La route est devenue rose, ou peut-être l’était-elle déjà quand je roulais dans les virages, mais à présent le rose était partout, jusque dans le ciel et les hautes herbes. J’ai lâché l’accélérateur et la voiture est restée un moment silencieuse, suspendue dans un vide. Devant moi, le bitume se déroulait comme un ruban de soie couleur chair. Il montait tout droit jusqu’à un mur de sapins noirs, et une fois que je serais parvenu là-haut – je le savais tellement que ça me faisait mal –, toutes les lettres d’amour que ce ruban avait attachées s’envoleraient à jamais. Je ne repasserais plus dans cette vallée.
En 1897, Louis Soutter, peintre et violoniste suisse, débarque en plein Colorado, au pied des Montagnes Rocheuses. De son passage discret, peu se souviennent.
Pourquoi un homme débarquerait-il alors aujourd’hui, au volant d’une Buick, à la recherche des traces de cet artiste? Mimétisme ou curiosité? « J’allais me glisser dans ses chaussures, et je serais à côté des miennes. »
Seules quelques vieilles dames plongent dans les entrelacs de la mémoire et confient au regard du voyageur de rares souvenirs et des fragments de vies.
Le récit de Pierre Furlan démarre comme un road-movie. Un conducteur en route, en recherche, scrute le paysage. C’est la destination du narrateur qui donne à l’histoire sa clef. Le passé tisse alors ses liens avec le présent. La quête du peintre Soutter rejoint celle du narrateur, et celle de l’auteur. Un effet d’emboîtement et une écriture minutieuse portent ce texte intense.
Les monotypes d’Alain Petre développent paysages, envols et ombres dans l’infinie nuance des gris.
Certains l’ignorent, d’autres en rient. Elle est subie, acceptée, recherchée, quittée…