Pas un instant l’homme n’avait imaginé ressentir une si sauvage délivrance à exécuter son crime. Au mieux pen- sait-il être troublé, peut-être même lointainement chagriné du fait qu’il connaissait (ou croyait connaître) sa victime ; or rien de cela. Il avait toujours compté pour acquis que le nirvana de l’excitation n’était accessible que sur sommier, entre une paire de jambes appartenant si possible au sexe opposé, et que dans la même veine seule une mauvaise performance au lit pouvait occasionner un paroxysme de tristesse. Stupide.
La jouissance du crime, non seulement écrasait toute notion de chagrin, mais était supérieure à tout ce que son esprit pouvait concevoir en matière de plaisir et à plus forte raison supérieure aux joies du sexe, cette dernière ne vous attirant qu’ennuis bien injustes. Tuer : une expé- rience suprême, une façon étriquée mais catégorique de réfuter tout ce que nos parents nous ont appris de bonne conduite.
Dans sa main, le poignard montrait un empressement scandaleux à fouiller le ventre de sa victime, recroquevillée au sol dans l’ombre étirée de son tueur. Debout près de ce théâtre morbide une femme pleurait, les mains sur la bouche, les yeux explosés de terreur, chancelant comme si elle-même était visitée par une lame.
Auteur de Les lettres écarlates
Lucas MOMMER , Micro-drames , Cactus inébranlable, coll. « Microcactus », 2024, 110 p., 10 € , ISBN : 978-2-39049-105-7Chaque…