L’oeil multiple



À PROPOS DE L'AUTEUR
Patrick Roegiers
Auteur de L’oeil multiple
J’écris parce que je ne sais pas peindre. J’écris parce que je n’entends rien à la musique. J’écris parce que je ne suis pas devenu chirurgien. J’écris parce que je n’ai pas voulu devenir avocat. J’écris parce que j’ai toujours écrit. J’écris parce que j’étais bon en français à l’école. J’écris parce que j’ai lu Joyce à dix-huit ans. J’écris parce que j’ai eu un choc en lisant le Nouveau Roman. J’écris pour prendre la parole. J’écris parce qu’on a voulu me réduire au silence. J’écris parce que j’aime écrire. J’écris pour tenter d’écrire mieux ce que j’écris. J’écris parce que c’est la meilleure façon de TOUT dire. J’écris parce que j’aime corriger ce que j’écris. J’écris parce que je ne connais rien de plus passionnant. J’écris bien que l’écriture soit inutile comme le reste. J’écris avec un Bic noir, sur du papier quadrillé. J’écris ainsi parce qu’écrire ne vaut pas plus. J’écris parce que j’aime lire. J’écris pour être lu. J’écris en regrettant de ne pas être mieux lu. J’écris sans souci des lecteurs, mais en râlant d’en avoir si peu. J’écris bien que les gens lisent de moins en moins. J’écris en espérant que mes enfants me lisent un jour. J’écris pour emmerder les révisionnistes qui trafiquent l’histoire de la littérature belge depuis vingt ans. J’écris pour avoir raison de mon histoire. J’écris parce que j’aime les mots. J’écris parce que le langage me fascine. J’écris pour inventer ma propre langue. J’écris parce que je ne crois pas ce qu’on me dit. J’écris parce que c’est la plus belle façon de tuer le temps. J’écris pour ne pas communiquer. J’écris parce que j’ai appris peu à peu, tout seul, à écrire. J’écris pour faire des livres. J’écris chez moi. J’écris dans ma maison. J’écris pour ranger les livres que j’écris dans ma bibliothèque. J’écris pour ne pas employer les mots de tout le monde. J’écris pour faire parler le silence. J’écris pour remplir la page. J’écris parce que le verbe n’est pas cher. J’écris parce que ça ne coûte (presque) rien. J’écris parce que personne ne le fera à ma place. J’écris malgré ma mauvaise écriture. J’écris bien que ma main déforme les lettres alors que celles-ci forment en principe l’homme de lettres. J’écris ici. J’écris assis. J’écris assez. J’écris parce que la fonction du langage est la fiction. J’écris pour voir ce que c’est. J’écris pour ne plus y penser. J’écris par peur du vide. J’écris parce que c’est en écrivant qu’on sait ce qu’est écrire. J’écris non pas pour me dire mais pour m’exprimer. J’écris moins pour m’exprimer que pour me taire. J’écris non pour me taire mais pour parler. J’écris parce que je crois à la parole. J’écris parce que les paroles restent plus qu’elles ne volent. J’écris parce que les mots ne racontent pas d’histoire.

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Marguerite Yourcenar était une épistolière prolixe. L’époque, ses nombreux voyages, sa vie d’exilée sur son île états-unienne étaient propices à la correspondance. Nombre de ses lettres ont déjà paru en volume [1] , il en paraît encore et probablement qu’il en paraîtra davantage quand ses archives, tenues secrètes jusqu’en 2037, selon sa volonté de fer, seront enfin dévoilées. Volonté de fer : Yourcenar blindait sa correspondance comme son œuvre. Ses lettres à Emmanuel Boudot-Lamotte «  n’ont pas été déposées par l’écrivaine dans les archives de la bibliothèque Houghton avec les correspondances destinées d’emblée à la postérité  », comme le rappellent Elyane Dezon-Jones et Michèle Sarde, dans l’avant-propos. D’ordinaire, Yourcenar doublait sa correspondance sur papier carbone ; dans ce cas, il semblerait que non. Les lettres originales ont été découvertes par le neveu d’Emmanuel Boudot-Lamotte alors qu’il mettait de l’ordre dans la succession de son oncle. Emmanuel Boudot-Lamotte a été membre du comité de lecture des éditions Gallimard de 1931 à 1944-45, traducteur et surtout photographe indépendant. Chez Gallimard, il a notamment participé à la publication du premier livre de Raymond Queneau, Le Chiendent . Il collaborera avec Marguerite Yourcenar après qu’elle a quitté Grasset pour Gallimard. La guerre terminée, alors qu’il dirigeait les éditions J.B. Janin, ils bâtiront ensemble plusieurs projets  – dont une anthologie de nouvelles américaines contemporaines et un Trésor d’art français (compilant et commentant des œuvres de peintures françaises conservées dans les musées américains). Nous en suivons l’élaboration et les avancées à travers les lettres de Yourcenar. Celles de Boudot-Lamotte n’ont pas été retrouvées, seuls quelques brouillons sont donnés à lire. La faillite de l’éditeur aura raison de ces projets.Tout autant que professionnelle, la relation entre Emmanuel Boudot-Lamotte et Marguerite Yourcenar s’avère amicale. Elle envoie des produits introuvables en France pendant la pénurie d’après-guerre, s’inquiète de leur bonne réception, de la santé de sa mère. En échange, il lui envoie des livres, la littérature française de ce moment-là, qu’elle commente, critique.Professionnellement, très travailleuse, elle se montre aussi dirigiste, intraitable, opiniâtre, réussissant à imposer ses volontés, de lettre en lettre ; et ce, toujours dans une langue très élégante… L’épisode de l’anthologie en est un bel exemple. Elle parvient à évincer Florence Codman qui avait débuté le travail de sélection avec elle et à en devenir la seule organisatrice et traductrice, aidée par sa compagne Grace Frick…Outre le plaisir toujours renouvelé d’être en compagnie d’une auteure qui connaît les circonvolutions et les paradoxes de l’âme humaine («  Ne pas changer, loin d’être toujours une preuve de fidélité envers soi-même, constituait parfois une transformation aussi grave et plus insidieuse que le changement  »), l’intérêt particulier du livre provient de ce qu’il aborde une période sur laquelle elle est restée discrète : la guerre et son après. «  Contrairement à ce que l’on croyait, faute de documents, les années 39-49 sont fécondes et l’exil en Amérique, loin de provoquer épuisement de l’énergie créatrice et désarroi permanent, est utilisé au maximum par Yourcenar pour se lancer dans des formes d’écriture nouvelles ou en continuité avec ce qu’elle avait précédemment entrepris.  » (Avant-propos). La correspondance est intense depuis l’embarquement de l’écrivaine à Bordeaux en 1939, elle s’interrompt pendant le conflit mondial, pour reprendre, très nourrie, à partir de 1945. Après 1948, quand la maison J.B. Janin aura déposé le bilan, elle se tarira. À la fin du volume sont ajoutées quelques lettres de Yourcenar à Madeleine Boudot-Lamotte, la sœur d’Emmanuel, notamment à propos de l’édition allemande des Mémoires d’Hadrien . L’ultime missive, datée du 24 avril 1980, parle à cette dernière, en ces termes, de Grace Frick, décédée quelques mois plus tôt : «  Depuis huit ans, la situation où se trouvait Grace (cancer généralisé) était si cruelle, que, malgré quelques magnifiques et brèves remontées, on ne pouvait plus lui souhaiter de vivre.  » Triste, beau et réaliste. Michel Zumkir   [1] Lettres à ses amis et quelques autres , Gallimard, 1995 et coll. « Folio », n° 2983, 1997 ; D’Hadrien à Zénon, Correspondance 1951-1956 , Gallimard, 2004 ; « Une volonté sans fléchissement ». Correspondance 1957-1960 (D’Hadrien à Zénon, II), Gallimard, 2007 ; « Persévérer…