Raemdonck, car un premier roman, écrit sous pseudonyme obligatoire, était issu d'un concours et qu'il se trouvait en mer lors de l'édition. L'histoire avait été écrite par bribes pendant les quarts de nuit ou pendant la surveillance des déchargements, dans la chaleur des cales. Un premier métier aussi, cette marine marchande où il embarque à 17 ans comme élève officier. Après un an, pour respecter une promesse à son père, entrée à l'école de navigation d'Ostende. Il s'en enfuit de nuit un mois avant la fin de la première année, contraint d'y revenir le lendemain sous peine de voir sauter le sursis militaire accordant la dispense de l'armée après 5 ans de marine. Retour sur les cargos jusqu'à l'âge de 22 ans. Pas d'antécédents pour la navigation ou la littérature, fils d'un architecte, deuxième de quatre enfants. Une détermination face à un rêve de première jeunesse, la mer, et une prédisposition d'enfance pour l'écriture, seules notes brillantes dans les années scolaires chez les éducateurs en soutane, années réduites à leur plus simple obligation : les primaires, plus trois années moyennes «pour avoir quelque chose». En vacances entre deux bateaux, il vide une bière avec son frère cadet, garçon dans un dancing de la Grand'Place de Bruxelles. «Les Cousins», endroit dans le vent, premier étage de la Maison du Renard, a besoin d'un vestiairiste. En attendant... Quand un télégramme lui propose un embarquement, il refuse pour souffler un peu. Le barman claque la porte, il le remplace. Promu garçon, de service un jour sur deux, l'espace de liberté est inespéré pour combler un retard ou un manque, pour bouffer du théâtre, de la musique, de la peinture, des livres. Et pour écrire un deuxième roman, une aventure amazonienne qui sera réécrite et republiée 35 ans plus tard. Dans l'utopie de se libérer de l'astreinte d'un métier, pour écrire, il se fait éditeur de cartes postales. A Bruxelles, on ne trouve que des photos; à l'étranger, il a vu des cartes illustrées. Il réalise quatre grandes toiles, des lieux aujourd'hui en partie disparus du centre ville, les fait imprimer, les vend un peu, mais c'est effectivement un métier. Pour ses jours de liberté, un client du bar-dancing lui propose du travail dans son entreprise naissante : location d'éclairages. Métier itinérant puisqu'il s'agit surtout d'accompagner des opérateurs d'actualités, de documentaires, etc. C'est l'ouverture vers tous les univers, le moment de quitter, après deux ans et demi, la pompe à bière de la Grand'Place et le juke-box devenu insupportable. Au hasard d'une errance dans le Gard, il achète, pour le prix d'un vélomoteur, une grosse ruine isolée. Et, la même année, en 1962, pour le prix d'une grosse voiture, une fermette brabançonne à l'orée d'un bois. Le métier tourne à pleines heures, la littérature garde la tête hors de l'eau par l'accumulation de notes, de synopsis, avec des contes et nouvelles publiées par un hebdomadaire. La fermette ne sera habitée, agrandie, que quinze ans plus tard. La prise de son a naturellement suivi la fréquentation des tournages pour la télévision, d'abord comme indépendant - c'était avant la création des écoles - puis comme «fonctionnaire» lorsque la RTB a engagé ses collaborateurs extérieurs. Le plus souvent pour le reportage, en petites équipes, en Belgique et dans le monde, avec l'infinie variété de la vie, sur la scène et dans la coulisse, il n'est plus besoin de changer de métier. Entre-temps il s'est marié comme tout le monde, a divorcé comme presque tout le monde, mais il est toujours père de quatre enfants mélangés, deux filles et deux fils adoptifs. La ferme gardoise, retrouvée après huit ans sous une île de verdure, a mis 25 ans à ressusciter. La littérature s'est accumulée en projets. Elle refait surface en 1972, avec la création du Prix Jean Ray de littérature fantastique par les éditions Marabout. Il l'emporte à l'unanimité du jury sur quarante-neuf manuscrits. Suit un roman à la demande des éditions Duculot pour sa collection Travelling. Gros tirages. Pourtant le prochain livre attendra dix-huit ans. C'est la faute de la vie ou c'est grâce à la vie. Seul le théâtre reste obstinément muet à toutes les sollicitations. A soixante ans, le métier de preneur de son s'arrête prématurément, pour restructuration, après trente années qui feraient les souvenirs de trente vies. Ces quarante-deux années de différents embarquements professionnels font douze ans de voyages mis bout à bout à travers quatre-vingt cinq pays. Sa compagne vient de lui offrir un titre d'encre noire. Lorsqu'on l'interroge sur son métier, il se risque quelque fois à répondre écrivain. Mais il ne sait toujours pas ce qu'il fera plus tard.