L’heure de la vérité

À PROPOS DE L'AUTEUR
Albert Ayguesparse

Auteur de L’heure de la vérité

Né avec le siècle, le 1er avril 1900, Ayguesparse, qui vit et travaille depuis près d'un siècle dans la même maison bruxelloise, est le fils de Gustave Clerck, imprimeur-lithographe. Le pseudonyme de l'écrivain, Ayguesparse, sera officialisé en 1967. D'abord marqué par la guerre de 1914, il s'enthousiasme pour la révolution de 1917, se passionne pour les problèmes politiques et les phénomènes sociologiques, lit Jaurès, Marx, Sorel, Plekhanov, Lafargue, Lénine et Trotski. En 1919, il devient instituteur à Forest, commune ou il enseignera jusqu'en 1953. C'est en 1923 qu'il publie son premier recueil, Neuf offrandes claires. En 1924, il épouse Rachel Tielemans, qui sera la compagne de toute une vie et lui donnera une fille, Viviane. Les années qui vont de 1925 à 1935 sont marquées par des rencontres fondamentales, celle de Charles Plisnier entre autres. Il collabore à de nombreuses revues, belges et surtout françaises, participe à la création du Front littéraire de gauche (1933) destiné à lutter contre le rexisme, mouvement d'extrême-droite. En outre, avec Pierre Hubermont et Francis André, il fonde la revue Tentatives (1928-1929) puis, avec Plisnier, Prospections (1929-1931) et Esprit du temps (1933). Malgré (ou grâce à) cette activité intense, Ayguesparse publie ses premiers recueils déterminants Derniers Feux a terre (1931), Aube sans soutiers (1932), Prometteurs de beaux jours (1935). De longues laisses lyriques y chantent avec fougue et un tempérament de visionnaire la beauté du monde humain, menacé ou lacéré par les convoitises ou par la brutalité du capitalisme. Ces idées généreuses, qui vont bien au-delà de l'hagiographie socio-politique, s'expriment, sous une autre forme, mais avec autant de force dans deux essais déterminants de l'époque, Machinisme et culture (1931) et, surtout, Magie du capitalisme (1934), ouvrage vraiment fondamental qui, avec une prescience peu commune, renvoie dos a dos ultra-libéralisme américain et stakhanovisme soviétique. Durant la période qui précède directement la seconde guerre mondiale, Ayguesparse donne l'impression de se battre sur tous les fronts, tant humains que littéraires. En 1936, sa rencontre avec Luc Decaunes va lui permettre de collaborer a l'excellente revue Soutes. La même année, il collabore à Combat, hebdomadaire littéraire anti-rexiste. Il poursuit son travail de poète avec La Mer à boire (1937) et La Rosée sur les mains (1938) mais, surtout, il inaugure son œuvre romanesque avec, en 1940, son premier roman important, D'un jour à l'autre, portrait d'une bourgade imaginaire où s'affrontent le patron paternaliste et cauteleux d'une petite entreprise industrielle, rivée à l'état d'esprit du dix-neuvième siècle, et un monde ouvrier qui prend peu à peu conscience de sa force et des ses espoirs. Mais, avant tout, Ayguesparse apparaît ici comme un portraitiste sans pitié du monde petit-bourgeois, peuplé d'êtres veules et lâches, au sein d'une cité de province où tout le monde se connait et s'épie. À la Libération, après cinq ans de silence volontaire et avec quelques étudiants de l'Université libre de Bruxelles, il fonde la revue Marginales, qui d'entrée de jeu, et durant ses quarante-six ans d'existence, apparaîtra comme une revue-phare des lettres belges et internationales. Désormais, Ayguesparse va donner à la littérature le pas sur l'action politique. Il poursuit son travail de critique, entre autres au Soir (de 1953 à 1973). Parmi ses œuvres majeures de la période 1945-1960, il convient de citer, en poésie, Le Vin noir de Cahors et Encre couleur du sang (1957). Sur le plan romanesque, des romans comme L'Heure de la vérité (1947) ou Une génération pour rien (1954) le situent enfin au premier plan. Comme dans Notre ombre nous précède, qui reçoit le prix Rossel en 1952, ou Simon-la-bonté (1965), Ayguesparse y déploie ce qui constituera les thèmes-clés de son univers romanesque : une grande pitié pour les battus de la vie; la femme-amazone, conduisant l'homme vers la misère et la mort; l'amour de l'argent qui apparait comme une vaste métaphore de la destinée; et la puissance de ce même fatum dont l'homme ne s'affranchit jamais, malgré d'illusoires répits. Si la lumière de l'espoir éclaire encore une part de l'œuvre, c'est essentiellement dans la poésie qu'il faut aller l'y découvrir contrairement au roman, la femme, l'amoureuse au sens éluardien, livre à l'homme les clés du monde et du jour, sauve sa destinée de l'absurdité et du néant. Tel sera le leitmotiv d'œuvres comme Les Armes de la guérison (1972), Pour saluer le jour qui naît (1975) ou Arpenteur de l'ombre (1980), recueil qui ouvre, en poésie, l'ère des bilans dont seront faits les recueils déterminants du grand âge, recueils dans lesquels Ayguesparse ressource et renourrit véritablement son inspiration pour dire tous les déchirements absurdes de la condition humaine au sein d'un monde de feu, de fer et de sang (en témoignent des recueils comme Lecture des abîmes ou La Traversée des âges). Ajoutons qu'à l'aube des années soixante, Ayguesparse aborde magistralement l'univers de la nouvelle, dont il ne cessera de proclamer la spécificité par rapport au travail romanesque et sur le plan du rythme du récit (citons, entre autres, Selon toute vraisemblance en 1962, Le Partage des jours en 1970 ou La Nuit de Polastri en 1985). Peu à peu, Ayguesparse connaît une véritable consécration : poèmes traduits en tchèque, italien, espagnol, russe et roumain; Prix triennal de littérature (1954), élection à l'Académie le 10 février 1962, au fauteuil de Charles Bernard; prix Bernheim en 1983; prix Mockel en 1988 et Prix quinquennal en 1995. Cette gerbe d'honneurs n'a rien changé ni à son œuvre ni à sa démarche : du côté de l'homme humilié contre le seigneur, de l'amour contre l'imposture, Ayguesparse apparait de plus en plus comme un témoin capital de notre siècle. Un témoin enfin mis à sa vraie place par le biais d'une œuvre qui ne cesse et ne cessera d'émettre son unique et envoûtant rayonnement. Il décède le 28 septembre 1996.

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