Le sentiment du fleuve


RÉSUMÉ

Le narrateur, Jérôme Mortensen, décide de s’installer chez son oncle dont il vient d’hériter. Vivre au jour le jour dans cet appartement est pour lui une façon d’en savoir davantage sur ce seul parent qui lui reste et que d’ailleurs il n’a pas connu. Mais c’est peut-être une mauvaise idée. L’immeuble est vétuste, la ville poursuivie par une mauvaise réputation (elle a enterré son fleuve), et l’oncle ne pratiquait pas un métier ordinaire puisqu’il gérait, non sans bizarreries, ce qu’il est convenu d’appeler un cabinet d’enquêtes. Quelques scellés sur la porte de son bureau attestent d’ailleurs que sa mort quelque peu mystérieuse a interessé les autorités locales.
Qu’à cela ne tienne, la vie recommence autour de Jérôme comme autour de son oncle Isaïe, la femme de ménage revient proposer ses services et d’anciens clients se manifestent. A la faveur de ces réapparitions, les langues vont peu à peu se délier, éclairant et voilant l’énigme de la disparition du vieil enquêteur. Car qui était cet homme dont Jérôme ne dispose que d’une photo ? Dans quelle nuit est-il disparu ? Et pourquoi, à son contact, le narrateur se voit-il peu à peu renvoyé à sa propre histoire ?
Dans un climat discrètement fantastique, comme si une réalité basculait lentement au profit d’une autre, François Emmanuel renoue ici avec sa veine policière



À PROPOS DE L'AUTEUR
François Emmanuel
Auteur de Le sentiment du fleuve
Né dans un pays «pluvieux et improbable», il fut toujours attiré vers d’autres paysages, le réel insoupçonné des rêves ou cet au-delà du visible que recherchent les poètes. Quelques puissantes déterminations le firent s’engager dans la voie de la médecine, il choisit sinon la fuite la tangente vers les chambres d’écoute de la psychothérapie. Le reste du temps, il se mit à composer comme les musiciens obstinés, penchés sur leur partition, une longue suite de romans et de nouvelles, quelques poèmes et quelques mélopées. Plutôt discipliné il aimait la désinvolture, plutôt idéaliste il détestait les bonnes âmes, classique il voulait voler le feu des lyriques, terrien il se prenait, bien à tort, pour un pur esprit. Né sous les signes opposés de la Vierge et du Verseau, il cultivait tant bien que mal sa nature double, commettant des «romans d’été» et «des romans d’hiver», les premiers tels des fantaisies douces amères, les seconds tels des offices de ténèbres, plus mats ou plus sonores selon les nécessités des livres ou ses emportements. La musique fut sa muse bâillonnée. Puisqu’il fut incapable d’en jouer tout petit, il lui construisit un immense tombeau de textes. Pas un livre qui ne l’assignât à une place précise, celle d’un piano enveloppé de journaux où jouait une mère morte, celle d’un quatuor aux notes dissonantes ou d’une cantatrice à la voix perdue. Dans l’étrange galaxie de ses fictions, les femmes furent autant d’astres qui lui indiquèrent les points de passage, les chemins d’initiation ou les lieux pour en définitive s’égarer. Il les plaçait dans son ciel à côté de certains vieux fous, errants, revenants et maîtres du silence. A l’un d’eux il fit dire «la vérité est vêtue d’un manteau de ténèbre dont la doublure est lumineuse», avouant ainsi ce qu’était pour lui l’entreprise du roman, une quête de l’"autre texte", toujours présent, toujours insaisissable. A propos de mon travail d’écriture : Comme beaucoup je suis entré dans l'écriture par la poésie, éprouvant peu à peu le temps du roman, ses exigences de construction, de tension progressive, de fluidité. Dans le roman j'ai puisé l'expérience de nos vies parallèles, plurielles et improbables, j'ai ressenti, mais presque en plus vrai, la même subtile morsure que je ressentais enfant lorsque la lecture m'égarait dans "l'arrière-pays" des livres, là où tout devient possible, les contours sont indécis, les mots les plus simples vibrent, "Votre geste se lève et s'arrête. Votre regard se brise. Eternellement". Alchimie du travail romanesque. Si le poème est fulgurance, le roman s'inscrit dans la durée. L'art y exigerait autant d'attention soutenue que de laisser-aller, autant d'acharnement que de désinvolture. Ce jeu délicat entre tenir et lâcher, prendre et déprendre, est au cœur du travail d’écriture. Mais l'authentique travail ne me semble jamais porter sur le texte lui-même, capricieux, fragile dans son surgissement. Il s'attache aux conditions d'avènement de celui-ci, la musique qui le porte, le climat, le pouvoir de surprise des personnages, la tension narrative. Chaque roman est ainsi lié par le ton qu'il s'est choisi, le monde insulaire qui est le sien. J'y vais en exploration. J'y délimite un champ où quelque chose peut advenir que je ne connais pas. Me retournant, avec un peu d'effroi, sur les mondes qui m'ont ainsi habité, je vois s'éployer une cartographie singulière. Il me revient que j’écris des livres graves, tendus, baignés par une lumière d’hiver, et des textes malicieux, désinvoltes, que l’on qualifie «d’été». Au delà de ce clivage, sans doute apparent, je repère des constantes, l'insistance du récit à investir les espaces frontaliers, crépusculaires, le voyage et l'errance comme une quête infinie de la dépossession, le lancinant secret des femmes, le regard, lieu même de l'altérité, l'omniprésence de la mort, "cette chambre voisine", ou enfin la conscience têtue d'un sens caché aux choses, poétique du réel autour de quoi l'écriture s'enroule comme le lierre étreint le tronc sans le connaître. 2 ŒUVRES QUE JE SOUHAITE FAIRE CONNAÎTRE Claude Simon, La Route des Flandres René-Louis Desforêts, Ostinato 3 LIVRES DE MA BIBLIOGRAPHIE Le Tueur mélancolique [pour la malice] La Leçon de chant [pour la musique] La Chambre voisine [pour le regard sur le temps]

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