Une jeune femme reçoit un message sur Facebook. C’est l’amorce d’un piège suffocant à l’heure du numérique, quand la fatalité n’a d’autre nom qu’un insidieux et inexorable harcèlement.
Dans ce roman âpre, où la narratrice ne se dessine qu’au travers d’agressions accumulées, de messages insistants, où l’atmosphère étouffante s’accentue à mesure que la dépossession se transforme en accusation, Myriam Leroy traduit avec justesse et brio l’ère paradoxale du tout écrit, de la violence sourde des commentaires et des partages, de l’humiliation et de l’isolement, du sexisme et du racisme dressés en meute sur le réseau.
Autrice de Les yeux rouges
L’univers des réseaux sociaux et des échanges écrits qui s’y déroulent inspire peu à peu les auteurs de romans, donnant une nouvelle forme d’expression au genre épistolaire de longue date exploité par les gens de lettres. Correspondance réelle ou simple prétexte à une mise en forme d’un récit, il est pratiqué dans Les yeux rouges sous une variante seconde, dans la mesure où la narratrice nous relate le contenu des envois reçus sans nous les livrer donner in extenso.Tout débute avec un message d’un homme qui se présente comme un admirateur qui souhaite entrer en contact avec la journaliste dont il apprécie les chroniques. Cette dernière a en commun avec l’autrice de sévir au sein des services d’un opérateur public et de…
Un an et demi après Ariane, la journaliste et écrivaine belge Myriam Leroy nous livre un second roman très sombre, à l’atmosphère oppressante, qui nous confronte brutalement au sexisme et au harcèlement rendus plus pernicieux encore par les réseaux sociaux.
Julien Noel
20 mars 2020
C’est le premier livre que je lis de cette autrice. D’emblée, j’ai été impressionné par la technique de narration en creux, qui distribue la parole à toustes sauf à la protagoniste. Étant donné le sujet, j’ai trouvé ce procédé très habile, puisqu’il invisibilise la parole de la victime tout en laissant une large place aux justifications du harceleur, aux remarques minimisantes de l’entourage… Le portrait psychologique du harceleur est très crédible et l’ambiance générale des réseaux sociaux est habilement rendue. Ce roman réussit le pari de marcher sur la crête, en s’appuyant largement sur l’idiome et les codes d’internet, mais sans non plus glisser franchement vers le stéréotype (les portraits des différents praticiens sont moins subtils, à cet égard). Il en ressort presque aussitôt un sentiment de malaise, de se sentir si proche d’une réalité avérée, en outre concentrée par la fiction qui lui confère une unité d’action.
Si ce livre brille par sa narration, il pèche par sa dramaturgie. J’ai en effet le sentiment qu’il peine à se conclure. Le procédé de la nouvelle insérée, vers sa fin, eût pu constituer une mise en abyme intéressante (enchâsser un texte explicitement présenté comme fictionnel accentue certes l’aspect réel du récit enchâssant) mais n’a pas eu son plein effet sur moi, qui me suis agacé de cette redite dont le format long brise le rythme créé par un récit auparavant uniquement constitué de fragments. Le livre s’achève donc sans réel point d’orgue, et sa conclusion m’apparait également faible, en ce qu’elle ne constitue pas à proprement parler une chute, ni un dénouement suffisamment marquant, au regard de l’intensité qu’avait adopté le récit dès ses prémisses.
Les Yeux rouges constitue néanmoins une lecture engageante (je n’oserais écrire qu’elle est agréable, vu son sujet) et à tout le moins intéressante. C’est un livre résolument moderne, tant par son propos que par la langue souple qui y est déployée ; il en dit sans doute long sur certaines tendances à venir de la littérature.