Auteur de Les profs au feu et l'école au milieu
Né le 30 mars 1958 à Ixelles.
Licencié en Philologie romane à l'Université libre de Bruxelles. Professeur de français à l’Athénée Fernand Blum de Schaerbeek
Mes romans s'inspirent de la vie, du quotidien; ils parlent de moments et d'êtres qui nous rencontrent tous. Je travaille le matin. J'écoute le silence et c'est de lui que naissent mes mots, dans l'ouverture que je peux avoir sur le monde. Et, quand j'ai fini mon premier jet, je relis, je relis et je relis encore.
Lauréat d'une Bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Aide au projet, 2008
Jean Ray / Thomas Owen. Correspondances littéraires
Commençons par la préface qui cadre bien les enjeux du livre. Arnaud Huftier y fait remarquer l’importance du « principe associatif » dont use la critique : un nouvel auteur est comparé à un auteur bien connu. Comparaison nécessairement réductrice car elle néglige des qualités de l’écrivain mais aussi d’autres aspects du champ littéraire. Mais, à terme, elle permet cependant à ce nouvel auteur de jouer de cette référence, de se positionner et de se construire une personnalité littéraire propre, en accentuant ce qui le différencie de l’auteur à qui il est comparé : il peut devenir « autonome ». Avant éventuellement – mais après combien de temps ? – de devenir lui-même une référence. C’est ainsi que l’on a qualifié Jean Ray d’« Edgar Poe belge » ou de « Lovecraft flamand », avant qu’il ne devienne lui-même la référence pour Thomas Owen. A. Huftier propose encore une autre réflexion intéressante : cette démarche associative postule une « communauté d’esprit » qui délimite un « genre », mais sans qu’il faille théoriser ce genre. Aux yeux des lecteurs, un texte sera fantastique ou belge parce que la critique aura établi des associations qui justifient de le placer dans le même « rayon ». Ce qui ne va pas sans clichés et lieux communs, non argumentés ou non prouvés.Dans ce cadre ainsi résumé, le livre de Jean-Louis Étienne présente les rapports entre Jean Ray et Thomas Owen et leur évolution dans le temps au fur et à mesure que leur statut respectif change, dans le contexte du développement de la notion, justifiée ou non, d’école belge de l’étrange.Thomas Owen a, très jeune, admiré l’œuvre de Jean Ray, de 33 ans son aîné. Au début de sa carrière, il va ouvertement revendiquer une filiation par rapport à celui-ci, qui sera petit à petit retravaillée, jusqu’à être finalement niée. Au début, il va faire de nombreuses mentions des textes de Ray, en répétant cependant trois leitmotivs : il n’est pas un disciple de son aîné ; il n’a pas été influencé par ses thèmes ou son style ; Jean Ray a été « un révélateur, toujours encourageant, pittoresque ». En 1987, Owen résume ce qui, à ses yeux, le différencie de son prédécesseur en fantastique : « Chez Jean Ray, le monstre enfonce la porte. Chez moi, il souffle un peu de fumée à travers la serrure. »De son côté, Ray va, après la Seconde Guerre, s’approprier Thomas Owen, confortant ainsi son statut de « maître » et singulièrement de maître de la dite école belge de l’étrange. Au vu des extraits de leur correspondance repris dans l’ouvrage, les relations entre les deux hommes semblent être vraiment cordiales et même amicales. À la mort de son mentor en 1964, Owen va cependant, plus librement, se distancier de celui-ci et s’autonomiser. Les notices accompagnant ses publications, qu’il rédige ou relit alors, ne font progressivement plus mention de son « maître ès fantastique ».Sur un point, Owen ne s’est pourtant jamais repris : la « légende » de Jean Ray. Il avait été un des principaux propagateurs des faits à la fois sombres et héroïques attribués au Gantois (trafic d’alcool, marin expérimenté, ascendance sioux, etc.), allant même jusqu’à décrire dans une de ses nouvelles une visite au cimetière de Bernkastel en compagnie de Ray – où celui-ci ne s’est jamais rendu – et continuant à l’affirmer véridique. Étrangement, dans l’entretien de 1987, il regrette même la disparition de la légende au profit de la vérité historique. : « Henri Vernes s’efforce de maintenir la légende, comme Van Herp, comme moi-même. Nous menons un combat qui devient de plus en plus difficile. Pourquoi ce combat ? C’est tellement plus beau… Je l’aimais bien, je l’aimais pirate, et lui aimait d’être aimé pirate. »L’étude, foisonnante, s’appuie sur de nombreux documents illustrant le propos. Joseph DUHAMEL…
« Peut-on revendiquer le titre de journaliste en restant dans sa bulle, sans…
Cultures des lisières. Éloge des passeurs, contrebandiers et autres explorateurs
Cultures des lisières. Un beau titre, plein de promesses, au sous-titre excitant Éloge des passeurs, contrebandiers et autres explorateurs , pour le livre dans lequel Jean Hurstel, acteur passionné, engagé de la vie culturelle, particulièrement dans le domaine théâtral, retraverse son parcours avec autant de rigueur que de franchise et de sensibilité.De Strasbourg où il s’inscrit à seize ans à l’École supérieure d’Art dramatique, qui vise à former des acteurs pour aller au-devant des publics populaires, puis, étudiant en philosophie à l’Université, y créait le Théâtre universitaire, à Bruxelles où il préside depuis dix ans les Halles de Schaerbeek, c’est un itinéraire aux multiples étapes qu’il revit avec nous. Porté par l’ardente conviction que toute politique culturelle doit se fonder sur l’histoire de l’art, la création artistique, mais aussi sur la rencontre avec les populations trop souvent oubliées de la culture officielle, celles des zones industrielles désaffectées, des périphéries urbaines, des campagnes abandonnées. Tout juste sorti du Centre dramatique, il participe avec d’autres jeunes comédiens aux Tréteaux de l’Est qui partaient, à bord d’un autocar brinquebalant mais « dans la grande ferveur des commencements », convertir les populations villageoises de la plaine d’Alsace aux beautés de la culture par la grâce du théâtre. Mais ces militants enfiévrés du théâtre populaire ne trouvaient, au bout de leurs périples, qu’une maigre assistance de notables (sous-préfet, maître d’école, pharmacien…) et jamais le public populaire espéré.Impossible d’en rester là, de renoncer à ce rêve de porter la culture à ceux qui en sont éloignés.Jean Hurstel fait ses premières armes d’animateur culturel à Belfort (1969-1970), invité par le comité d’entreprise de l’usine Alsthom. Il propose aux ouvriers de mettre sur pied un atelier théâtral pour monter deux œuvres originales qui seront pleinement d’eux et à eux. La réponse sera magnifique. Nous suivons la construction collective d’une fiction à partir des récits-témoignages de chacun. Œuvre commune, transposée à la scène et jouée dans des cantines d’usines, sous une tente de cirque, dans les combles d’un collège… L’animateur novice n’oubliera jamais « l’énorme potentiel de créativité et d’énergie de ceux d’Alsthom ».Après Belfort-Alsthom, Montbéliard-Peugeot. Engagé au Centre d’Action culturelle de la ville dont Peugeot est « le moteur, l’aimant, le centre », il décrit « un intense voyage de sept ans » qui commença par les visites aux ouvriers de l’usine Peugeot, dans leurs blocs bétonnés, qui accueillent amicalement « cet hurluberlu venu d’une planète inconnue appelée la culture ». Entretiens, échanges, reconnaissance mutuelle. « Petits brandons allumés soir après soir dans les salons des tours HLM », qui produiront, ici un feuilleton théâtral ; là un atelier créatif pour les jeunes, prompts à la bagarre, où la sœur de Simone de Beauvoir, Hélène, plasticienne, invitée à s’y investir, fera merveille, désamorçant les querelles par ses façons délicates et respectueuses envers eux. Les idées germent, des liens se nouent. Culminant dans une grande fête envahissant le centre-ville, le quartier « des gens bien », pris d’assaut dans l’allégresse de cortèges hauts en couleur.À cette époque, Jean Hurstel prend part à des sessions du Conseil Européen et se lie d’amitié avec des représentants de notre ministère de la Culture, tel Henry Ingberg, et collabore à diverses initiatives en Belgique, notamment l’action du Théâtre de la Communauté de Seraing et le lancement de la Formation des comédiens-animateurs.L’aventure se poursuit, contée avec verve, émaillée d’anecdotes, de portraits croqués sur le vif, d’expériences variées, de hauts et de bas, mais gardant le cap : « Allumer de minuscules feux en espérant grande flambée ».Objectif : varier les démarches, chercher toujours de nouveaux chemins vers l’autre, inventer des approches d’un échange vrai, découvrir et promouvoir un imaginaire populaire, ouvert et fraternel. « Il faut toujours rêver ses révolutions avant de les accomplir. »En 1978, il est nommé directeur de l’Action culturelle du Bassin houiller lorrain, sa terre natale, « le pays des mines et des frontières », appelé aujourd’hui Moselle Est, comme s’il fallait effacer toute trace de son passé, « faire table rase de tout repère ».Jean Hurstel n’a cessé de combattre pour la diversité des cultures, contre la hiérarchie établie entre la Culture unique, universelle, l’Art, et les cultures populaires, regardées avec une sympathie condescendante. Or elles ne sont pas antagonistes mais complémentaires.Autre enjeu : dépasser les clôtures non seulement sociales mais aussi nationales. Avec quelques amis, il fonde en 1990 le réseau Banlieues d’Europe, sous l’invocation « l’art dans la lutte contre l’exclusion », qui se voue à repérer, éclairer des projets artistiques, au plus près des quartiers populaires, le plus souvent ignorés des autorités et des médias. À forger entre eux une chaîne de solidarité, de Belfast à Bruxelles, de Lyon à Bucarest. C’est ainsi qu’il salue Bernard Foccroule, à la base de l’association Culture et Démocratie, très active en faveur de la diversité culturelle et sociale de notre pays. Banlieues d’Europe, que Jean Hurstel préside pendant plus de dix ans, tient des réunions annuelles, notamment à Bruxelles, Anvers, Liège…Sur la proposition de la municipalité, il revient à Strasbourg pour diriger un futur centre consacré à la diversité des cultures. À ce Centre Européen de la jeune Création succède le Théâtre des Lisières, qui déploiera une activité effervescente, passionnante (entre toutes, il se souvient de la lisière avec les cultures turques), mais sera bientôt menacé, puis condamné.Et pourtant, « le monde des cultures reste à explorer, à faire vivre, à mettre en lumière ». Face au « royaume sublime des institutions culturelles officielles, légitimes, seules habilitées à nous offrir les biens et services culturels de ce temps », il importe de célébrer les passeurs, contrebandiers et autres explorateurs, qui franchissent hardiment la frontière et s’aventurent dans l’autre monde, complexe…