Le voyage en Oïlie : Chapitre lorrain

À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-Luc Geoffroy

Auteur de Le voyage en Oïlie : Chapitre lorrain

Perpétuel boute-en-train, homme à tout faire, homme orchestre, homme de main, homme de lettres et homme de cœur, Jean-Luc Geoffroy est un des piliers du Service du Livre luxembourgeois. Sans compter sa peine, depuis près de vingt ans on le rencontre à tous les rendez-vous importants pour la diffusion des livres, partout en Belgique, en Europe et même au Québec... Sans relâche, par train, par camion, par voiture et par avion, il s'emploie à faire connaître hors de nos frontières la littérature de la Communauté française de Belgique. Cet accaparement de tous les instants fait peut-être oublier que Jean-Luc Geoffroy compte aussi une solide activité littéraire personnelle : poésie et surtout nouvelles. Par un étrange paradoxe, d'ailleurs, très en contraste avec l'homme, cette production s'avère rarement optimiste et se range plus volontiers sous le signe d'une certaine gravité. Plongée dans un état de veilleuse pendant quelques années, l'écriture de Jean-Luc Geoffroy a connu ces derniers temps un important regain de vigueur avec des collaborations à différentes revues et surtout la publication de deux recueils de nouvelles. Né à Pétange (Grand-Duché de Luxembourg) le 21 juin 1953, mais issu d'une famille virtonnaise, Jean-Luc Geoffroy est un Gaumais pure souche. C'est à Virton qu'il passa son enfance et fit ses humanités à l'Athénée Royal avec, notamment, Georges Bouillon et Claude Raucy comme professeurs. Attiré par la littérature et par la musique, il suivit pendant quelques temps les cours du Conservatoire de Luxembourg. Passionné par le théâtre, il joua dans la troupe Les Compagnons d'Athéna dirigée par Claude Raucy. Pendant plusieurs années, véritable homme orchestre tour à tour chanteur, comédien et musicien, il anima les Cabarets gaumais présentés en Gaume et à Bruxelles. Il fut également l'un des premiers rédacteurs de la revue gaumaise Le Gletton. Après des études de traducteur en anglais et espagnol à Bruxelles, Jean-Luc Geoffroy est, depuis 1978, responsable du Service du Livre luxembourgeois et de la Communauté française. Ce service édite les Dossiers L et présente les œuvres des auteurs de la Belle Province un peu partout, lors de foires du livre en Belgique (Namur, Redu, Chassepierre, Bellefontaine, Bruxelles) et à l'étranger de Luxembourg à Metz en passant par le lointain Outaouais québécois, la Suisse ou encore le Val d'Aoste. L'année 2004 sera celle où il se voit attribuer le Godefroid de la Culture, qui récompense chaque année une personnalité du monde culturel pour son rôle dans la province luxembourgeoise. Avec Savina de Jamblinne et quelques personnalités, il aide, en 2008-2009, à la création d'une émission littéraire sur la chaîne locale TV LUX. Cette émission (Livre-toi)connaîtra une évolution en trois phases et est actuellement animée par Jean-Pierre PIRSON. Jean-Luc GEOFFROY, pour pérenniser ces émissions, les produit en mini-DVDs, surtout à destination de l'enseignement, mais aussi du grand public. Il est nommé Directeur du Service du Livre (qu'il dirige en fait depuis 1978) en 2010. Il est admis à la retraite en 2014. Retour aux sources : il s'intéresse de très près au patois gaumais, celui de sa région natale... et en 2015, il prépare pour l'automne un seul en scène : La Gaume? Un monde! et, aux éditions Tintenfass (Allemagne), une version gaumaise du Petit Prince, d'Antoine de Saint-Exupéry. Le 11 octobre 2015, il reçoit des mains de Jean-Marie Fox, Président du Cercle Royal Gaumais de Bruxelles, le Grand Prix de Gaume (biennal).En janvier 2017, lance sa revue Vès l'compernez co? consacrée au dialecte gaumais. 48 pages de textes en gaumais (avec leur traduction en français) et un mini-CD avec des enregistrements du passé et actuels, en gaumais évidemment...Pour en savoir davantage :http://www.frego-et-folio.be/(Frego et Folio)

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Drôles de biète

Dans la petite île de « Bien loin là-bas », la radio annonce l’ouragan « Quel bazar » qui s’approche méchamment. Les habitants sont priés d’évacuer dans les plus brefs délais car tout va être détruit. Kamékona qui s’occupe du petit zoo local, ne veut pas abandonner ses animaux à leur triste sort. Que deviendraient Fleurette la girafe, Clémencin le zèbre, Nicéphore l’éléphant et Philogène le rhinocéros ? Soudain, il se souvient de son oncle Adémar, parti vivre en Belgique après avoir suivi un amour de vacances. Kamékona espère bien que son oncle, qui vit dans une petite ferme retirée, voudra bien les accueillir quelque temps chez lui. À leur arrivée, l’accueil de Marguerite la vache, Edouard l’étalon, Josette la chèvre, Sidonie et Aglaée les deux oies, Augustin le lapin, Pépette et Kakette les deux poules n’est pas vraiment enthousiaste. Mais qui sont ces drôles d’animaux venu d’ailleurs, de bien loin, qu’est-ce qu’ils viennent faire aussi loin de chez eux, quelles sont leurs intentions ? La cohabitation s’annonce difficile mais, heureusement, un animal inattendu va apparaître et devenir l’interprète entre les deux tribus… Cette histoire a d’abord été écrite en langue picarde par Christelle Lemaire et illustrée par Caroline Lemaire. Elle a ensuite été adaptée dans quatre autres langues régionales : en wallon des régions de Bastogne, Charleroi, Liège et Namur. Ces adaptations ont été réalisées par Michel Francard, Jean-Luc…

Tchansons d’one miète pus lon. Chansons d’un peu plus loin

Les membres de la Société de langue et de littérature wallonnes, qui reçoivent ses publications ordinaires avant même qu’elles n’arrivent en librairie, auront certainement remarqué l’évolution de sa plus vaste collection, « Littérature dialectale d’aujourd’hui ». Au-delà du travail innovant réalisé sur les maquettes, il convient d’observer une inflexion dans le choix des textes : alors que, depuis une bonne décennie, elle proposait des œuvres d’écrivains confirmés — et parfois même des rééditions — voilà qu’ont paru coup sur coup deux premiers recueils. Si Al cwène dès djoûs de Jean Collette , qui réunit plusieurs suites de poèmes, semblait déjà une œuvre de maturité, ces Tchansons d’one miète pus lon marquent l’entrée en littérature d’un nouveau talent, par ailleurs l’un des cadets de la Société. (Qui se souvient que la « petite collection », comme elle est souvent appelée, fut composée à l’origine de plaquettes se réjouira certainement qu’elle joue à nouveau ce rôle de vivier.) Dire que Xavier Bernier est talentueux semble un euphémisme. Il appartient à une nouvelle génération de wallonophones qui, faute de l’avoir appris de jeunesse, ont dû prendre leur idiome à bras-le-corps, en interrogeant sans relâche des parents et en disséquant les meilleurs auteurs (ces chansons sont dédiées à la mémoire de deux maitres, Émile Gilliard et Auguste Laloux). L’on a peine à le croire tant il déploie une langue riche et précise, qui puise directement aux images et aux sonorités du parler de Crupet. Leur lecture rassurera certainement les amateurs quant aux capacités de régénération des lettres wallonnes, qui vivent une période charnière.Mais en miroir — il faut le reconnaitre — la rencontre d’un texte si exigeant peut faire craindre la pénurie de lecteurs. En effet, en dépit des efforts de l’éditeur, qui propose un rappel des principes de transcription Feller, une traduction française en vis-à-vis et cinq pages ramassées de notes et de glossaire, ce type d’œuvre reste difficile d’accès pour un public qui ne possède pas entièrement son wallon. Car si la version française restitue le sens, elle perd certaines allitérations, certains enjambements : Quèwéye d’aveûles au bwârd do trau Onk qui sît l’ôte, tot fiant come s’i Crwêreut qu’i veut pus clér qui li Waîte bin l’ bèle binde di laîds bâbaus ! [File d’aveugles au bord du gouffre / L’un suit l’autre en faisant mine / De croire qu’il voit mieux que lui / Belle bande d’idiots !] Et il en va de même pour les idiotismes, généralement intraduisibles. Dire que le piche-è-l’aye est désinvolte semble trop faible : il est en fait « pisse à la haie ». De même pour le tape-à-gaye (le gauleur de noix, qui frappe au petit bonheur la chance) et le tchîye-à-pouf (le « chie au hasard »), qui perdent aussi de leur saveur. C’èst mi qu’èst piche-è-l’aye Tape-à-gaye Tchîye-à-pouf C’èst vos, m’ fi, qu’èrite do bouzouf ! [Je suis désinvolte / Imprévoyant / Foireux / C’est toi, mon gars, qui hérites du bordel !] Ces deux extraits font entrevoir un thème important du recueil, à savoir les limites planétaires et la critique de l’individualisme. Xavier Bernier est en effet un auteur engagé, qui dénonce aussi la « Forteresse Europe » et la fast-fashion . Il est intéressant d’observer que, ce faisant, il renoue avec une tradition centenaire de la littérature en langue wallonne, qui a souvent — et notamment dans ses débuts moralistes — prêché le principe de l’égalité de tous devant les drames. Comme Nicolas Defrecheux a pu dire, dans des vers réédités à l’occasion de la dernière Fureur de lire , «  Qui t’ plèce so l’ monde seûye basse ou hôte, lès måleûrs todi t’ac’sûront  » [«  Que ta place sur le monde soit basse ou haute, les malheurs t’atteindront toujours  »]. Xavier Bernier tance le consommateur irresponsable : Ti t’ pous bin mète à djok su t’ twèt Ou d’djà ataquè à couru Gn’a pus qu’ deûs maniéres di moru Si ti n’ néyes nin, ti crèverès d’ swè [Tu peux te percher sur ton toit / Ou déjà commencer à courir / Il n’y a plus que deux manières de mourir / Si tu ne te noies pas, tu crèveras de soif] Est-ce à dire qu’il se place dans l’exacte continuité d’écrivains qui, avant lui, ont exalté en wallon la vie simple et la sagesse populaire ? Du tout. Il cherche plutôt sa propre voix, entre émerveillement du quotidien et solidarité par-delà les frontières, y compris les frontières taxonomiques. Mi, dji n’è vou nin, d’ vos racènes Èt dji n’ vou nin d’meurè stitchi Tot tchantant, mès pîds dins l’ansène Ou dins l’ crausse aurzîye do pachi [Je n’en veux pas, de tes racines / Et je ne veux pas rester fixé / Chantant, les pieds dans le fumier / Ou dans l’argile grasse du verger] Le meilleur exemple est sa Tchanson po lès mouchons , qui reprend un air traditionnel quelque peu carnassier. Mais, sous sa plume, « Dj’ê stî al tchèsse aus p’tits mouchons / Dj’ènn’ ê tuwè pus d’on million » [ « J’ai été à la chasse aux petits oiseaux / J’en ai tué plus d’un million » ] devient… Avoz choûtè lès p’tits mouchons Qui tchantenut chaque si p’tite tchanson ? [ As-tu écouté les petits oiseaux / Qui chantent chacun sa petite chanson ? ]Gageons que c’est grâce à de nouveaux bardes comme lui « Qui l’ môde va d’abôrd riv’nu do tchantè è walon / Èt r’chuflè dès-aîrs do timps d’ nos ratayons » [ « Que chanter wallon reviendra à la mode / Tout comme siffler des airs anciens » ]. Julien Noël Les traductions offertes ici sont les adaptations littéraires de l’auteur. Plus d’information Aves ces Tchansons d’one miète pus lon , Xavier Bernier se sert des mots percutants et des images fortes du wallon namurois pour explorer les questions du présent. Europe-forteresse, dérèglement climatique, mais aussi émerveillement devant la beauté, attachement à l’enfance, vie amoureuse… L’auteur envisage ces thèmes universels en puisant aux sources les plus locales (La Marie Doudouye) comme les plus exotiques (Cesária Évora ou Antonio Carlos Jobim). Ce recueil captivant, qui célèbre la diversité et l’héritage, et où chaque terme est choisi pour sa sonorité ou son rythme, est un appel à résister à l’uniformisation…