Naviguer dans les textes et relier les indices. Entretien avec Marion Sage

NDD: Peux-tu me parler des recherches que tu as menées en t’appuyant sur des archives?
Marion Sage : La première archive avec laquelle j’ai été en contact était une danse d’Harald Kreutzberg, danseur d’expression d’Allemagne. Il dansait dans le film Paracelsus XX , où il jouait le rôle d’un saltimbanque qui divertit la population victime de la peste. Kreutzberg danse dans une taverne les yeux révulsés, il est meneur de transe. 
Cette danse m’a donné envie de faire un mémoire de master XX  pour mieux connaître la danse d’expression allemande. C’est en étudiant cette esthétique que j’ai rencontré la dimension politique de la danse. Le film a été tourné en pleine guerre, moment où Kreutzberg, lié au régime nazi, en devient un ambassadeur XX .

Après mes recherches pour le master, j’étais écœurée par l’implication d’un artiste dans des pouvoirs meurtriers et j’ai voulu faire une thèse…

   lire la suite sur   REVUES.BE


FIRST:danse archives - "Naviguer dans les textes et relier les indices. Entretien avec Marion Sage"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => )

Ceci pourrait également vous intéresser...

L’archive, la fougère

Lara Barsacq est chorégraphe, danseuse et comédienne. Comme interprète, elle a…

Que nous racontent les archives sur un spectacle du passé?

Une plongée au cœur de la création du spectacle Slipping (ou ce rêve qu’on appelle la vie humaine) conçu par Carmen Blanco Principal.   *   Les arts de la scène sont éphémères par essence. Dès l’instant où les représentations se terminent, il n’en reste plus rien, à l’exception de souvenirs conservés dans la mémoire des spectateurs et de quelques archives qui nous donnent l’occasion de nous remémorer une représentation passée à laquelle on aurait assisté. Mais que nous racontent-elles d’un spectacle que l’on n’a jamais vu? Du texte à sa représentation, quelles questions spécifiques posent-elles? Que nous apprennent les notes, les exercices d’improvisation, la scénographie, etc. ? Le spectacle Slipping (ou ce rêve qu’on appelle la vie humaine), conçu par Carmen Blanco Principal, fut créé à la Balsamine le 6 juin 2004 et a tourné ensuite jusqu’en 2009. C’était le cinquième spectacle de la compagnie Furiosas et l’une de ses créations parmi les plus marquantes. v. Marie Baudet «Carmen Blanco Principal rejoint l’espace, son élément», La Libre Belgique, 5 octobre 2015.   *   Carmen Blanco Principal, 1963-2015, après avoir été l’assistante de Thierry Salmon, avait créé en 1994 sa propre compagnie, Furiosas, avec la chorégraphe Monica Klingler et la scénographe Patricia Saive. Ensemble, elles conçurent une série de spectacles caractérisés par un mélange des genres, théâtre, danse, cirque… Par la suite, Carmen créa quelques autres spectacles avec d’autres intervenants. En octobre 2015, elle décéda brutalement à l’âge de 52 ans, dans un accident de voiture sur une route en Italie. Quelques années après ce tragique accident, une quarantaine de caisses d’archives sont déposées par sa sœur aux Archives & Musée de la Littérature. Parmi celles-ci, quatre dossiers relatifs au spectacle Slipping. On y trouve de la documentation préparatoire, des notes de création, des dossiers de présentation, des programmes, des dossiers administratifs (subventions, tournées, etc.). Mais aussi des vidéos de répétitions et des captations de représentations. Ces documents nous permettent notamment de suivre pas à pas le processus de création du spectacle, depuis l’inspiration initiale jusqu’aux représentations publiques; processus que nous proposons d’examiner ici, y compris les tâtonnements et l’exploration de pistes successives.   Un auteur, Robert Walser, découvert par hasard   En feuilletant les carnets de la dramaturge, dans lesquels elle consignait principalement des notes prises au vol sur les spectacles qu’elle était en train de créer, on découvre une brève mention de sa première rencontre avec l’œuvre de Robert Walser – écrivain suisse allemand admiré entre autres par Robert Musil et Franz Kafka – qui a inspiré le spectacle: Walser. Pourquoi? Je l’ai découvert par hasard en lisant les pages culture des journaux en allemand, en Suisse ces dix dernières années. Je ne comprenais rien, mais il y avait toujours des photos, sa silhouette me frappait, m’intriguait. Du peu que j’ai lu, ce sont les petites histoires et les essais qui me plaisent le plus. Ce que j’aime chez lui, c’est son amour de la vie.» Archives AML (MLT 07404/0005/007).   *   C’est L’Institut Benjamenta (1909), l’un des trois romans de Walser, qui constitue le fondement du spectacle. Sous la forme d’un journal intime, le texte décrit les réflexions et rêveries de Jacob von Gunten, un jeune homme qui entre de son plein gré dans un pensionnat de formation de majordomes où l’on n’enseigne rien d’autre que l’obéissance aveugle, «une discipline du corps et de l'âme qui lui procure de curieux plaisirs: être réduit à zéro tout en enfreignant le sacro-saint règlement» Marthe ROBERT, préface à Robert WALSER, L’institut Benjamenta, Paris, Gallimard, coll. Jacob décrit ce lieu étrange, ses condisciples, le directeur autoritaire, sa douce sœur… Dans une brochure préparatoire Archives AML (MLT 07404/0005/002) au spectacle, Blanco Principal privilégie une lecture philosophique, voire existentialiste du texte. Voulant dégager «les résonances profondes que [l’œuvre] peut avoir à notre époque» Archives AML (MLT 07404/0005/012), elle s’interroge sur l'injonction au bonheur. Poussée à l'extrême, la quête de bonheur implique l’évitement des états de crises: l’angoisse, l’incertitude, l’interrogation sont à fuir absolument. C’est ce que font les étudiants de l’Institut Benjamenta lorsqu’ils délèguent tout libre-arbitre pour se conformer au règlement. Or si le renoncement aux interrogations, aux doutes ou aux choix peut entraîner un certain confort, il réduit l'être humain à l’état d’objet, le privant de liberté et le laissant face à un puissant sentiment de vide. Le message philosophique du roman est de montrer que la seule issue est de retrouver son humanité en cheminant dans un entre-deux, construisant et reconstruisant perpétuellement des désirs et des choix nouveaux. C’est aussi l’objectif du spectacle. «Tout le but du spectacle est de montrer l’énorme difficulté d’emprunter ce chemin, de choisir l’errance. L’univers de l’Institut est profondément rassurant. Il est très facile de rentrer dans le carcan, de se laisser vivre par la norme, de se lover dans la conformité.»  Archives AML (MLT 07404/0005/007).   Les archives au cœur de la création: du texte à la chorégraphie   À partir de cette réflexion, il s’agit de concevoir concrètement le spectacle: «choisir dans le début du texte, ce qui aide à rentrer dans cet univers. L’institut: intemporel. C’est un conte, c’est un rêve. [Donc] tout est permis», note Blanco Principal. «Où je vais avec ça?», ajoute-t-elle Ibid. À cet instant, la magie des archives opère: son questionnement devient le nôtre. Comment va-t-elle faire un spectacle de cela? Ou plus exactement, comment donner corps à ces réflexions sur une scène de théâtre? Nous nous trouvons à l’endroit précis où les possibles sont encore infinis, au cœur de l’acte créatif. Des notes éparses reflètent le travail sur le texte. Dans un premier temps, différents tableaux sont retenus à partir de plusieurs passages du roman. Très vite cependant, Blanco Principal se concentre sur un extrait en particulier, le rêve de Jacob, épisode symbolique du roman. En témoignent quelques pages du texte original souligné et annoté, en regard duquel des mouvements chorégraphiques sont déjà indiqués. Cependant, le spectacle ne se construira pas à partir de ces découpages. Dans quatre carnets, on trouve des notes prises au vol pendant des improvisations. Blanco Principal y travaille avec la chorégraphe Monica Klingler et deux interprètes venus des arts du cirque, Pierre-Yves De Jonge et Cille Lansade. Elle écrit: «Avec Monica, chercher des thématiques/mouvements que nous pourrions développer toutes les deux»  Archives AML (MLT 07404/0005/009). Profondément nourries par le roman et l’analyse du texte, elles s’attèlent à une improvisation libre, indépendante de la «narration» et pleinement ancrée dans l’instant. Des éléments fondamentaux comme l’abandon à l’autre, la tension entre des forces contraires, la difficulté d’être homme dans le monde contemporain deviendront les lignes de force du spectacle. Dans un fragment de texte dactylographié, elle s’en explique: «les images qui me viennent du texte, confrontés [sic] à l’espace nu, éveillent des mouvements, des situations, qui restent liés au texte, qui se développent en parallèle. C’est un travail de dramaturgie dans le concret, pas à la table… Si tu es dans l’action vraiment, on ne peut pas dire que tu triches, mais tu y crois ou tu n’y crois pas, si tu n’es pas dans l’instant ça se voit tout de suite.»   Archives AML (MLT 07404/0005/006). Plus concrètement, à quoi ressemble ce spectacle? Au-delà des textes explicatifs et des notes trouvées dans les archives, la captation d’une des répétitions…

Alexandria : les pionniers du web

C’est énoncer un lieu commun que de dire que les technologies…