Puisque chacun a son Amérique

À PROPOS DE L'AUTEUR
Georges Sion

Auteur de Puisque chacun a son Amérique

Georges Sion naît à Binche, le 7 décembre 1913. Des études de droit, à l'Université de Louvain, ne le distraient pas longtemps de ses deux passions, la musique et l'écriture, auxquelles il se livre dès son plus jeune âge, s'exerçant notamment dans des publications étudiantes au journalisme, qui le mobilisera toute sa vie. Mais le choc décisif de sa carrière est la rencontre qu'il fait, durant l'occupation, du comédien Claude Étienne, qui s'apprête à fonder une nouvelle compagnie théâtrale. Ce dernier compte entamer ses activités avec une pièce de Corneille. Il a l'occasion de lire le manuscrit d'un jeune homme appelé Georges Sion, et décide aussitôt qu'il a trouvé là le texte inaugural de son activité. Il crée, en mars 1943, au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, La Matrone d'Éphèse, et donne par la même occasion le coup d'envoi de sa compagnie, le Rideau de Bruxelles : le texte de Sion est donc intimement associé aux origines mêmes de la plus prestigieuse des troupes belges francophones, dont il put fêter le 50e anniversaire, quelques mois seulement après la mort de son fondateur. La Matrone d'Éphèse est une comédie douce-amère, très brillante par le style, dont l'argument, emprunté à La Fontaine notamment, permet à Sion, dans un dialogue étincelant, de ciseler quelques personnages dont les faiblesses sont dessinées avec une acuité bienveillante. Élégance de l'expression, ironie sous-jacente, conception optimiste quoique lucide de l'homme et de ses contradictions : un ton est donné, qui passe d'abord, et très naturellement par le théâtre, mais trouvera bien d'autres exutoires. Sion est appelé, en tant qu'auteur de théâtre, à être l'un des premiers représentants d'une dramaturgie que l'on qualifiera de néo-classique par le traitement limpide et intelligent de ses thèmes, par la clarté maîtrisée de sa langue. On retrouve la même alacrité que celle de La Matrone d'Éphèse dans d'autres comédies, comme La Princesse de Chine ou La Malle de Paméla, où l'on perçoit l'incidence de l'un de ses musiciens de prédilection, Mozart. Mais d'autres pièces abordent des registres plus graves, comme son drame historique Charles le Téméraire ou, surtout, Le Voyageur de Forceloup (1951), souvent considéré comme son chef-d'œuvre, qui traite de la prise en charge du mal et de la rédemption, avec une rigueur, une simplicité et une hauteur de vue qui en fait un des sommets du théâtre métaphysique contemporain. L'activité théâtrale de Sion ne se limite pas, loin s'en faut, à la composition de pièces originales. Il adapte de nombreuses œuvres du répertoire étranger, anglo-saxon notamment, et met ainsi son talent au service de Shakespeare (Antoine et Cléopâtre, Le Songe d'une nuit d'été) ou d'auteurs contemporains (Un homme pour toutes les saisons, de Robert Bolt, pièce avec laquelle le Théâtre National entame son installation dans ses nouveaux locaux de la place Rogier en 1961). Il est également un critique dramatique érudit et enthousiaste (au journal La Lanterne, par exemple). Il enseigne l'histoire du théâtre au Conservatoire de Mons, puis de Bruxelles. Il est durant de nombreuses années président du centre belge de l'Institut international du théâtre, ce qui lui permet d'être à l'écoute de l'activité des scènes internationales. Quoiqu'il ait, en contribuant à fonder le Conseil national de l'art dramatique, fortement marqué le soutien officiel au théâtre en Belgique francophone, et qu'il n'ait cessé, durant de longues années, d'exercer une action très dynamique de conseiller et d'instigateur en matière de politique culturelle, à l'état naissant, il ne faudrait pas limiter l'apport de Sion au seul secteur théâtral. Chroniqueur et conteur intarissable, il publie quelques ouvrages qui rendent compte de ses voyages et de ses découvertes, qui témoignent d'une justesse de perception, d'analyse et d'une curiosité jamais prise en défaut : Voyage aux quatre coins du Congo (1951), Puisque chacun a son Amérique (1956), Six villes, une Europe (1967). Mais il y aurait à glaner, dans son immense production journalistique (en quotidiens, notamment au Soir, où il publie des critiques littéraires depuis 1971, en hebdomadaires, comme le Vrai et le Pourquoi pas?, ou en revues, en particulier la Revue générale (dont il est l'un des directeurs), la matière de nombreux et abondants recueils. C'est que la culture, le sens de la synthèse, la finesse et la rapidité de jugement de Sion sont exceptionnels. Qu'il parle de musique, d'opéra, de théâtre, de littérature du passé ou du présent, mais aussi d'histoire ou des questions générales, sa démarche intellectuelle se caractérise par l'ouverture, la tolérance, le scrupule intellectuel, nourris par un humanisme et une élévation de pensée également vigilants. Ce sont là aussi les qualités qui n'ont cessé de faire de lui, au fil des années, un conférencier brillant autant que généreux de ses efforts. Homme de contact, épris de dialogue et d'échange, Sion est toujours très apprécié, pour ses avis, dans les conseils et les jurys. L'Académie Goncourt a fait tout naturellement de lui son membre belge, tout comme il exerce la présidence de la section francophone belge du Pen Club. Mais c'est au sein de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, où il a été élu le 13 janvier 1962, qu'il a pu le mieux faire la preuve de ses talents d'animateur, surtout lorsqu'il en a été le secrétaire perpétuel de 1972 à 1988. Il a été fait baron en 1989. Cet homme affable autant qu'exigeant, d'abord à l'égard de lui-même, épris de culture dans ce qu'elle peut avoir de plus éclairant, soucieux de préserver l'héritage autant que d'encourager les nouvelles formes, est, depuis ses débuts dans la vie artistique, l'une des consciences les plus avisées et les plus écoutées de son pays.

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