Le Carnet et les Instants - 196 - 4e trim. 2017 - Le carnet et les instants 196

Sommaire

  • Édito
    Fragile livre 
    Nausicaa Dewez
  • Magazine
    À la une: Les temps de Bob Morane
    François-Xavier Lavenne
    Perdu de vue: L’été pourri (1982) de Raymond Ceuppens
    Rony Demaeseneer
    Édition: La belgitude des éditeurs français
    Primaëlle Vertenoeil
    La littérature en lieux: Portes et livres ouverts.
    Les Rencontres Littéraires de Bruxelles
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    Vues d’ailleurs: Hors Cadre. Action culturelle en milieu pénitentiaire
    Hervé Leroy
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Wallon ou portugais? Pôve tièsse, de Guy Cabay (1978)

Guy Cabay (°1950) est musicien, compositeur, chanteur, musicologue et spécialiste de jazz. En 1978, il écrit les paroles et les musiques de Tot-a-fêt rote cou-d’zeûr, cou-d’zos, un album de chansons en wallon liégeois aux sonorités brésiliennes. Ce mélange surprenant mais savoureux lui offre un succès considérable et lui permet d’enchaîner notamment deux autres albums en wallon : Li tins, lès-ôtes èt on pô d’ mi (1979) et Balzin’rèyes (1986), qui seront suivis par un Bièsse Tof en 1999. Parmi toutes les compositions qu’il a réalisées, une chanson a incontestablement marqué les esprits : Pôve tièsse, que l’on désigne également sous le titre Amon Laca, en raison de son refrain lancinant.  Ce n’est pas seulement parce qu’elle a connu un grand succès que nous avons choisi de la retenir ici. Avec Pôve tièsse *, en 1978, c’est une réelle modernisation de la chanson wallonne traditionnelle que Guy Cabay propose, alors qu’elle restait cantonnée dans le genre lyrique ou humoristique. XX Pôve tièsse,  ou Amon Laca    XX     A fwèce di m’èscoler pace qu’i m’ faléve tot k’nohe po viker, on m’a hati l’ cèrvê. N’a-st-ine årmêye d’îdèyes qu’ minèt bacara sins s’arèster. Dj’a l’ tièsse come on sèyê. Refrain: Dji creû qu’il î fêt co pé, ’l î fêt co pé qu’amon Laca, qu’amon Laca, ’l î fêt co pé, ’l î fêt co pé. Dji creû qu’il î fêt co pé, ’l î fêt co pé qu’amon Laca, qu’amon Laca, qu’amon Laca. Ah, qué trikebale ! Ah, qué vôtion ! Ah, qué micmac ! Ah, qué bazår ! Ah, qué cayon ! Ah, qué mahis´ ! I m’ sonle qui m’ tièsse a mèzåhe d’on bon côp d’ ramon, Bon côp d’ ramon, bon côp d’ ramon ! Pôve tièsse, A t’ voleûr trop bin fé, on t’a gourdjî disqu’a t’ fé pèter D’ine kiriyèle d’a-målvå. Faléve tot-ahopler, tot-èton’ler, n’ rin lèyî passer. Faléve infler m’ cèrvê. Èco on pô pus´, èco on pô pus´ ! Refrain   (Lexique XX )                                                                       * D’emblée, le titre , bien qu’il donne peu d’informations au lecteur, suscite son apitoiement à l’égard d’une tièsse. L’absence de déterminant apporte un sentiment affectif à l’exclamation et contribue à faire de cette tièsse quelque chose d’abstrait. Le premier couplet nous permet de comprendre la raison de cet apitoiement : l’acharnement à instruire l’auteur. La tournure A fwèce di laisse penser que cette action a été entreprise au prix d’un large effort et de manière récurrente. Le choix de m’èscoler, a une valeur plus forte que ses synonymes acsègnî ou aprinde: plus qu’un acharnement à instruire, l’auteur estime qu’il s’agit d’une tentative d’endoctrinement. Évidemment, ce terme suscite de nombreuses connotations liées à l’école et semble désigner subrepticement les coupables. La justification de cette action est, elle-même, illogique: pace qu’i m’ faléve tot k’nohe po viker. L’objectif à atteindre est irréalisable, tandis que la récompense, déjà acquise, n’est pas condition de la réalisation de cet objectif. Cette action répétée et contraignante a eu comme effet premier de hati l’ cèrvê. Ce verbe est issu du lexique culinaire et signifie « havir », se dessécher sans cuire en dedans. L’image métaphorique, comparant les enseignants à de mauvais cuisiniers, montre la parfaite incompétence de ceux- ci. Ils ne sont d’ailleurs désignés que par un on impersonnel, vague et informe. Ils gâchent, par leur mauvaise pratique, une pièce de choix. Le recours à la métaphore montre le peu d’estime que l’auteur a envers ce que les endoctrineurs ont fait de son esprit. En outre, la structure syntaxique de ce vers ne respecte pas vraiment les règles grammaticales. Là où on attendrait la présence d’un adjectif possessif, qui manifesterait le rapport de possession sur cette partie du corps, le lecteur trouve une structure pronominale. Et cette structure rappelle le français se havir qui ne peut être employé que pour qualifier une viande. Ainsi, l’idée de distanciation et la dévalorisation de cette partie du corps en sont renforcées XX . Dès la deuxième partie du premier couplet, on entame la description des conséquences de cette action passée. C’est la violence des affrontements d’idées qui surgit d’abord, laissant voir un esprit torturé, en proie aux contradictions. Le choix du terme årmêye témoigne également d’une absence de discernement, d’une inclinaison à suivre les consignes sans se poser de questions. L’expression miner bacara désigne un vacarme immense. L’étymologie exacte de ce terme renvoie à un jeu de cartes, mais c’est également par cette expression qu’on faisait référence à un homme qui faisait du tapage en rentrant saoul chez lui. La confusion et le trouble des idées ne peuvent donc amener vers quelque chose de constructif… Ce conflit incessant et rude est donc parfaitement inutile, en plus d’être ininterrompu. L’auteur conclut ce premier couplet sur une expression, encore souvent employée sous la forme d’un belgicisme, qui désigne par une comparaison, l’état dans lequel cet acharnement l’a placé : une migraine causée par le verbiage lassant d’un interlocuteur. C’est donc avant tout le son assourdissant de toute cette confusion qui perturbe le narrateur. Le refrain, quant à lui, fait appel à une structure et un lexique simples, mais il est opacifié à plus d’un titre. L’allitération des k confère une sonorité bien particulière, apparentant cette phrase à une formule incantatoire. L’alternance de voyelles ouvertes et nasalisées (a et on), l’inversion et la répétition des termes tendent à créer une isophonie avec la langue portugaise. Le portugais compte la nasalisation et l’allongement vocalique parmi ses traits marquants. Le wallon, lui aussi, se distingue du français par ses voyelles longues. L’auteur invite à comparer le désordre de son esprit à celui de chez Laca XX . Ce référent, bien qu’il soit connu de l’auteur, n’est pas partagé par le lecteur. La comparaison est péjorative. Et cet aspect négatif, qui est finalement la seule donnée que le lecteur connaît de Laca, l’amène à envisager ce lieu sous un aspect plus sombre. Le deuxième couplet désigne par divers termes quasi synonymiques l’état de dérangement de l’esprit de l’auteur. La répétition de la structure syntaxique aide le lecteur à comprendre qu’une même idée est répétée, bien que les termes désignent à la fois un brouhaha auditif ou visuel. Mais, alors que cette répétition aide le lecteur à comprendre l’idée générale, elle reproduit et double elle-même ce désordre. Le troisième couplet reprend la plainte à la pauvre tête, en s’adressant directement à elle. Cette fois, le terme pôve est doté d’une seconde signification, dépréciative, celle du manque de ressources suffisantes. Encore une fois, l’auteur cherche à se distancier de cette tête trop pleine. Avec gourdjî disqu’a t’ fé pèter, le lecteur perçoit la profusion d’informations, le souhait de gaver la tête jusqu’à satiété, et même au-delà. D’ine kiriyèle d’a-målvå, tournure plus rare, désigne des choses qui ne servent à rien. Le terme ahop’ler comporte une connotation particulière : celle de l’amas du gain. Avec èton’ler, l’auteur se considère non plus comme un être doué de réflexion, mais comme un simple contenant parfaitement hermétique. N’ rin lèyî passer complète la donne. L’amoncellement de choses, la constitution d’un trésor, progressivement, perd sa valeur dès lors qu’on ne souhaite pas en profiter, que l’accumulation de connaissances ne sert pas au partage ou à la valorisation. En conclusion, l’auteur n’en retient plus l’objectif principal. L’apprentissage n’est plus qu’un prétexte à faire infler l’ cèrvê. Le thème dépeint est un thème récurrent dans la…

RENCONTRE: La Bellone, un outil de réflexion pour la dramaturgie. Entretien avec Mylène Lauzon

Quand elle débarque en janvier 2004 à Bruxelles, il y a plus de dix ans, Mylène Lauzon ne sait pas qu’elle postulerait un jour à la direction de La Bellone. Formée aux Études littéraires, adjointe à la direction de compagnies de danse à Montréal, elle s’intéresse à la nouvelle narrativité et au rapport texte/image. Lors d’un passage à Copenhague en 2002, où elle conçoit des soirées « Noises in the dark » en lien avec l’architecture, le son et le mouvement, elle fait un saut à Bruxelles et y noue des liens avec le dessinateur Thierry van Hasselt. Celui-ci la met en contact avec Karine Ponties. Les saisons passent, les deux femmes se retrouvent à Montréal. Là, Karine lui propose de travailler un an à Bruxelles sur la dramaturgie et le développement de sa compagnie Dame de Pic. Le sommet de leur collaboration sera Holeulone, en 2006, spectacle pour lequel Mylène écrit aussi des textes. On retrouve ensuite la Québécoise à Mons, au Centre des Écritures contemporaines et numériques 1 . Elle y est adjointe à la direction, « en somme, responsable de tout », c’est-à-dire des formations, des résidences, des festivals et de la gestion d’équipe. « Ma répétition générale avant la Bellone », reconnait-elle dans un rire. Mylène a aussi été danseuse en France en 2007 et 2009 et performeuse pour Sarah Vanhée à Bruxelles. De son aveu « une expérience indispensable pour comprendre de l’intérieur » les métiers de la scène. Au final, elle aura pratiqué presque tous les métiers qui tournent autour de la création : « la moitié de mon corps est dans la création, l’autre, comme opérateur culturel ». Écrire, dit-elle Sa dernière commande littéraire remonte à une collaboration avec Anne Thuot en 2014. « Je n’ai pas écrit depuis », dit-elle, mais cela ne semble pas lui manquer. « Il y a des gens qui se définissent par leur pratique. J’ai toujours fait plein de choses, je ne me fixe pas dans une identité. J’ai d’ailleurs tout autant l’impression d’écrire en faisant de la programmation. En agençant du sens au service de la poésie. Toutes ces pratiques sont interchangeables, même si je ne m’y engage pas de la même façon. Je ne suis pas attachée aux formes. L’important est avec qui je travaille et pour qui. » Sa candidature à la direction de La Bellone marque un tournant dans son parcours, motivée par « l’envie d’avoir des responsabilités, de diriger un lieu, d’avoir un regard transversal. J’étais prête », affirme-t-elle. Elle conçoit sa mission comme un travail autour et avec « de l’humain, de l’intelligence du vivre ensemble », comme la mise à disposition « d’un bel endroit pour accueillir des gens ». Une maison d’artistes ? Quand on la questionne sur le regard qu’elle porte sur sa ville d’adoption, elle pointe avant tout le bilinguisme, moteur de tension créative et artistique. « Bruxelles est une ville où se vivent des fondements identitaires. On se définit par rapport aux autres. Ce qui engendre une vitalité. Comme Montréal, Bruxelles est traversée au quotidien par ces questions. Mais Montréal est isolé tandis que Bruxelles est au cœur de l’Europe. Il y a ici une circulation de population artistique incroyablement riche. » Cette richesse s’inscrit toutefois dans un cadre institutionnel. La Bellone a cette particularité d’avoir des représentants de la Cocof, de la Ville de Bruxelles et de la FWB au sein de son Conseil d’administration 2 . Cela entraine des missions centrées « sur l’ancrage local, sur l’ouverture et l’enregistrement de traces », via le Centre de documentation. « Toutefois, La Bellone se donne ses propres misions, insiste Mylène. Je suis actuellement sur les deux dernières années d’une convention de quatre ans. En 2017, je proposerai un nouveau projet. » En effet, après quatre années de mise en veille et de redressement financier, l’outil devait être réanimé. Sous la tutelle de Laurent Delvaux, chef de cabinet de l’échevine de la Culture de la Ville de Bruxelles, et de la directrice faisant fonction, Barbara Coeckelbergh, la Maison a dû faire un certain nombre de sacrifices afin d’assainir ses comptes. L’équipe, elle, sans projet et au futur incertain, était dans l’attente d’un élan. Et cette attente fut longue. « Même par rapport au secteur, il y reste beaucoup d’attente, voire un peu de pression. » Le projet de Direction, en effet, demande à être réfléchi. Car La Bellone reste « un outil lourd avec un petit budget artistique ». Soutenue presqu’à part égales par les trois instances à hauteur de 380.000 euros, la Maison ne réserve qu’une part minime aux accueils et aux activités artistiques. « Or, tous les artistes qui viennent travailler à La Bellone y déploient leurs efforts, leur temps et leur intelligence. Mais je n’ai ni les moyens de valoriser ce travail ni de le rendre visible. » La Bellone met actuellement à disposition des espaces dans le studio, la cour ou la galerie - le seul endroit où l’on peut diffuser des œuvres finies. L’idéal serait de pouvoir rémunérer tous ceux qui viennent travailler et partager leur savoir. « Pour l’instant je finance de la recherche fondamentale : trois semaines avec une question, sans rencontre avec le public. L’idée à terme est de communiquer sur la recherche comme service à la société. Il ne s’agit pas que d’enjeux esthétiques mais aussi politiques et sociaux. On est citoyen avant d’être artiste. » Remettre le signifiant au centre Le point névralgique de cette politique est le Centre de documentation. Ce dernier recense dans les quotidiens et les revues spécialisées tout ce qui se passe sur les plateaux, ce qui permet des recherches variées en dramaturgie. Actuellement, sa principale clientèle se compose de chercheurs universitaires en politique culturelle. « Le Centre n’est pas un service lié à un besoin de mémoire en tant que telle mais un outil de recherche en théâtre, un outil qui peut nourrir le questionnement actuel », précise Mylène. S’il stocke un volume important de papier, il faut se rappeler qu’il a été créé au moment où Internet n’existait pas. Maintenant que des plateformes multiples existent (telles que les sites des théâtres ou des méta-sites sur la production contemporaine), se pose la question du service offert à la population par le centre de documentation. « Il doit se recentrer sur des services que d’autres ne font pas, interroger son public et produire de l’analyse, des critiques sur les politiques culturelles via le web ». La Bellone deviendrait-elle un centre de discours sur le spectacle ? « Oui, mais qui permet de produire son propre discours. Ma priorité actuelle n’est pas, par exemple, de produire un spectacle d’art numérique mais plutôt d’organiser une conférence sur la culture numérique, pratique qui n’a pas encore interrogé toutes ses ramifications, que ce soit du côté de l’art ou de la neurologie. Il faut créer des états des lieux, poser la question Où en est-on dans sa pratique? afin de prendre le temps de mesurer le geste qu’on pose dans le monde. » Mylène veut remettre l’étude du signifiant au centre des préoccupations : « C’est cela qui manque à la communauté : un outil qui réfléchit à la dramaturgie. Comment fait-on pour avoir un corpus artistique signifiant ? » Des collaborations choisies En marge de ce travail, la Bellone doit-elle remplir des fonctions de défense des professions de la scène? « La Maison n’a pas vocation de représenter un corps de métier. Je suis une généraliste : elle doit rester un outil de ressources transdisciplinaires. On doit s’attacher à créer du lien et à mutualiser. Mais je ne suis pas convaincue par les fusions. Le CIFAS, le Guichet des arts, le Centre de Doc, Contredanse font chacun du bon travail. Ce qui est important, c’est que ces associations résidentes vibrent à La Bellone. Je ne crois pas aux coupoles mais…

La lecture à haute voix en confinement

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