Quel secret Lorenzo Cecchi dissimule-t-il à travers ses vers et sa poésie dévoilée ? Il commence par la mer d’Ancône, et puis s’égare pour décrire le quotidien, insulter le ciel, maudire les ténèbres et interpeller la pluie, bruine et crachin confondus : « longue est l’attente aux barbelés des frontières ». C’est un hymne aux saisons : il courtise le printemps, glorifie prudemment l’été, grogne et éructe sur l’automne et l’hiver l’éteint.
L’étreinte du temps chasse Éros de ses bagages et pour rêver, il marche. Les souvenirs vagues, les réminiscences de vieilles amitiés, les soubresauts d’amours vécus s’entrechoquent. La mort est une compagne omniprésente tantôt ennemie, tantôt courtisane. Le voile se lève ainsi sur le monde de Lorenzo Cecchi et celui-ci enfin décodé nous invite à mordre la vie au présent parce que « demain n’est pas certain ». Le ciel, comme celui de Camus, reste aux abonnés absents, il ne répond pas, il y a des questions, seulement des questions.
Auteur de Non finito
Lorenzo Cecchi est né à Charleroi en 1952. Agrégé en sociologie, il a été animateur de maison de jeunes, promoteur de spectacles au Théâtre National, administrateur de sociétés, ou encore commissaire d’exposition avant de terminer sa carrière en tant que commercial dans une société de protection contre l’incendie. Pendant dix ans, il a également enseigné la philosophie de l’art à l’académie des Beaux-arts de Mons. « Lorenzo Cecchi a commencé à publier tardivement avec un premier roman remarqué, Nature morte aux papillons (2012), sélectionné pour le Prix Première de la RTBF, ainsi que les prix Alain-Fournier, Saga Café et des lecteurs du magazine Notre Temps. Depuis, l’auteur belge, prolixe, alterne romans et recueils de nouvelles »,…
On reconnaîtrait entre mille le timbre de la voix du philosophe et poète Jacques Sojcher. Ce cheveu sur la langue qui s’avère vite une arme de séduction massive, on le retrouve avec plaisir, sous une plume caressante et ironique, dans ce nouveau recueil publié chez Fata Morgana. Ni juif, ni chevalier, ou peut-être justement les deux à la fois, le démon Éros dont l’auteur se fait ici le tératologue, poursuit sa route, inlassable voyageur qui se moque des possibles dégâts collatéraux. Joueur invétéré, Éros se plait à piper les dés. Le pire, c’est qu’on le sait ! Mais on continue pourtant de miser sur lui, sur sa capacité à renouveler cette pulsion de vie qu’est le désir. Un désir qui peut à l’occasion s’éroder mais qui renaît sans cesse, subtilement inventif, toujours pluriel, réactivé qu’il est par le grain d’une peau ou le frémissement d’une voix. C’est que la langue, les mots, leur sonorité font partie du jeu. À chaque fois, ce sont les cartes qu’on rebat. Et si les donnes semblent les mêmes, elles sont pourtant différentes. Tu zézayes à l’oreille de toutes les femmes possibles des mots d’amour sans conséquence. C’est l’inceste du désir et du manque. Tu inventes l’amour, faute de pouvoir aimer. Avec la dérision et le détachement qu’on lui connaît, l’auteur qui, ailleurs, poursuivait Le rêve de ne pas parler (Ed. Talus d’approche, 1981), ne cesse ici de nous inviter à réinventer le désir, seul capable au fond d’élever, d’ancrer – encrer – le corps dans le monde. L’acte amoureux comme amarre stable, concrète pour le corps toujours nomade. Mais d’autres questions affleurent sous la langue de Sojcher qui s’insinue dans les moindres recoins du désir bien rodé. Si ce dernier aime les premières fois, il peut aussi se repaître des mensonges, des trahisons, des vanités. Comment dès lors parvenir à épuiser, à cartographier la constellation d’Éros ? Le désir de plaire, le souvenir d’un désir, le vieillissement qui l’érode et le catalogue de ceux qui nous firent chavirer ? Autant de questions qui se greffent au pouvoir du Dieu tentateur. En nous entraînant dans cette sarabande de voix qui mêle aux angoisses de Casanova, les mille et trois passions du Leporello de Mozart, Sojcher s’amuse lui-même à brouiller les pistes. Sans oublier les clins d’œil complices aux artistes pour qui le désir est affaire de vie ou de mort – Bataille, Lucrèce, Spinoza, entre autres – le poète, par une ultime pirouette pour conjurer l’oubli, établit deux listes, celle des lieux où le désir a pu naître et celle, en miroir, des prénoms des belles qu’il aima. Tu vois dans le miroir l’apparence de ce qui a été. Aimer n’a pas de nom. Nomade et sédentaire partageront les cendres jetées au vide de l’oubli. Qu’importe en somme ici la véracité des listes, que le professeur Sochjer se soit égaré quelque peu dans ce listing de désirs remémorés puisque nous l’aurons suivi et que nous aurons pris plaisir à nous égarer avec lui. Rony DEMAESENEER ♦ Jacques Sojcher lit un extrait d’ Eros errant sur Sonalitté…
Voilà un livre qui émouvra, sans aucun doute, tout qui, un jour, une fois, aura croisé…