Le journal d'Antigone : 1989 - 1997

RÉSUMÉ

« De 1989 à 1997, le personnage d’Antigone n’a cessé de m’habiter et d’orienter mes pensées et mon travail. Ce n’est cependant qu’au cours de l’été 1992 que j’ai senti qu’il fallait que je tente d’écrire ce livre. Pourquoi cette décision tardive ? Je pensais avant cela que j’avais dit tout ce que je pouvais dire sur Antigone dans mon roman précédent. Je ne me suis aperçu que lentement qu’Antigone avait continué à vivre et à évoluer en moi, depuis l’achèvement d’Œdipe sur la route, et que je devais me risquer avec elle dans une aventure toute nouvelle.

Œdipe sur la route se situait entre deux pièces de Sophocle, Œdipe roi etŒdipe à Colone, alors qu’Antigone se situe sur le terrain même de la tragédie de Sophocle. Deux ans et demi d’attente et de tâtonnements m’ont été nécessaires pour surmonter cette difficulté, en me disant que les moyens du roman n’étaient pas ceux de la tragédie et que je pouvais, moi aussi, tenter d’évoquer non pas une Antigone nouvelle mais une Antigone originelle.

De toutes ces recherches et des mouvements de mon écriture pendant que j’écrivais mon livre, ce Journal d’Antigone porte témoignage. Au fil des jours, il montre l’évolution de l’histoire d’Antigone, des changements qui se manifestent dans mes personnages et de mes problèmes d’écriture.

Ce Journal d’Antigone est beaucoup moins important que celui que j’ai tenu, j’ai tenté de ne garder que l’essentiel pour orienter le lecteur non vers moi mais vers Antigone. On s’étonnera dès lors qu’une large place soit accordée aux paysages de la Vienne et aux fleurs. C’est qu’ils ont été pour moi, souvent, passages et présence physique d’Antigone. »

Henry Bauchau

À PROPOS DE L'AUTEUR
Henry Bauchau

Auteur de Le journal d'Antigone : 1989 - 1997

Né à Malines, le 22 janvier 1913, Henry Bauchau voit sa petite enfance marquée par la première guerre et son entrée dans la vie active perturbée par la seconde. En 1914, la séparation prolongée avec sa mère entraîne chez lui un sentiment d'exil affectif qui sera difficilement surmonté. Plus tard, la honte de la capitulation de 1940, la déception face à l'échec des Volontaires du travail pour la Wallonie qui précède son engagement dans la Résistance, et la suspicion douloureuse des autorités militaires de l'après-guerre contribuent à le déstabiliser. Il a alors recours à la psychanalyse. Ce sera le geste décisif de sa vie, car son choix de l'analyste se porte sur Blanche Reverchon, l'épouse de Pierre Jean Jouve, qui fait peu à peu découvrir par celui qui se croyait homme d'action qu'il pourrait bien être homme d'écriture. Henry Bauchau entame alors sa carrière littéraire parallèlement à ses activités professionnelles en tant que directeur d'un collège international en Suisse jusqu'en 1973, puis comme psychothérapeute à Paris. Venu tardivement à la littérature, il prend toutefois une place de première importance, comme en témoignent les nombreux prix attribués à son œuvre, traduite en plusieurs langues, et son élection le 9 juin 1990, à l'Académie royale de langue et de littérature françaises où il succède à Robert Vivier. La première forme littéraire qui s'impose à Henry Bauchau, et qui sous-tend l'ensemble de son œuvre, est la poésie. Son premier recueil, Géologie (1958), s'inscrit dans la violence d'un mal-être et tente l'exploration des couches profondes du moi. Une première pièce de théâtre, centrée sur la figure de Gengis Khan (1960) reprend cette thématique en présentant un héros dans une situation qui caractérisera tous les grands personnages ultérieurs : partant du désastre, il trouve dans son dénuement même la liberté et l'énergie nécessaires à sa remontée. Par la suite, dans le recueil L'Escalier bleu (1964) et le roman La Déchirure (1966), l'œuvre prend un ton plus intime pour évoquer les liens filiaux. Parmi les nombreux traits communs de ces deux textes, le motif de l'escalier bleu, détail de la maison maternelle, et le personnage de Mérence, substitut maternel, prennent une signification orphique; il s'agit de valoriser la descente et la perte, car Mérence doit, comme Euridyce, disparaître pour que la vocation poétique se réalise. Entreprenant une psychanalyse didactique avec Conrad Stein, Henry Bauchau écrit une seconde pièce de théâtre, La Reine en amont, qui paraît initialement sous le titre La Machination (1966). Si le contexte historique est la jeunesse d'Alexandre le Grand, c'est la mère de celui-ci, identifiée à Jocaste, qui s'avère au cœur du récit, montrant comment l'absence maternelle est liée à la possessivité abusive du père. Cette mise en question de la fonction paternelle se poursuit dans le roman Le Régiment noir (1972), réhabilitation imaginaire de l'héroïsme du père sur fond de guerre de Sécession. Le récit fait entrevoir les forces contraires qui s'agitent en tout homme par la coexistence de deux héros : un blanc, qui exprime le rationalisme occidental et la violence destructrice à laquelle il peut conduire, et un noir, qui fait entrevoir la puissance pacifique de la pensée archaïque. En ces années paraissent également trois recueils poétiques, La Pierre sans chagrin (1966), La Dogana (1967) et Célébration (1972), où le poète traduit le dépassement des oppositions apparentes par une utilisation frappante de l'oxymore. Au début des années septante, suite à la chute du dollar, Henry Bauchau est contraint à fermer l'Institut Montesano et à se chercher une nouvelle existence. Il rédige simultanément un essai monumental sur Mao (1982) et un recueil poétique, La Chine intérieure (1975). Sa révolution personnelle s'exprime ainsi par les voies littéraires. Au moment où il oriente sa vie professionnelle vers la thérapie, il rédige La Sourde Oreille ou le Rêve de Freud (1981), un long poème narratif qui témoigne de ce qu'une même espérance porte le psychanalyste et le poète : celle d'accéder, par la parole, aux régions les plus intimes de l'être où s'érige le désir vrai, où se forment les fantasmes et les mythes. Peu à peu, Henry Bauchau parvient à cerner la configuration mythique qui organise son œuvre. S'ouvre alors, avec le recueil Les Deux Antigone (1986) et le roman Œdipe sur la route (1990), un cycle œdipien qui comprend le récit Diotime et les lions (1991). Le journal Jour après jour (1992) retrace la lente élaboration du roman, qui manifeste un déplacement de l'intérêt du mythe vers les modalités de la reconstruction personnelle d'Œdipe : la pratique de l'art et la présence aimante d'Antigone. Tournée au départ vers des valeurs viriles et guerrières, l'œuvre témoigne ainsi d'une mise en évidence progressive des qualités féminines de l'intériorité. En 1995 et 1997, il complète le cycle œdipien par les récits Les Vallées du bonheur profond et le roman Antigone. En 2004 est publié L'Enfant bleu, roman qui raconte les années décisives du traitement d'un jeune psychotique par une longue thérapie par l'art. En 2005 il sort un recueil de poèmes Nous ne sommes pas séparés. Toujours évolutive, l'œuvre, qu'elle prenne une forme poétique, dramatique ou narrative, se présente dès lors comme un cheminement. Sous-tendu par une volonté d'élucidation tant individuelle que collective, cet itinéraire au ton grave prend la forme de la quête d'un Graal mystérieux; ce que l'on n'a pas pu dire au moment essentiel, ce qui s'est tu, les blessures personnelles comme les plaies de l'Histoire, trouve peu à peu à s'exprimer dans la fiction. C'est pourquoi l'écriture allie la simplicité de la langue (la recherche du mot juste) à la complexité du sens, car tout est lisible à différents niveaux : si le sens premier est épique (l'aventure des conquérants) et le sens second intérieur (la conquête de soi), un sens troisième permet d'entrevoir une dimension sacrée, soit par l'entremise des mythes, soit par la mise en jeu de rituels archaïques. Il est mort le 21 septembre 2012.

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