Le culte du mot chez Marcel Thiry poète

À PROPOS DE L'AUTEUR
Fernand DESONAY

Auteur de Le culte du mot chez Marcel Thiry poète



Né le 28 novembre 1899 à Stembert d'un père pharmacien et d'une mère institutrice, Fernand Desonay a accompli une brillante carrière de professeur, de critique et d'écrivain, à l'enseigne de la philologie. À la fin de ses humanités au Collège Saint-François-Xavier de Verviers, il entre au lendemain de la guerre à l'Université de Louvain, pour y mener à bien des études de philologie romane et de philosophie thomiste. Étudiant remarqué, il prépare à Paris une thèse de doctorat qu'il soutient en 1922 avec la plus grande distinction, et publie sous le titre Le rêve hellénique chez les poètes parnassiens en 1928. À Paris, Fernand Desonay a suivi les cours de Joseph Bédier, d'Abel Lefranc et de Mario Roques, mais s'est surtout lié d'amitié avec Pierre Champion, qui lui donne le goût de la littérature des XVe et XVIe siècles, avant d'éditer avec lui Le Petit Jehan de Saintré d'Antoine de La Sale. À ce dernier, Desonay a consacré par la suite tout un cycle de travaux, dont un durable Antoine de La Sale aventureux et pédagogue (1940).

D'abord professeur dans le secondaire, Fernand Desonay est chargé de cours à l'Université de Liège en 1929, puis professeur ordinaire en 1935. Attaché à la section de philologie romane, il y enseigne notamment l'histoire des littératures romanes et celle de la littérature française, les exercices philologiques sur les langues romanes, l'encyclopédie de la philologie romane. C'est un maître écouté autant que séduisant. L'élégance recherchée de sa personne se marie avec un non-conformisme de bon aloi, entraînant le professeur à partager les sorties et les fêtes de ses élèves. Ceux-ci sont sensibles à la familiarité qu'il entretient avec les auteurs du passé et du présent et à la manière qu'il a d'évoquer l'amitié nouée avec Colette et avec Cocteau. Ils lui sont reconnaissants de leur inculquer le sens du style par un travail inlassable et raffiné de correction. Face à la rigueur d'analyse de Servais Étienne et à la créativité interprétative de Robert Vivier, Desonay défend avec brio, au sein de la Romane liégeoise, les droits de l'histoire érudite, tout en faisant partager une passion allègre des lettres et de la lecture.

Les enseignements de Desonay sont nourris de ses travaux, et d'abord de ses recherches sur les auteurs de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance. Après un Villon (1933) riche de vues originales, il voue ses soins à Pierre de Ronsard, analysant l'ensemble de sa production poétique dans une trilogie de plus de mille pages, Ronsard, poète de l'amour, publiée dans la collection de l'Académie en 1952, 1954 et 1959. Vaste travail d'érudition, requérant l'examen de documents rares, cette fresque, qui obtint le prix Counson et fait encore autorité, est toute consacrée à la sensibilité et au style du premier des lyriques français. C'est à une véritable analyse de poétique amoureuse que s'y livre le critique, montrant comment chacune des femmes célébrées par l'écrivain avait suscité une expression distincte, dictée par l'évolution d'une vie et d'une carrière. Peu de place à l'anecdotique dans tout cela, si ce n'est pour évoquer les décors de l'action. Desonay a toujours été attentif au génie du lieu : n'a-t-il pas escaladé plusieurs fois au cours de sa vie le Monte della Sibbila dans les Apennins sur les traces d'Antoine de La Sale?

L'autre part de la production critique de Desonay touche à la littérature du XXe siècle. Dans son Grand-Meaulnes d'Alain-Fournier (1941 et 1963), l'analyste se livre à un travail subtil de génétique romanesque, réclamant cette fois l'aide de la biographie. Desonay se fait plus résolument essayiste avec les volumes réservés à la production contemporaine qu'il donne à Clartés sur, la collection qu'il dirige. Impressionnistes dans leurs choix et leurs jugements, ces ouvrages dénotent une connaissance rare de la littérature en train de se faire.

L'homme de terrain et d'engagement qu'est Desonay ne peut se satisfaire de l'austérité de la vie universitaire. On a rappelé plus d'une fois la sympathie qu'il manifeste au jeune fascisme italien mais pour noter qu'il en dénonce très vite les errements. Durant la guerre, suspendu par l'occupant, Desonay rejoint le maquis ardennais au sein duquel il se comporte avec vaillance (voir Dans le maquis, 1945). La presse ne cesse de l'attirer par ailleurs et on le voit collaborer à La Nation belge, au Soir, au Pourquoi pas? et signer dans ces deux derniers organes des chroniques sur le langage qui font autorité. Le grammairien d'humeur y châtie le laisser-aller sans jamais se montrer puriste.

On s'étonne que Desonay n'ait pas poussé l'expérience créatrice au-delà d'Ange (1942), roman tout fourniérien. Mais il ne dédaigne pas d'écrire des livres pour enfants et des ouvrages de vulgarisation qui seront plus d'une fois couronnés de succès comme Léopold II, ce géant, paru en 1936. En fin de carrière, il évoque sa participation à la Société européenne de culture dans Air de Venise (1962) et d'enthousiastes enseignements américains dans Air de Virginie (1965). Ces ouvrages épars sont d'un humaniste mais tout autant d'un styliste. Car Fernand Desonay a été un grand amoureux du bien dire. Doué d'une grande facilité de plume, il a payé d'exemple. Chez ce connaisseur raffiné du code s'exprimait un goût du primesautier qui le portait vers le premier jet chez les écrivains étudiés. Épistolier actif et charmeur, Desonay a laissé un délicieux Art d'écrire une lettre (1945).

Fernand Desonay est élu à l'Académie le 13 mai 1950 en même temps que Robert Vivier et Luc Hommel. Il y est reçu par Gustave Vanwelkenhuyzen avant d'y accueillir à son tour Jean Cocteau. Membre du Conseil de la langue française depuis sa fondation, il a été par ailleurs doyen de sa faculté et docteur honoris causa des Universités de Montpellier et de Bordeaux. En désaccord avec certains collègues, il obtient d'être admis à l'éméritat en 1960. Amer mais toujours vigilant et attentif aux autres, il se retire à Sainte-Ode, en Ardenne, où, le soir du 9 décembre 1973, on le retrouve noyé dans les eaux froides de la rivière.


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