Des aphorismes, j’en ai lu, j’en ai écrit, j’en ai exposé sur des cordes à linge, dans des cadres, sur des murs de briques, j’en ai déclamé, j’en ai refusé, j’en ai adoré, j’en ai vu sur des boucles d’oreille, sur des badges, sur des façades, sur des ponts, sur des autobus… J’en ai imaginé dans le ciel ou sur la lune, j’en ai publié dans des livres, sur les réseaux sociaux, sur des cartes postales.
Ces lectures m’ont interrogé.
L’aphorisme, est-ce de la pensée qui pétille ?
L’aphorisme est-il de droite ou de gauche ?
L’aphorisme enferme-t-il, morcelle-t-il la réflexion ou au contraire, la libère-t-il ?
L’aphorisme est-il le mode d’expression préféré des misanthropes ?
L’aphorisme est-il soluble dans la Chimay bleue ?
L’aphorisme est-il fulgurant ou mûrement réfléchi, taillé, poli ?
L’aphorisme, est-ce de la littérature de paresseux ?
Pour répondre à ces questions, je me suis plongé dans les livres et dans les manuscrits (même certains qui ne furent pas publiés !) et j’ai repéré, noté, collectionné, amassé tous les aphorismes qui évoquent l’aphorisme.
J’ai questionné les auteurs, interpellé d’autres copieurs de citations, j’ai interrogé l’histoire, j’ai lu de complexes études littéraires, me suis aventuré dans de lourdes anthologies…
Il en ressort un constat essentiel : il faut user de l’aphorisme comme d’un dentifrice, ainsi que l’observe Achille Chavée. L’aphorisme rend les dents blanches, rafraîchit l’haleine, contribue à l’hygiène buccale, prévient la carie dentaire, bref il est indispensable… puisqu’il ne sert à rien (dixit Francis Chenot).
De ce voyage parmi ces mille et quelques aphorismes (vaguement) classés alphabétiquement, le lecteur sortira repu, avec le sentiment qu’il existe autant de définitions de l’aphorisme que de pâquerettes dans une pelouse, qu’il existe des aphorismes ténébreux, mystérieux, hermétiques, érotiques, cinglants, cyniques, humoristiques, scabreux, nihilistes, satiriques, narratifs, absurdes, irrévérencieux, poétiques, surréalistes, dadaïstes, philosophiques, moralisateurs, écologistes, engagés, militants…
Auteur de Les phrases du silence
Parmi les genres littéraires ayant l’habitude de se retourner et de pirouetter sur eux-mêmes, de s’auto-commenter, se définir jusqu’à la non-définition, de se dé-positionner et re-positionner dans le royaume de la littérature, l’aphorisme est un des rois. Roi ? Malandrin ? Les aphoristes, s’ils valorisent leur genre, le portent davantage au pinacle des voyous, des dissidents, des mal élevés, des cousins péteurs plutôt qu’au panthéon littéraire. J’écris cela un peu dizzy après le tourbillon que provoquent Les phrases du silence. Aphorismes sur l’aphorisme et quelques autres formes brèves.En effet, ce recueil réunit plus 1 500 aphorismes (je ne les ai pas dénombrés car je ne voudrais pas être comparé…