Se retrouver propriétaire d’un claque à 24 ans quand on est journaliste, s’imaginer que l’on va revêtir le costard croisé crème, les pompes bicolores, et pourquoi pas le borsalino… Antoine Daillez n’a pas le cœur à sourire.
1984, à Bruxelles, ville en pleine mutation architecturale, Antoine vient d’hériter d’une maison léguée par son grand-père, ancien patron de multinationale et poète à ses heures. Une maison dont il ignorait l’existence, située derrière la gare du Nord, au cœur du quartier des vitrines de Bruxelles et qui abrite un bar, l’Alexandrie, qui ne doit pas sa réputation à ses qualités limonadières…
Bientôt, drames et incidents vont se multiplier autour de l’Alexandrie qui semble susciter bien des convoitises. Sa locataire, la vieille Mémé Tartine, une sorte de mère Térésa pour les travailleuses du quartier, est retrouvée assassinée sur une voie de chemin de fer toute proche. Des skinheads s’en prennent allègrement à la façade du bar, puis à, Gudule, sa patronne et même, à Sonia, l’une de ses employées. Manœuvres de quelque proxénète local ? Assurément pas, le look « crâne rasé et croix gammée » n’est pas celui de Monaco, le patron de la pègre prostitutionnelle qui veille et protège l’Alexandrie à cause d’une dette de reconnaissance à l’égard du grand-père d’Antoine. Protection, par ailleurs, un brin envahissante…
Mais alors, que vient faire ce commissaire de PJ, faux jeton accompli dont l’urbanité dissimule la gâchette facile et des idées inspirées des dictatures latino-américaines ? En quoi cet établissement intéresse-t-il le leader d’un parti d’extrême droite flamand ?
Ces réponses, Antoine Daillez devra les chercher dans la jeunesse de son grand-père, avec l’aide de Martial Chaidron, inspecteur de la brigade des mœurs, et de Piotr Bogdanovitch, historien de son état. La clé de l’énigme n’est pas belle à voir : le grand-père n’était pas seulement collabo, mais une ordure dont la période trouble de la guerre gêne aujourd’hui les partis indépendantistes ou d’extrême-droite en passe de redorer leur image en polissant leur discours, en l’édulcorant pour le rendre plus fédérateur. Antoine y trouvera un secret que les nostalgiques de l’Occupation auraient préféré refouler. Du grand jeu politique donc, mais d’un trouble, d’une crasse, sous lesquels pourtant, quelque part, se trouvait un homme, avec ses raisons, ses faiblesses, ses secrets – pas forcément politiques.
Aujourd’hui, derrière la gare du Nord de Bruxelles, les vitrines ont été démolies, elles ont cédé la place à des bureaux. Après les crises successives, la capitale de l’Europe s’est remise à apprivoiser les rêves du XXIe siècle et les tours ont repris leur envolée vers le ciel. Bruxelles, ville sans mémoire, où l’on préfère faire table rase du passé pour mieux reconstruire. Mais sur quelles bases ?
Avec Les Sirènes d’Alexandrie, son premier livre, François Weerts donne un roman noir dans la meilleure tradition. Celle qui sait mener, avec son lot de violence et d’amour, une intrigue dont les bases sont avant tout humaines, et cela sur un fond social urbain où misères et espoirs, qu’ils soient communs ou individuels, sont de toute façon balayés par le grand vent de l’Histoire.
Auteur de Les Sirènes d’Alexandrie
Quinze ans après sa création, la maison d’édition Versant Sud se lance en littérature de jeunesse et met en…