De son vrai nom Henri Wagener, ce dramaturge belge d'expression française, contemporain de Crommelynck et de Ghelderode, a été, comme eux, fortement marqué par l'expressionnisme. Après une première pièce,
Les Épaves (1919), présentée à Bruxelles et où il se cherche encore, il connaît du jour au lendemain la célébrité avec
L'Autre Messie (1923), que monte Lugné-Poe au théâtre de l'Œuvre. Dans un bouge de Varsovie, des mendiants juifs y débattent de l'existence de Dieu dans une atmosphère de soûlerie, de blasphème et de rixe. Mais, à travers l'aspect grotesque et provocant de ce spectacle apparaît, remarquablement dessinée, la lancinante nostalgie de l'homme pour une valeur qui le dépasse. Âprement discutée, la pièce sera même interdite à Prague après quelques représentations et y provoquera dans le milieu intellectuel des débats animés sur le rôle de la censure. Plus tard, avec
Madame Marie (1928), Soumagne reviendra sur la même interrogation, mais en donnant cette fois à sa pièce l'apparence d'un mystère biblique. Matthieu, l'évangéliste, y convainc Jésus qu'il est le fil de Dieu...
Les autres pièces du dramaturge restent dans la même veine de provocation et de recherche de situations paradoxales. Après
Bas-Noyard (1924), farce politique où la bouffonnerie est sans cesse présente et que monte à Bruxelles Jules Delacre au théâtre du Marais, Soumagne présente, avec
Les Danseurs de gigue (1926), deux personnages qui ne sont qu'une double incarnation d'un seul être humain. En tout point semblables, ils finiront par se tuer mutuellement au cours d'un duel. Et
Terminus (1928), que monte Gaston Baty, met en scène un être auquel on a prédit l'instant exact de sa mort et qui voit avec angoisse s'approcher celui-ci. Si chacune de ces pièces est ainsi caractérisée par une situation dramatique remarquable et originale, le langage de Soumagne, trop littéraire, a malheureusement beaucoup vieilli.
Paul EMOND
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