Le bel âge

RÉSUMÉ

L’action de ce livre se déroule dans une petite ville du pays d’Artois, au début du siècle. Cette ville, que l’auteur nomme simplement B…, prête au récit son décor et une couleur feutrée extrêmement particulière. Mais, à la différence d’autres cités illustrées par des romans de mœurs provinciales, B… n’est pas seulement un lieu et un cadre : elle est un personnage. Elle est même le personnage le plus important du récit. Sensuelle et puritaine, avide, étouffante et étouffeuse, elle tolère mal que quiconque vive en dehors de ses lois. Tout cela fait que ses habitants passent leurs journées dans un qui-vive assez excitant et que, toutes proportions gardées, la vie n’y est guère plus sûre qu’en première ligne : « Il serait trop simple d’être irréprochable, dit le narrateur. Celui qui veut survivre doit avoir l’œil partout et garder sans cesse le doigt sur la gâchette… » Pour lutter avec quelque chance de succès contre l’extraordinaire puissance de mort que représente la petite cité tranquille, il faut posséder le génie innocent d’une jeune femme vivante : celui de cette Madeleine, qui débarque un jour d’avril sur le quai de la gare de B…, avec sa valise de carton et son chien.

PRIX
  •   Prix triennal du roman, 1966-1970
À PROPOS DE L'AUTEUR
Charles Bertin

Auteur de Le bel âge

Né à Mons le 5 octobre 1919, au sein d'une bourgeoisie austère, neveu et filleul de Charles Plisnier, à qui il gardera une fervente fidélité, Charles Bertin, au sortir de ses humanités anciennes, prend son diplôme de docteur en droit à l'Université libre de Bruxelles. Avocat au barreau de Mons de 1942 à 1947, chef de cabinet adjoint du ministre du Travail, il se fixe à Bruxelles où il entame une carrière de haute administration. Lorsqu'il entre en écriture, c'est vers la poésie que se tourne naturellement ce très jeune homme dont des vers inédits ont été remarqués par Paul Valéry. Ceux de Psaumes sans la grâce (1946) et de Chant noir (1949) lui gagnent l'estime et, bientôt, l'amitié de Marcel Thiry dont il deviendra l'exécuteur testamentaire. Une assurance prosodique souveraine, un lyrisme douloureux posent ici la voix d'un écrivain hanté par le sentiment de la solitude humaine. C'est encore ce sentiment qui lui fournit l'argument de sa première pièce, Don Juan, qui lui vaut, l'année même de sa création (1947), le Prix triennal du théâtre. Tout fidèle qu'il soit au personnage célèbre, son Juan n'en fait pas moins entendre un accent nouveau. Le séducteur cherche en effet à rompre avec la fatalité. Il brûle de céder à l'innocence d'Anne d'Ulloa, mais son démon triomphe de son éphémère espérance, ce qui le conduit à dénoncer lui-même, sur la fin, sa nature maudite : je suis né pour détruire. Après la solitude de l'amour, sa deuxième pièce, Christophe Colomb, - couronné en 1953 par le Prix Italia - explore la solitude du pouvoir et de la gloire. Sur la Santa Maria, dans son étroite cabine, il s'agit moins, pour le découvreur, d'identifier un continent inconnu que d'apaiser cette orgueilleuse soif d'accomplissement intérieur qui le brûle. La structure de la pièce se joue des périls d'une action qui se déroule en mer pendant plus de neuf semaines : tout se passe soit dans le poste de commandement de Colomb, soit sur le pont du navire amiral où le chœur des marins commente l'action, comme dans le théâtre antique. Inaugurant ensuite une nouvelle forme d'écriture, Bertin publie son premier roman, Journal d'un crime, chez Albin Michel en 1961. Le héros du livre, responsable involontaire du suicide d'un inconnu, poursuit avec son propre personnage un dialogue sans concession. Trois ans plus tard, Le Bel Âge vaut à son auteur le prix Rossel et le Prix triennal du roman. Une jeune femme impose ses libertés à une ville de province à laquelle, on le devine, Mons a servi de modèle. L'alacrité de l'intrigue et une écriture toute en finesse fait songer à Radiguet et l'auteur prend souvent quelque distance à l'égard de son habituelle austérité. Cette liberté d'approche éclaire aussi deux pièces : une brillante adaptation d'un canevas de Gozzi, L'Oiseau vert, et Le Roi Bonheur, un conte philosophique qui est un cri de révolte contre le désert de l'âge adulte, dans lequel, sur les traces du Caligula de Camus, un souverain désespéré se propose à lui-même et propose à ses sujets de répudier les faux-semblants en retournant à l'ordre rigoureux et enchanté de l'enfance. Charles Bertin est également l'auteur de plusieurs adaptations d'œuvres théâtrales étrangères. Président, aujourd'hui honoraire, de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, il a mené des actions notoires en faveur des dramaturges et de la politique théâtrale. Après plusieurs années de silence, Charles Bertin publie Les jardins du désert (Flammarion, 1981), que l'on peut tenir pour l'un des très grands romans de notre temps. Dédié à l'écrivain d'anticipation dans lequel Bertin a pris, tout enfant, la passion de la lecture, ce roman s'est, à juste titre, vu décerner le prix Jules Verne, avant plusieurs autres lauriers, dont le Grand Prix du roman de la Société des gens de lettres. À la suite du Grand Éclair, un cataclysme atomique, l'humanité se trouve réduite à une petite communauté d'artisans, de pêcheurs et d'agriculteurs rassemblés sur une île méditerranéenne. Ils vivent sous un régime de théocratie pastorale qui a banni tout ce qui pourrait avoir trait aux modes destructeurs de l'existence d'antan. Une sorte d'Église les régit. À sa tête, un pontife qui détient toute l'autorité : le Très-Saint. Parvenu dans son grand âge, pétri d'une lucidité sans illusions, il entame son récit à l'instant où une sécheresse sans précédent menace son peuple d'une fin certaine, qui serait aussi celle des jardins. Comme Colomb dans la solitude de sa cabine, le Très-Saint, retiré dans sa chambre secrète de la tour du palais, qui domine le bourg, médite sur le sens de sa vie. Lui qui en se dominant a appris tout ce qui le rebutait, avoue : «Mais je n'ai jamais appris le bonheur.» La réussite exemplaire du livre tient à la magie de son écriture autant qu'à l'entrecroisement constant des deux registres sur lesquels il est construit : d'une part, le suspens, soigneusement entretenu, sur les dangers qui menacent ; de l'autre, la considération hautaine, par un maure du débat intérieur, de l'action et de sa vanité. Très différent, dans sa facture apparente, de l'œuvre qui l'a précédé, Le Voyage d'hiver, dont le titre, emprunté à Schubert, rappelle la dette que l'écriture de Bertin garde à l'égard de la musique, est publié en 1989, alors que son auteur vient de se voir attribuer, pour l'ensemble de son œuvre le prix Montaigne de la Fondation Frédéric von Schiller, de Hambourg. Ironiquement sous-titré romance, le roman raconte le parcours d'un homme voué à la reconquête de son unité perdue. Resté seul après la mort de sa femme, Sabin Ferrier trouve dans les magies du souvenir et l'amitié médiatrice d'un chien, la force de lancer un ultime défi au néant… À sa manière, la colline du Sédron est aussi un jardin du désert. Si la continuité des thèmes de Bertin constitue une des clefs de son œuvre, l'autre est, assurément, la passion violente, amoureuse, qu'il nourrit à l'endroit d'une langue dont l'exactitude, la clarté, le rythme n'endiguent jamais le frémissement. Charles Bertin meurt le 21 octobre 2002. Il avait été élu à l'Académie le 18 novembre 1967.

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