En 1964, avec son premier livre, Quintes, Marcel Moreau avait fait sensation. La difficulté d’être, le dégoût de soi et des autres, les pires contradictions, les hantises les plus exacerbées : tous nos abîmes y passaient. Près de vingt livres ont par la suite exploité ce domaine de l’enfer intérieur. Marcel Moreau devenait une des victimes les plus éloquentes de notre littérature, sur tous les tons, ou comminatoires ou lyriques.
Monstre en est un exemple nouveau. Mais quelque chose d’imprévu s’est passé. Marcel Moreau a découvert le Mexique et ses splendeurs vénéneuses. Il peut donc trouver à ses malheurs existentiels des correspondances fécondes. Il se penche aussi sur l’état de ce monde, la société, les empires, la France, la condition humaine vue d’ailleurs que la plèvre. C’est une façon de contre-attaquer : il ne se sent plus écrasé et son tour est venu de s’élever au-dessus des opprobres.
On assiste admiratif à ce sursaut, comme on devine une superbe orfèvrerie de la malédiction. Le verbe vibre et brille, de sorte que les poisons se transforment, page après page, en pure musique.
Auteur de Monstre