Lorsque Jean Detrez, qui travaille à la Commission européenne, a commencé à s’intéresser de manière professionnelle à l’avenir, il s’est rendu compte qu’il y avait une différence abyssale entre l’avenir public et l’avenir privé. La connaissance, ou l’exploration, de l’avenir public, relève de la prospective, qui constitue une discipline scientifique à part entière, alors que la volonté, ou le fantasme, de connaître son propre avenir relève du spiritisme ou de la voyance. Mais a–t-on toujours envie de savoir ce que nous réservent les prochains jours ou les prochaines semaines, a-t-on toujours envie de savoir ce que nous deviendrons dans un futur plus ou moins éloigné, quand on sait que ce qui peut nous arriver de plus stupéfiant, le matin, quand on se lève, c’est d’apprendre qu’on va mourir dans la journée ou qu’on va vivre une nouvelle aventure amoureuse ou sexuelle dans les heures qui viennent ? Le sexe et la mort, rien ne peut nous émouvoir davantage, quand il s’agit de nous-même.
Le moment est donc venu de dire un mot de la vie privée de Jean Detrez.
Auteur de Les émotions
Si l’on s’en tient aux fondamentales et primaires, telles que répertoriées par de nombreuses études scientifiques à la suite du psychologue américain Paul Ekman, les émotions seraient au départ, chez tout individu masculin et féminin, et quelle que soit sa culture, au nombre de six. Six émotions qui vont de la plus positive, la joie, à la plus négative, le dégoût, et quatre autres qui tendent souvent vers la négativité : la peur, la surprise (quoiqu’il puisse y avoir de joyeuses surprises), la tristesse, la colère. Le dégoût reste la plus destructrice des émotions, et elle cumule malheureusement d’autant plus de phases intensives et graduelles lorsqu’elle advient par surprise, sous l’emprise de la peur et de la tristesse.L’émotion…
Que dire de l’imprévisible quand on est justement chargé de prédire l’impossible ? Que dire de nos émotions quand celles-ci restent étouffées dans les « et si…? ». Quand on a pour travail la prospective de l'avenir public de l’Europe comme le narrateur de Les Émotions de Jean-Philippe Toussaint, n’est-on pas tenté de regarder de plus près notre avenir privé ?
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